Batman… Un impénétrable mur de fermeté et de froideur. Il avait toujours été, pour Ivy, l’exception confirmant la règle. Elle n’avait jamais réussi à le séduire, à tel point qu’elle avait fini par se dire qu’il était tout simplement fou. En apparence, il la rejetait. En apparence, il était insensible à son charme. Mais on ne la faisait plus à Ivy. Était-ce le bon air de Seikusu qui influait sur Batman ? Ou, plutôt, qui influait sur Ivy ? Avait-elle été, à Gotham, à ce point obnubilée par sa haine envers Batman qu’elle en avait oublié de voir à quel point elle pouvait lui faire de l’effet ? Elle l’avait senti hésiter, rapprocher ses lèvres des siennes, avant de s’enfermer à nouveau dans ce mur qui le protégeait.
*
Il doit avoir une vie bien triste… Je me demande bien qui peut se cacher sous ce masque… Mais, dans le fond, est-ce si important ? Peu importe quel est le M. X… qui se dissimule derrière, il sera toujours secondaire par rapport à Batman.*
Pour elle, tous les super-héros costumés étaient des schizophrènes en puissance. Elle suivit Batman dans son char d’assaut, sa Bat-mobile noirâtre qui roula à tombeau ouvert le long du périphérique urbain de Seikusu, quittant les agents de KPC. Ivy resta relativement muette durant la trajectoire, se contentant de confirmer leur destination : le lycée central de Seikusu. En soi, outre le caractère irréel de cette scène, elle réfléchissait aussi à la manière de séduire Batman, et un plan commençait à s’échafauder dans sa tête.
La Bat-mobile finit par rejoindre le lycée, s’arrêtant sur l’un des parkings. Le lycée était vraiment immense, comprenant plusieurs bâtiments, des cours, des jardins… Un grand complexe qui n’avait rien à envier aux lycées des banlieues de Gotham City. Ivy sortit de la voiture, et s’avança vers l’une des portes. A cette heure-ci, le lycée était théoriquement fermé et désert, mais, en pratique, il y avait toujours quelqu’un à l’intérieur. Que ce soit un cercle de lycéens ayant des désirs secrets, des invocations à faire, des vigiles, ou ceux qui dormaient dans les dortoirs qui se promenaient dans le lycée, on pouvait toujours regretter quantité de gens dans le lycée, en cherchant bien. Ivy ouvrit tranquillement l’une des portes d’accès annexes, et s’aventura dans les couloirs déserts.
«
Mon laboratoire est dans l’aile scientifique… Il y a toutes mes recherches sur KPC… »
Elle rejoignit assez rapidement le couloir où il y avait sa salle de cours, mais ouvrit une autre porte, menant dans la petite antre de son laboratoire. Ivy laissa la longue silhouette entrer. Il y avait de faibles lumières dans les coins, afin de permettre aux plantes de se développer, et plusieurs ordinateurs dans les coins.
«
Tu n’as pas à avoir de mes plantes, mais évite de trop t’approcher… »
Il n’y avait aucune plante carnivore ici, mais la plupart étaient bien plus réceptives que des plantes normales. En sentant les phéromones de leur créatrice, plusieurs plantes réagirent d’ailleurs instantanément, envoyant des tentacules qui s’enroulèrent délicatement autour des jambes d’Ivy, sans entraver ses mouvements. Sans vraiment y faire attention, Poison Ivy alluma son ordinateur.
«
KPC est dirigé par un Asiatique, Mazawa Jiwo. Il est l’héritier de la famille Jiwo, une espèce de golden boy milliardaire qui défraie généralement les chroniques. Une couverture parfaite, tu ne crois pas ? Il passe pour un jeune hurluberlu… »
Elle fit apparaître un article de journal. Une petite chronique où on pouvait lire :
« EXCES DE VITESSE D’UN MILLIARDAIRE ! »
L’article parlait d’un chauffard qui, après une soirée arrosée dans une discothèque, avait roulé à tombeau ouvert, à bord d’uen voiture de sport dernière génération, sur l’autoroute. Il avait atteint les 250 kilomètres par heure, avant d’être arrêté par la police. Il avait dans les veines un fort taux d’alcoolémie, et aussi de la drogue.
«
Les Jiwo ont une fortune patrimoniale énorme, ce qui leur a permis de racheter KPC. L’entreprise avait été fondée par un vieil homme d’affaires, Kawaza, mais notre jeune milliardaire a réussi une OPA agressive. Depuis lors, KPC enchaîne scandale sur scandale à travers le globe. Il y a eu bien des poursuites, mais, soit les poursuites ont été classées, soit il y a eu des non-lieux, soit des jugements condamnant KPC à des amendes ridicules. Le fait est que la loi est avec Jiwo, et que les procès à son encontre échouent systématiquement. Tout est là… Les témoins qui se rétractent, les pièces qui disparaissent… Jiwo est intimement lié avec le milieu du crime organisé. La Mafia russe pour ses usinées situées en Russie, les tribus de mercenaires en Afrique… Au Japon, ce sont les Yakuzas. Tous ces criminels se chargent de protéger les fesses de Jiwo quand la situation explose pour lui. Tout est là… J’ai trouvé des articles de presse, des décisions judiciaires, des avis… Vas-y, renseigne-toi… »
Poison Ivy s’écarta, laissant libre accès à sa machine. Elle en profita pour attraper sur une table un étrange flacon comprenant un liquide verdâtre, sans aucune étiquette, et continua à parler.
«
Mon attaque envers cette usine était un acte désespéré, je le reconnais… Mais, comme tu peux le voir, Jiwo vit dans des forteresses dignes de Big Brother. Néanmoins, maintenant que toi et tes gros muscles, ceci offre de nouvelles perspectives tout à fait intéressantes. Jiwo est en ce moment à Seikusu, dans un gratte-ciel… Moi, je ne pourrais jamais aller seule jusqu’à lui pour faire ce qui doit être fait, et m’en sortir vivant… Mais, avec toi… »
Elle se rapprochait de lui, tenant dans les mains son flacon. C’était une expérience créée à partir de son séjour sur Terra. Ce flacon avait été conçu à partir des échantillons de la forêt douée d’une conscience, Alraunya, qu’Ivy avait pu récupérer en rencontrant l’une des créatures peuplant cette forêt, Weldenela. Une telle substance avait dépassé toutes ses espérances, lui permettant de faire bien des applications.
«
Tu es trop idéaliste, Batman, ou trop stupide… Tu es persuadé que le crime peut se résoudre en arrêtant des petites frappes et en les remettant à la justice… Tu es ancré dans une vision primitive et manichéenne des choses, dans laquelle il y a les « bons » et les « méchants ». Mais, si le monde était aussi simple, alors le Joker ne continuerait pas à menacer le monde. Il croupirait toujours à Arkham. Si le monde était aussi parfait, si les flics étaient vraiment attachés à défendre la justice, tu n’existerais pas. Il faut que tu comprennes que, pour lutter contre le mal, il faut s’affranchir des règles morales, cesser de se rattacher à une ligne de conduite fictive. Tu n’élimineras jamais Jiwo en l’envoyant derrière les barreaux. Il en sortira toujours de manière légale. Mais,r assure-toi, je vais t’aider à comprendre… »
Elle utilisa alors son flacon sur le visage de Batman, lui aspergeant la tête. C’était un puissant aphrodisiaque, mais pas assez puissant pour quelqu’un de la trempe de Batman.
«
Je vais faire de toi mon esclave, Batman… Et tu accepteras, car, au fond de toi, tu en as toujours eu envie. Je t’aiderai à faire ce que ta conscience t’empêche de faire, et qui doit être fait. »
Jaillissant d’une grosse plante, d’une plante qui avait la taille d’un homme, des tentacules agrippèrent Batman. Ce dernier devait être perturbé par le parfum d’Ivy, et fut donc traîné dans la plante. Cette dernière caressait le plastron de son costume, éprouvant la solidité de son armure.
«
Rassure-toi, ça ne te fera pas mal… Tu te sentiras bien mieux après avoir été dans mon incubateur, et tu m’obéiras comme je l’entends. »
Les tentacules tirèrent ensuite Batman, l’enfermant dans la plante, où les parois se refermèrent sur lui.