La muse eut un sourire.
- Ce projet n’est pas pour me déplaire,
Il me fait plaisir de retourner sur ma Terre.
Elle claqua doucement des doigts, un petit « clap » doux s’échappant de ce mouvement, puis les arbres s’estompèrent derrière elle.
Elle attrapa alors violemment la main de William, tirant dessus avec une force qui semblait ne pas être la sienne, et courut à travers la pièce. La porte menant au jardin s’ouvrit sans peine, immédiatement, sentant sa maîtresse retourner au jardin. La porte soupira même, émue de revoir la jeune femme retourner vers ses lieux. Aussitôt qu’ils furent dehors, la porte se ferma dans un grand claquement sourd, faisant trembler chaque mur de la maison.
Et la traversée commença. Elle l’emmena vers la forêt, et l’atmosphère changea. L’air devint lourd, comme avant un orage d’été, et les arbres semblaient moites. La main de la jeune muse, quand à elle, restait froide, et elle lâcha au bout de quelques secondes de marches la main de William.
- Je serais votre seul repère,
N’oubliez pas qu’ici, vous n’êtes pas sur votre Terre.
Le voyage a déjà commencé,
A faire demi-tour, il vous faut renoncer.
Et je suis là pour vous aider, vous guider,
N’ayez aucune crainte, aucun regret,
Jamais je ne vous abandonnerai,
Restez avec moi, et il ne pourra rien vous arriver.
Le vent souffla, sourdement, faisant bouger les feuilles des arbres. C’était une forêt sauvage, qui semblait ravageuse et imprenable, presque vivante. « Ah ! qu’elle est difficile à peindre avec des mots, cette forêt sauvage, impénétrable et drue dont le seul souvenir renouvelle ma peur ! », chuchota Muse en souriant.
S’y perdre était la seule chose qu’une nouvelle personne entrant en Enfer était capable de faire ; sans guide, il était impossible de s’y retrouver. Au fur et à mesure de leurs pas, la forêt semblait les regarder passer.
- Nous sommes ses invités, souffla t’elle.
Le vent se calma doucement, et la route continua doucement, jusqu’à arriver au pied d’une colline. Au moment de monter cette colline apparut, au milieu du chemin, une panthère, qui voulut s’approcher, mais que Muse repoussa de la main. La panthère disparut aussitôt, et la route continua.
Bien vite, un lion se glissa auprès d’eux, mais fut lui aussi chassé. Une louve fit ensuite son apparition. Elle ressemblait à un lavis qui aurait débordé, et faisait relativement peur. Ces trois animaux, eux-mêmes, n’avaient rien qui ressemblait aux animaux de la terre. Ils étaient faits d’une toute autre matière. Muse repoussa prestement la louve, qui ne voulait pas partir, en lui chuchotant quelques vers.
- Luxure, Orgueil, Avarice, récita la jeune femme.
Bienvenue dans le monde de tous les vices.
J’espère que vous n’êtes point effrayés …
Elle se tourna avec un sourire amusé vers William, tandis que sa robe de châtelaine se transformait en cette toge qui plaît tant aux poètes. Ses longs cheveux noirs, toujours, étaient attachés, et sa peau restait pâle, donnait l’impression qu’elle était une statue spectrale, vivante et animée. Devant eux, le chemin s'élevait : ils n'étaient que sur le seuil, et déjà les Enfers leur envoyait des éclaireurs. Louve, lion et panthère rôdaient autour d'eux, et la jeune femme leur lançait quelques regards pour leurs faire comprendre qu'ils ne s'attaqueraient ni à elle, ni à son invité.