Élargir ses horizons (PV |-| Niska)

- Le temps était assez dégagé ce matin pourtant...

Autrement je n'aurais sans doute pas accepter cette requête. Quoique, je me voile légèrement la face à pensant de cette manière. L'argent manque dans ma bourse depuis un peu plus d'une semaine et c'est à peine si je parviens à prendre un repas par jour pour avoir assez de force afin de, justement, remplir ce genre de mission à haut risque pour une récompense minime.

En même temps qui irait risquer ses peau pour de pauvres campagnards qui s'avèrent en plus être des terranides ? Ce genre de refrain je l'entends partout lorsque je passe un peu de temps dans une communauté composée grandement d'humains. Ils se fichent déjà de leurs congénères, alors les membres d'une autre race ? Au début j'ai pensé qu'ils pouvaient être racistes. Et c'est le cas d'une bonne partie d'entre eux. Alors que dans l'absolu ce sont juste des personnes qui cherchent à survivre par tous les moyens. En dehors de leur famille, et encore, ils ne s'entraident pas énormément.
Tout le contraire de ce que j'ai pu voir dans les petits villages ou campements durant mon enfance. Faut croire que plus les gens sont nombreux, plus ils s'isolent et ne pensent qu'à eux.

- Argh, mince, cette piste non plus ne va pas plus loin.

Je ne dispose pas de sens sur-développé comme certaines races de terranides. Tout ce à quoi je peux me fier lors d'une traque c'est de mon expérience et de mon instinct. Et le second ne fait que m'indiquer que je ne suis pas à ma place dans cette forêt depuis que j'y ai posé les pieds.

L'air y est lourd, malsain. L'odeur du sang et de la corruption sont de plus en plus forte et présente à mesure que je m'y enfonce.

Dans le ciel les nuages se font aussi plus présents, plus épais et plus sombres alors que quelques gouttelettes commencent à faire leur apparition. Il ne manquait plus que ça. Le seul avantage c'est qu'au moins l'eau masquera mon odeur.

Après au moins deux bonnes heures à suivre de fausses pistes, je me retiens de manifester ma joie lorsque je tombe sur des empreintes fraîches. Elles ne proviennent pas de ma cible mais elles pourraient me mener à celle-ci. La manticore que je dois éliminer aime la chaire fraîche. Si jamais l'animal qui est destinée à lui servir de repas est en plus une femelle ce sera tout gagnant car il sera incapable de résister à l'envie de la dévorer.

Je hâte mes pas pour rattraper mon appât quand à quelques mètres de là une terranide qui ne semble pas avoir remarqué la présence du prédateur dont la queue de scorpion s'avance dangereusement de sa nuque pour la neutraliser avec son poison paralysant.

Sans un bruit, je bondis en avant en sortant la lame qui se trouve à ma ceinture et tranche de façon horizontale la queue de la bête qui se met à hurler de douleur sous l'effet de la surprise. Une surprise dont je profite pour lui asséner le coup de grâce en plantant deux couteaux dans ses yeux pour me laisser le temps d'enfoncer mon épée courte dans son crâne sans défense.

- La vache ! Ce qui faut pas faire pour se payer à manger.

Je me retourne alors vers l'appât en lâchant sur un ton humoristique destiné à détendre l'atmosphère.

- Attention, je parle pas de manger ce truc, hein ? Je sais pas où a traîné sa bouche.

Il ne me restera désormais plus qu'à récupérer quelques éléments de la bête comme preuve de son extermination ou pour les revendre en ville plus tard histoire de me faire quelques sous. Parce que hors de question de me trimballer avec cette carcasse dans une forêt et sous la flotte.

Drôle de question qu'elle me pose là. Il y a vraiment des gens assez aventureux pour bouffer un de ces trucs ? Une manticore ne doit pas faire de grande différence entre un animal sauvage et une terranide. Tant que c'est frais et tendre, la bête va planter ses crocs dedans et se remplir le bide dans la foulée.

- Je compte rien en faire du tout. Juste récupérer ses crocs, ses griffes, son dard et...

Voilà que je m'arrête un bref instant pour jeter un œil à mon interlocutrice. Mon regard est posé sur sa petite bouille et plus précisément le dessus. J'allais ajouter "Et ses cornes" avant de me raviser. Mon expérience passée me rappelle qu'il faut parfois faire gaffe avec certaines espèces de terranides qui peuvent prendre assez mal ce genre de remarque.
Dans le pire des cas je les récupérerais à la fin.
C'est pas comme si la bestiole allait s'enfuir.

- Oooh ! Un vrai repas ? Alors là je veux ! Faut pas me le demander deux fois.

Avec de la chance il sera chaud ce repas. Les villageois ne m'ont pas donné grand chose avant de me voir partir. Probablement parce qu'ils pensaient que ce voyage serait un aller simple. Et comment les en blâmer ? Je n'étais sûrement pas le premier qu'ils envoyaient tenter d'éliminer le bestiaux.
En attendant je me lèche déjà les lèvres à l'idée d'avoir quelque chose à me mettre sous la dent s'en voir le risque de m'en casser une au passage planer au-dessus de ma tête.

- J'aurais pu lui prélever du sang pour le revendre à un alchimiste, mais... pour ça il faut des fioles et elles se brisent trop facilement. J'ai essayé une fois d'en mettre dans une gourde et disons que ce n'est pas une expérience que je suis prêt à retenter de si tôt.

On m'a appris depuis le plus jeune de toujours rester sur mes gardes en cas de rencontre dans un lieu improbable. Ceci dit, cette inconnue ne m'a pas l'air d'être une grande menace pour le moment. Autant en profiter pour instaurer une relation de confiance entre nous le temps de retourner au village.

Mon arme principale récupérer, je fais le tour du crâne de la bête pour en retirer mes deux lames que j'essuie rapidement avec un mouchoir avant de les ranger dans mon dos. De la main droite je me saisis d'un couteau pour commencer à dépecer la bête.

- Ah, je m'appelle Hajime au fait.

Avec l'habitude il ne me faut pas plus de quelques minutes pour récupérer ce dont j'ai besoin sans trop me salir. Rien à voir avec mon premier dépeçage durant lequel je me suis retrouvé couvert de sang en effectuant une mauvais incision.

Après avoir entendu le nom de l'inconnue, je la relance.

- On ne devrait pas trop traîner. Les charognards repèrent rapidement l'odeur du sang. Surtout quand il est encore frais.

Ce type de menace n'en serait pas vraiment une pour moi en temps normal. Sauf qu'avec la faim et la fatigue qu'elle a entraînée sur mes muscles et mon endurance au fil du temps, je préfère éviter de prendre des risques inutiles. En particulier avec quelqu'un a protéger.

Pour ce qui est de mon cas personnel, j'ai tout ce qu'il me faut même si Niska me propose d'emporter quelques petites choses de plus pour se rendre utile.

- Non, il faut éviter de trop s'encombrer.

Cela ne ferait que nous ralentir inutilement en cas d'attaque d'animal ou de monstre. Bien entendu qu'elle pourrait simplement tout lâcher et s'enfuir pour se mettre à l'abri le moment venu. Excepté que le cerveau peu parfois être un outil qui fonctionne à contresens. Choisir entre fuir, lâcher ce qu'on tient ou tenter de s'en saisir pour le lancer sur un ennemi peut prendre de précieuses de secondes qui feront la différence entre la vie et la mort.
Un détail que je vais garder pour moi histoire de ne pas faire peur à cette Niska donc j'ignore encore tout en dehors du faut qu'elle est une terranide.

J'ajoute cependant assez rapidement et avec le sourire pour tenter de détendre l'atmosphère :
- On va se dire "tu" par contre si c'est possible. J'ai un peu de mal avec le "vous".

D'un geste de la main je replace une mèche de cheveux collante avec la transpiration au-dessus de mon front pour mieux voir mon interlocutrice. Seigneur, comment je peux être aussi fatigué après avoir combattu une seule manticore ? Cela serait tout juste un échauffement lorsque je possède tous mes moyens. Mais je ne dois rien laisser paraître car je suis sûrement le seul de nous deux à pouvoir combattre les créatures de la foret.

Fort heureusement j'ai encore assez d'énergie pour rester lucide et trouver mon chemin pour retourner en direction du village quand... un éclair vient s'abattre à quelques mètres de nous. Fracassant un arbre au passage qui vient s'effondrer comme une crêpe contre le sol.

- Oh put- ! Manquait plus que ça.

Pour ne rien arranger, voilà que la pluie vient rapidement s'ajouter à la liste des choses qui se sont données le mot pour venir nous emmerder gratuitement alors que l'on veut juste rentrer bouffer tranquillement. On m'a promis un repas bordel. Et c'est pas un phénomène naturel qui pourrait me buter instantanément qui va m'arrêter.

- Faut pas traîner là.

Sans même réfléchir je me saisis de la main de Niska pour la tirer en avant afin de lui faire comprendre que chaque seconde compte lorsqu'on se trouve en pleine foret lors d'une tempête comme celle-ci. Mon groupe avait l'habitude de procéder de cette façon car il peut parfois être compliqué de bien s'entendre avec la pluie et les éclairs.

- On devrait plus être trop loin. 10 minutes maximum si on court.

Si tout se passe bien nous retrouverons rapidement le village. Les animaux, eux, sont forcément tous cachés pour rester à l'abri en plus.

L'accélération de notre cadence ne dure pas plus de quelques instants avant que Niska ne finisse presque dans la boue tête la première. Son état physique actuel est aussi surprenant que préoccupant. En règle générale les personnes qui ont l'audace de s'aventurer aussi loin dans une foret se doivent de posséder les moyens de s'enfuir en cas de danger.
Alors comment est-ce qu'elle comptait se sauver face à un monstre trop puissant pour elle ? C'est pourtant la première chose que l'on est censé apprendre. Que ce soit via un mentor ou par soi-même lorsqu'on est destiné à vivre seul en environnement hostile.

- Ca va ? Tu t'es pas fait mal au moins ?

De mon côté, c'est à peine si je commence à m’essouffler vu la distance assez courte que l'on a parcourue. Courir en pleine forêt ce n'est rien pour quelqu'un qui a l'habitude de fuir une nuit entière pour survivre face à un scorpion géant dans les Contrées du chaos.
La peur est toujours un excellent moteur pour pousser une personne à dépasser ses limites.

- C'est rien. Par contre... on peut pas rester là. Déjà parce que c'est dangereux et aussi parce qu'on risque d'attraper du mal avec ce qu'on porte.

La pauvre Terranide n'avait pas grand chose pour la protéger de la météo. Ses vêtements lui collaient même à la peau avec cette pluie battante qui ne montre aucun signe d’accalmie. De manière assez brutale alors que je viens me placer face à elle, je remonte ma manche pour lui essuyer le visage avec avant de lui tourner le dos en pliant les genoux.

- Allez, grimpe ! On n'est plus très loin et tu ne dois pas peser bien lourd.

Une fois encore, il m'est arrivé de peser des charges 3 à 4 fois plus lourdes durant mon entraînement sous une chaleur accablante. Je lui laisse le temps de monter sur mon dos et place mes mains sur ses cuisses dans la foulée pour repartir de plus belle en avant pour parcourir les dernières kilomètres à faire.

- Désolé si ça balance un peu.

Si jamais des animaux sauvages nous suivent, je serais bien incapable de le savoir entre les bruits de la pluie et cette sensation de chaleur qui me parcoure le dos vu qu'une personne que je viens juste de rencontrer s'écrase dessus de tout son long. Encore plus de raisons donc de me dépêcher pour quitter cet endroit pour faire le plein d'énergie car l'idée de me remplir la panse décuple ma motivation.

Après quelques minutes, nous pouvons apercevoir tous les deux les lumières du village où semblent nous attendre une femme d'un certain âge qui se tenait à la fenêtre de l'auberge-taverne pour en ouvrir la porte et nous faire signe de la main d'entrer sans perdre de temps.

- Seigneur, vous allez attraper la mort. Regardez-vous, vous êtes trempés jusqu'aux os.

Malgré un feu bien nourrit à quelques pas de nous, il est difficile pour nos corps de faire face au froid qui a pris possession de nous.

- J'ai fait chauffer de l'eau au cas où. Venez vous réchauffer dans l'arrière cour.
- Merci grand-mère.

Sans perdre un instant, je pose mes affaires sur un coin au sol pour aller avec la vieille femme. Mon corps semble peser encore plus lourd avec mes habits trempés. C'est donc tout naturellement que j'enlève ma veste et ma chemise pour les suspendre en hauteur avant de plomber un bol vide que la femme me tend dans une grosse gamelle d'eau chaude fumante pour m'asperger et me réchauffer un peu.

- Ooouuuwww, ça fait du bien.
- Huhuhu ! Désolée de ne pas avoir de bain.
- Non, non, c'est déjà très bien.

A quelques pas à l'intérieur de l'auberge étaient disposées des couvertures préparées, elles aussi, à l'avance pour nous aider à nous réchauffer.
C'est à ce moment que je décide d'enlever mes chaussures et mon pantalon pour les installer à leur tour en hauteur pour m'envelopper dans une couverture avant de retourner m'installer au chaud à l'intérieur.