[HRP - Le titre est un hommage à
Gonzague !]
Kioko était, au sens littéral du terme, une surdouée. Dans un pays comme le Japon, où le système scolaire était fortement concurrentiel, et très élitiste, elle avait réussi à rejoindre une université en étant assez jeune. Pour être honnête, son dossier était tellement bon, ses notes tellement hautes, et les appréciations des professeurs tellement élevées, que plusieurs universités lui avaient proposé de venir, en lui offrant la possibilité d’une bourse. Elle aurait notamment pu rejoindre la très prestigieuse université de Tokyo. La
Tōdai était une université gigantesque : vingt mille élèves en moyenne, trois campus gigantesques, un budget astronomique... Elle se félicitait de compter, parmi ses anciens étudiants, plusieurs prix Nobel, et des Premiers Ministres, et ses bibliothèques, en tout, abritaient la somme affolante de 9 millions de livres. Université cosmopolite, la
Tōdai comptait 15% d’étudiants étrangers, ce qui en faisait, d’un point de vue international, l’université la plus attractive du pays. Rejoindre cette université avait donc vivement tenté Kioko, d’autant plus que l’université abritait dix facultés de droit. Pour autant, Kioko avait décidé de rester dans sa ville natale, et de rejoindre la petite université de Seikusu, qu’on rattachait généralement au lycée Mishima, dans un ensemble éducatif liant intimement le lycée à l’université. L’université accordait en effet, selon la rumeur, des préférences aux élèves issus de Seikusu : facilités de paiement, notations moins strictes... C’était une rumeur, rien de plus, mais il n’y avait, après tout, jamais de fumée sans feu.
Kioko était donc une surdouée, et c’était comme ça qu’elle avait réussi à faire le lien entre les vidéos pornographiques du manoir de sa Maîtresse, Mélinda Warren, principale raison ayant conduit Kioko à rester à Seikusu, et une élève d’un des cours de théâtre où elle se rendait le soir, afin de renforcer sa capacité de prise de parole et de diction à l’Oral. Kioko envisageait en effet de devenir avocate, ce qui était excessivement difficile au Japon. C’était un pays très sexiste, et le droit était, par excellence, un endroit machiste. Rien à voir avec les facultés européennes, où les femmes étaient dominantes. Ayant toujours été assez timide et réservée, ce qui était souvent le cas quand on avait deux ou trois ans de moins que ses collègues, Kioko avait toujours eu un mal de chien à s’exprimer en public. Étant très intelligente, et du genre à retenir tout, beaucoup de ses camarades avaient pris un malin plaisir à l’enfoncer. C’est dans cette circonstance qu’elle avait fini par rencontrer Mélinda. Qu’une femme aussi intelligente qu’elle soit devenue peu à peu son esclave en disait assez long sur la manière dont une vampire comme elle pouvait arriver à retourner la psyché des gens qu’elle côtoyait.
Mélinda lui avait ôté sa virginité, et l’avait aidé à se sentir mieux dans sa peau, à accepter le fait que sa différence ne faisait pas d’elle un monstre, mais un génie, et que l’être humain, faible par excellence et par nature, avait tendance à méfier de ce qu’il ne comprenait pas. Mélinda lui avait parlé de l’Histoire, des guerres de civilisation, de l’esclavage, de la traite négrière, lui montrant comment des gens civilisés avaient pu se laisser aller à des actes ignobles et inhumains, parce qu’ils avaient peur des autres, parce qu’ils n’admettaient pas la différence. Les paroles suaves de Mélinda avaient fait écho dans les oreilles de Kioko, lui rappelant les propos de Claude Lévi-Strauss. C’est à travers le sexe et son intelligence que Mélinda avait séduit Kioko, et que cette dernière en était tombée amoureuse, tout simplement.
Sa Maîtresse l’avait laissé libre de choisir où elle voulait aller, tout en lui recommandant d’aller à une université prestigieuse, afin de décrocher un poste influent, et ainsi de pouvoir renforcer l’influence de sa Maîtresse. Kioko avait réussi à passer une semaine à Tokyo avant que la présence de sa Maîtresse ne lui manque tout simplement trop.
C’est donc ainsi que Kioko s’était retrouvée à Seikusu. Pour perfectionner son niveau, elle avait suivi des cours de théâtre, et, au bout de quelques cours, avait repéré une silhouette qu’elle avait déjà vu quelque part. Une belle femme, faisant plus jeune que son âge, et qui avait de longs cheveux bruns. En faisant quelques recherches au manoir, elle avait fini par mettre la main dessus. Ayumi Ishiyama. Une jeune actrice porno, qui était littéralement née sur un plateau. La nouvelle, incroyable, avait donné lieu à une sorte de légende urbaine du X, où on parlait d’un procès, d’une censure gouvernementale sur le film. Kioko avait revu cette scène, assez incroyable, où une femme enceinte avait mise un enfant au monde tout en étant sanglée et pénétrée par des espèces de machines.
On disait que Megane Ishiyama avait été poursuivie par la justice, que le producteur de l’œuvre avait fini en prison, mais Kioko n’avait rien trouvé de probant sur le Net. Visiblement, l’affaire était entrée dans la légende, au même titre que ces actrices américaines qui avaient réalisé des gang-bangs publics incluant, selon leurs propres termes, des centaines de personnes.
C’est fort de cet enseignement que Kioko s’était décidée à aborder la fameuse Ayumi. Le cours de théâtre était en train de se terminer, les élèves quittaient l’amphithéâtre. Maîtresse voulait la voir, en pensant qu’avoir une actrice porno à domicile pouvait être une bonne idée. Kioko se rapprocha donc d’elle.
«
Hey ! Salut, Ayumi ! »
Kioko lui fit un petit signe de la main, qu’elle vouait sympathique et rassurant.
«
Je... Euh... Ça va te sembler un peu zarbi, mais j’aimerais pouvoir discuter avec toi, si ça ne te dérange pas... J’m’appelle Kioko. »
C’était une manière comme une autre d’aborder les gens.