Restée seule dans l’église, Alice était recroquevillée dans un coin, le cœur sur el bord des lèvres, prêt à exploser. L’église était dévastée, et elle ne comprenait clairement pas ce qui avait pu se passer. Tout s’était enchaîné bien trop vite, et elle était maintenant seule, avec un mort. D’ici quelques minutes, elle entendrait les sirènes se rapprocher. La Princesse savait qu’il ne fallait surtout pas que la police l’interroge. Auprès de l’administration scolaire, elle avait un alibi, un état civil fictif, mais la police s’apercevrait rapidement que la Princesse n’était pas une simple immigrée venant d’Ouzbékistan, et elle ne pouvait pas leur dire qu’elle venait d’une autre planète. Alice entreprit alors de se relever, tout en se forçant à ne pas voir le corps en bouillie de Nakomoto. Elle vit toutefois le corps du démon, ainsi que des projections de sang, des morceaux de cervelles, des bouts blancs qui jonchaient le sol, et sentit son estomac lui tourner. Son visage pâlit, et elle entendit alors un murmure en latin.
« In Nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti... »
Il priait pour ce pauvre diable, et Alice avait mal à l’estomac. Malgré la pluie, elle se mit à courir, et le prêtre réalisa alors qu’il y avait quelqu’un, et leva la tête, essayant, en vain, de l’appeler. La Princesse partit en courant, et sortit dehors, où la pluie lui tomba sur la tête. Elle mit rapidement sa capuche sur la tête, et descendit les marches. Des gens étaient paniqués dehors. Des voitures fumaient, des individus parlaient entre eux, et Alice put voir qu’il y avait eu des traces de lutte. Plusieurs des personnes qui avaient été dans l’église pleuraient dehors, sous la pluie, et la Princesse comprit qu’Oberyn était parti à la poursuite des démons. Son estomac lui refit à nouveau mal. Elle revoyait les corps en morceaux, et s’appuya contre le mur, avant de sentir son plat revenir, remontant à toute allure, et elle vomit sur le sol, incapable de se retenir, crachant sa bile sur le trottoir.
Un homme, en la voyant, essaya de la rassurer en la tenant par le poignet, mais, en sentant ce contact, Alice frissonna, et se mit à courir. Elle n’avait pas l’habitude de côtoyer la mort de si près. Deux tonnerres... Elle avait entendu deux détonations terribles dans l’église, si fortes qu’on aurait dit des coups de tonnerre. Il avait suffi d’un seul tir pour ôter la vie de ces créatures. La Princesse en tremblait, ayant froid et chaud, et s’adossa contre un rebord, la pluie s’égrenant sur sa capuche. Elle avait avec elle un parapluie, mais elle n’avait pas pensé à le sortir, bien trop bouleversée pour penser à autre chose. Nerveuse, la jeune femme se sentait mal. Elle essaya de se calmer, mais son cœur continuait à s’affoler.
*C’est terrible...*
Elle n’avait jamais vu la mort d’aussi près, et, surtout, de façon aussi inattendue. Dans son château, Alice n’avait jamais eu ce genre de choses. Elle vivait encore dans sa tour d’ivoire, et n’avait pas encore eu la chance, pour ainsi dire, de voir des personnes mourir de si près, et ce de manière instantanée. L’instant d’avant, une personne bien vivante était à côté d’elle, remerciant le Seigneur pour avoir accordé son aide à sa fille. L’instant d’après, elle avait un trou à la place de la tête, et du sang, du sang partout... Oh, tout ce sang, tout ce sang ! Sans pouvoir se l’expliquer, la Princesse en avait envie de pleurer, et tremblait à nouveau, se frictionnant les membres. La Princesse secoua la tête, soupirant à nouveau, et recommença à marcher.
Mélinda. Sans pouvoir se l’expliquer, il fallait qu’elle la croise, qu’elle soit chez elle, au chaud, et que la vampire la rassure. Elle seule pouvait la rassurer. Alice n’avait cependant aucune idée de comment la rejoindre, et sortit donc son portable, tout en s’abritant à un arrêt de bus, et l’appela. Ses doigts tremblaient, elle était frigorifiée, claquait des dents, et avait besoin de parler, de remuer sa langue, afin d’éviter de vomir. Elle renâclait et parlait en grelottant.
Les démons avaient laissé une belle pagaille derrière eux, mais n’avaient tué personne. Ils avaient provoqué un accident de la circulation quand l’un d’eux avait heurté le flanc d’une voiture en stationnement, repoussant cette dernière, qui s’était heurtée à une autre voiture sur le boulevard. En cherchant à les éviter, un autre automobiliste avait braqué sur la droite, et avait heurté un bus des transports en commun filant sur un carrefour. Sa voiture avait décrit un superbe tonneau, et l’automobiliste s’était retrouvé écarbouillé par l’airbag contre son siège, et s’en était sorti avec un sacré choc.
Les démons s’étaient enfuis vers un tunnel menant aux égouts, mais les choses ne se passèrent pas vraiment comme ils l’avaient escompté. Cette maudite peste les surprit encore, en tuant deux d’entre eux, et faillit tuer le troisième. Bien sûr, pour un démon, la mort était moins grave que pour un humain. Un démon mort retournait en Enfer, mais sous une forme physique bien moindre. C’était une sorte de renaissance, dans une forme très inférieure, et il fallait de nombreux siècles, si ce n’est plus, pour qu’un démon retrouve son ancienne puissance. Il était donc particulièrement furieux de voir que cette garce avait réussi à faire un tel carnage, et entendit bien la punir comme il se doit. Il n’aurait qu’à mentir auprès de sa Maîtresse, et, de toute manière, cette dernière ne pourrait que l’approuver, vu ce qu’elle avait réservé à cette femme. Le démon devait se retenir pour ne pas la battre. Comme tout démon, il portait un nom assez imprononçable, et on avait ainsi coutume de l’appeler Groink, sans savoir que ce nom correspondait au son que faisait un cochon en grognant. Groink était un démon plutôt brutal, et fort peu intelligent. De plus, comme tout démon, il avait des pulsions primitives assez fortes, qui se traduisaient, soit par une envie de tuer des gens en les brutalisant, soit par une envie de les baiser... Pour les tuer ensuite. La vie était assez simple pour Groink, et il obéissait à sa Maîtresse, tout en rêvant un jour de pouvoir l’enculer à sec. Il ne se soumettait à elle que parce qu’il savait qu’elle pouvait le tuer en moins de temps qu’il n’en faut pour dire son nom.
L’honneur était une chose capitale chez les démons, même s’il s’exprimait de manière très spéciale. Cette petite pute lui avait manqué de respect, et il allait le lui faire payer. Il retira tous ces vêtements d’hommes, se révélant dans sa nudité. Un beau démon rouge, énorme, avec un gros ventre, des écailles, des griffes, deux ailes, et un corps massif... Ainsi qu’un chibre assez long, et durci. Il se rapprocha d’elle, décidé à lui fourrer sa queue dans la bouche. Et, si elle devait en mourir... Et bien, tant pis. En toute honnêteté, elle lui avait fait peur, et il ne pouvait tolérer ça.
Il s’approchait donc, et allait la tuer... Quand il sentit quelque chose dans son dos, quelque chose qui remonta jusqu’à son ventre. Il grogna, et cracha du sang, avant de baisser la tête.
« Mais... Mais que... ?! »
Il vit une lame qui sortait de son ventre, un truc grotesque, qui déformait son corps. La lame était couverte de son sang, et il sentit alors une pressions ‘exercer sur son dos. Derrière lui, Oberyn l’avait transpercé, et posa son pied sur la peau du démon, avant de le pousser, en profitant pour récupérer son épée. Le démon tomba sur le sol, se vidant de son sang. Oberyn fit décrire un moulinet à son arme, et l’enfonça d’un coup sec dans la boîte crânienne du monstre. Le démon poussa un grognement en remuant sur place, tous ses muscles se contractant en d’ultimes et brefs spasmes nerveux, et il poussa un râle.
Oberyn se planta face à la femme, fronçant les sourcils.
« Je suis le Commandeur Oberyn, jeune femme, et quelque chose me dit que tu as de singuliers problèmes. Cependant, ton histoire ne me concerne pas, aussi vais-je être bref et synthétique. Sois tu viens avec moi, et tu bénéficieras de mon assistance, soit tu restes ici, et je te laisserai te débrouiller. »
Le Commandeur parlait sur un ton calme, clair, professionnel, nullement troublé d’avoir son épée plantée dans le cerveau de quelqu’un.