Jadis, le Roi Gallus fut celui de trois trônes. Celui de Horn, en premier lieu : s’étendant de la mer Suzan jusqu’aux massifs d’Ygros, il était le foyer des Junts et des Nains. Les Junts ?! Celui de Jyldaria ensuite : au-delà d’Ygros et jusqu’à Gabata’O (la Cité Rescapée), ces contrées fabuleuses abritaient moult merveilles de l’antique civilisation Tulléenne. Elles avaient aussi vu naître Crocus le Monstre. « Lui », comme qui dirait. Celui de Gonzen, enfin : Terres des Hommes Grands, plombées par leurs montagnes épaisses et veinées par les Cavernes de Dagoudem. Sous le règne de Gallus, Roi du Savidor Unifié, ces trois pays consentirent à une paix provisoire. Mais il fut trahi...
Un coup de vent frappa le livre, et la préface historique fit place à la dédicace.
« Cet ouvrage t’es dédié, Lizzie. Repose en paix. » Je doutais que l’hommage lui parvînt. Ou même qu’il lui fut particulièrement destiné. Existait-elle seulement, cette Lizzie ? Je tournai les pages, puis entamai le premier chapitre, subtilement intitulé
« Chapitre un ». Il était question d’un mystérieux cavalier, porteur d’un obscur message, galopant de nuit lors même qu’une pluie de flèches volait à sa suite. L’une d’elles lui infligea
une violente douleur dorsale, deux ou trois pouces sous l’épaule droite, qu’il ignora superbement. Il loua sa monture, la jugea excellente. Soudain, un grincement s’entendit : celui du pas humain escaladant le gradin. Je levai la tête.
Le gradin en question flanquait un terrain de baseball, assailli par les taupes et squatté par quelques groupes d’élèves plus ou moins proches de la nature. Un gradin, où je m’étais installé pour bouquiner au calme par cette gentille après-midi d’Eté, à la faveur d’une heure libre. Or, voilà qu’on me visitait. On, c’était Mikune, ex petite amie de moi depuis que, plus tôt dans l’après-midi, j’avais officialisé notre rupture par texto.
– C’est quoi ça ? Elle me montra ledit texto sur son portable ; je le lus, sans trop savoir pourquoi d’ailleurs. « Je te quitte. »
– Ca, c’est la vie. Ne te vexe pas. Ce fut une belle aventure, longue d’une semaine ; aujourd’hui, il est temps de tourner la page. Sur son visage, je ne lus ni colère ni tristesse. Peut-être une pointe de mépris. Celle-ci ne me giflerait pas ni ne me ferait son cinéma, songeai-je. En effet, elle rengaina son téléphone, et se contenta d’un autoritaire
« Ce soir, viens chez moi. On en reparle. » Avant de tourner les talons.
Pendant qu’elle s’en allait, j’aurais pu la héler, la prévenir que je ne viendrais pas chez elle ce soir, mais je n’en fis rien. Deux causes potentielles à cela : soit je ne voulais pas l’affronter et calculai que lui poser un ultime lapin enterrerait définitivement toutes ses velléités de renouer, soit Ô pauvre de moi, j’envisageai sérieusement de la visiter. Je connaissais fort bien les raisons de son affection : depuis une semaine, j’avais claqué le prix d’une bagnole en shopping, pour elle. Une semaine de plus, et mes rentes du mois y-passaient.
Quand elle remue ses fesses...Je décidai que cette affaire n’avait qu’une importance secondaire, et repris ma lecture.