« Je suis profondément désolée de vous avoir causé du souci, Madame. Croyez-moi, ce n'était pas voulu. Je voulais juste acheter quelques vêtements avant de repartir, et je me suis retrouvée là. »
Elle avait effectivement l’air sincère. La Baronne esquissa un sourire en se penchant vers elle. Oui, elle était naturellement au courant de l’existence des Portails, même si c’était un secret d’État. En parler en public ne ferait que déclencher un mouvement de panique, et l’État tekhan devait perpétuellement lutter contre les fuites : un individu en parlant sur un blog, ou un journaliste qui espérait en faire un article. Milwën avait également consacré une partie de l’administration novaquienne à ce genre de choses. Tekhos disposait d’un important réseau qui, grâce à des satellites, permettait de détecter l’écrasante partie des Portails, une technologie dont Tekhos, pour des impératifs de sécurité, avait fait bénéficier les principaux États mondiaux. L’idée était de réguler l’activité des Portails en les recensant, ce qui marchait avec plus ou moins de succès, pour l’heure.
Milwën y songeait silencieusement, assise sur le banc, profitant de l’air frais. Elle aimait bien le parc, il était bon de s’y relaxer. Leïla lui parla alors, surprenant Milwën, en lui avouant connaître Terra :
« Je viens de la Terre, c'est ça. Cependant, j'ai aussi des origines Terrans, mais je ne connais pas du tout ce côté là de ma famille. Comment avez-vous pu deviner ? »
C’était original, comme descendance... Mi-Terrienne, mi-Terrane... Après tout, rien ne l’interdisait. Un Terran qui se rendait sur Terre, et qui tombait amoureux. Si Leïla venait de la Terre, sa mère devait forcément être une Terrienne, ou alors une Terrane qui avait décidé de rester là-bas. Milwën ne voyait pas trop ce qu’on pouvait trouver de si bon sur Terre, un monde diminué et pollué, mais ce n’était pas impossible. Elle lui sourit.
« Je suis une scientifique, Leïla. C’est mon rôle de faire des déductions. Tu n’as pas de nanoamchines, ni de badges, donc tu n’es pas Novaquienne, ni touriste. Que pourrais-tu être d’autre alors, hum ? Une clandestine ? Tu n’as pas cet air affamé et apeuré que les clandestins ont quand une patrouille leur tombe dessus... La seule explication logique est que tu es tombée ici par hasard... »
C’était aussi simple que ça. Milwën n’était pas la Baronne pour rien. Avant d’être une politicienne, elle était avant tout une scientifique, particulièrement douée. Elle était plus ou moins responsable de la création de Novac, grâce à ses recherches sur les nanomachines. Elle était talentueuse, et, quand on voyait comment son corps s’était amélioré, il était normal que MERCATEL ait décidé d’investir en elle. Milwën était la superstar de l’organisation, car elle avait guéri le cancer. Elle était en phase terminale, le corps ravagé par la chimiothérapie, quand les nanomachines avaient fait effet. Il y avait eu un énorme retentissement médiatique à l’époque, et la belle Baronne avait participé à de nombreux débats télévisés, et avait été invitée à autant de plateaux télévisés, de colloques universitaires. Le Sénat lui avait même remis la Légion d’Honneur pour services rendus à la Nation. Elle était la coqueluche de MERCATEL.
Milwën huma l’air frais.
« Détends-toi, Leïla, tu n’as rien fait de mal... Les gardes sont un peu nerveux, ne leur en veux pas. »
La Baronne faisait preuve d’un attachement assez difficile à comprendre avec cette jeune femme. Elle ne la connaissait pas, et on pouvait donc se demander pourquoi elle agissait ainsi... Mais y avait-il une raison d’être à la bonté ?
« Je peux te ramener chez toi... Mais tu aurais tort de te priver d’un séjour à Novac. C’est le plus beau pays de tout Terra... Et... Tu voulais acheter des vêtements, dis-tu ? »
Milwën aurait normalement du retourner au bâtiment, pour travailler, mais l’idée de flâner dans les centres commerciaux avec cette petite Terrienne lui plaisait. La Baronne se releva. Elle entendit les déclics de quelques appareils photos, émanant de touristes passant par là. Quand on voyait la Baronne de Novac, aussi belle qu’intelligente, il était normal de vouloir la photographier. Milwën aurait menti en disant qu’elle n’était pas légèrement orgueilleuse. Elle avait vaincu le cancer, après tout, et, si elle n’avait pas pu sauver Garance, elle savait que, du haut des Cieux, son ancien amour la regardait avec joie, heureuse de voir que son aimée avait réussi à faire ce que la science devait faire : répandre le bien autour d’elle, guérir par la connaissance et le talent.
« Il y a une grande galerie commerciale à côté... À moins que tu ne préfères te reposer un peu ? Tu es mon invitée, Leïla. »
Milwën lui laissait le choix, tout simplement.