Nexus avait été une brève parenthèse dans l’errance de Cahir. Agréable et troublante. Il y avait croisé une nécromancienne, et il ne savait pas trop s’il avait envie de la recroiser un jour ou non. Quoiqu’il en soit, ce séjour lui avait permis de comprendre que l’ancien Ashnardien n’avait rien à faire dans cette région. Ou presque... En réalité, il avait repris sa marche vers Nexus, à la recherche d’informations qui pourraient permettre de le réhabiliter auprès de l’Empereur et du Conseil Impérial. Sans trop s’attarder sur les détails, il avait fini par apprendre à un marché qu’il y avait une « chose de valeur » dans la « Mer de Sables », aux limites de Nexus. Passant alors ses journées à traquer des malfrats et des ivrognes en faisant le videur dans une taverne pourrie, Cahir était parti pour la « Mer de Sables », surnom donné à un vaste désert. On l’appelait aussi la « Fournaise ». Il avait commencé par rejoindre une grande cité marchande plantée dans le désert, autour d’une grande faille, Vaes Climpsack. Sur place, il avait rapidement compris que l’autorité de Nexus n’était ici que virtuelle. La ville était dirigée par un Conseil de marchands et par un sultan, le second ayant en charge le pouvoir exécutif.
*Le désert... Il fait chaud, les grains de sable sont aussi chiants à enlever que des furoncles dans le cul, et il fait chaud !*
Ayant un cheval, Cahir avait mené ses investigations, cherchant cette « chose de valeur ». On avait fini par lui parler, dans un harem faisant office de taverne, d’un « ancien château au sud », un château recouvert par les poussières, et qui, selon la légende, renfermait aussi des « trésors dépassant l’imagination ».
« Si fait, étranger, avait dit l’homme, des trésors qui feraient pâlir un Nexusien pure souche, mais garde à l’esprit qu’une légende s’accompagne toujours d’un monstre. »
Aucune carte ne mentionnait un tel château, mais Cahir était bien placé pour savoir que les cartes étaient imparfaites. Par rapport à Nexus, la différence qu’il y avait ici avec les gens du coin est qu’on ne les payait pas en alcool, mais directement en pièces d’or. Au moins, on évitait des cuites et des gueules de bois interminables. Tout ce que Cahir espérait, c’était de ne pas tomber sur des Draugr, des nécromanciens, des zombies, ou des morts-vivants. Il en avait sa claque, des revenants. Et un château abandonné, ça ne lui rappelait que trop celui qu’il avait quitté il y a plusieurs semaines.
Portant un turban sur la tête pour se protéger du soleil, Cahir s’était enfoncé dans le désert. Il y avait des dunes partout. Les quelques bourrasques de vents faisaient remuer la poussière. Il eut la chance de ne tomber sur aucun pillard, sur aucune bête comme les scorpions des sables, et, en ce sens, ce voyage de plusieurs heures fut assez sympathique, même s’il était terriblement monotone. Cahir finit par tomber sur des cavaliers. S’il avait été sur Terre, Cahir aurait pu voir en eux des espèces de cow-boys, qui se mirent à lui parler, lui désignant d’un doigt un point au loin.
« Suivez le chemin, et vous atteindrez Point’s Landing. C’est un p’tit comptoir, blanc-bec. »
Essayant de comprendre dans quel endroit il avait débarqué, Cahir avait fini par rejoindre Point’s Landing. Un minuscule village, qui était bâti le long d’une rivière. Un petit affluent qui rejoignait la Dorsure, l’un des plus grands fleuves de Nexus. Cahir comprit que Point’s Landing était le coin où les fermiers et autres miniers du coin réunissaient leurs provisions, les faisant passer sur des bateaux pour rejoindre la Dorsure. Point’s Landing était ainsi l’extrémité, ou le point de départ, d’une longue route commerciale remontant jusqu’à Nexus. Officiellement, on n’était plus à Nexus ici, mais, pour autant, signe de modernité, on trouvait une église de l’Ordre Immaculé, et une auberge.
Point’s Landing comprenait une rue principale et quelques autres ruelles. La rue principale présentait, à sa gauche, l’auberge, et, à droite, les embarcadères. Au fond de la rue principale, on trouvait l’église de l’Ordre. De ce que Cahir pouvait en voir, il y avait surtout des entrepôts de stockage et des écuries. Un vrai trou... Mais c’était bien par là qu’on accédait au château dont on lui avait parlé. L’apatride délaissa son cheval dans une écurie, et rejoignit rapidement l’auberge. De la poussière en venait, et il portait un long manteau pour le protéger du sable. Quelques individus jouant aux cartes levèrent la tête en le voyant, rigolant entre eux :
« V’là un ‘turbanné, les mecs... »
L’apatride ne leur dit rien. Il y avait surtout des miniers et des fermiers ici. L’auberge était assez bien remplie, et Cahir s’avança. Un brouhaha ambiant régnait dans la pièce, et l’apatride n’y fit pas attention, s’avançant vers le comptoir, afin d’essayer d’en savoir plus sur l’emplacement du château... Quand il vit une femme dont le bas du ventre était nu avec un pantalon de cuir superbe moulant ses formes. Qu’est-ce qu’une femme comme ça faisait là, par les Dieux ?!
*Hum...*
Voir une représentante du beau sexe lui rappela cruellement qu’il n’avait pas vraiment eu l’occasion de voir une femme depuis... Et bien, depuis la nécromancienne, en fait. Soit plusieurs semaines... Et celle-ci s’était mise en valeur. Sûrement la fille d’un des propriétaires terriens du coin, ou quelque chose comme ça... Lentement, l’apatride se rapprocha du comptoir, fixant désormais le dos de cette dernière, devinant ses belles fesses. Il ne la voyait que de dos, attendant qu’elle se retourne, quand un homme s’approcha d’elle, lui proposant un verre d’alcool, qu’elle déclina pour en commander un autre.
Aswez mécontent, l’homme contempla son alcool, et frappa du poing sur la table.
« Où qu’tu t’crois, la morue ?! M’dame se prend pour une ‘tite Princesse, hey ?! T’sais comment qu’on les trait’, ‘ci, les ‘cesses ? »
Pour Cahir, ce fut une occasion parfaite pour intervenir. Il s’avança vers l’homme, et se présenta par un magistral direct. Son poing, renforcé par le gantelet en ébonite, heurta la joue de l’homme. Un coup violent, qui envoya l’homme passer par-dessus le comptoir dans un cri de douleur.
« Chérie ! scanda alors l’aubergiste, paniqué. Range les bouteilles, vite ! »
Cahir se retourna vers la mystérieuse femme à la longue chevelure, mais, avant qu’il n’ait le temps d’en parler, un fouet l’atteignit dans le dos. Se retournant, il vit un autre individu :
« T’aurais jamais du faire ça, blanc-bec. »
L’homme leva à nouveau son fouet, et Cahir en profita pour attraper le verre d’alcool que le précédent individu avait payé à la femme, pour le balancer au visage de l’autre. L’homme avec le fouet poussa un hurlement, tomba en arrière, et s’écrasa sur une table de joueurs. Il se reçut un coup de poing formidable, ses amis répliquèrent, et c’en fut assez pour déclencher une rixe. Souriant légèrement, l’apatride tourna sa tête vers la mystérieuse femme, dos contre le comptoir, épaules en arrière :
« Qu’est-ce qu’une femme avec des goûts vestimentaires si intéressants peut bien faire dans ce trou ? » lui demanda-t-il simplement.