Une promesse d’aube se lovait dans le crépuscule de l’Elfe noire et du Néréide. La tournure plus intime – et infiniment plus positive – de ses interactions avec Pirotess commençait à plaire au descendant des titans primordiaux. Bien malgré les conditions accablantes de leur première rencontre, un naufrage insensé contraignant le Demi-Dieu à réaliser un calcul froid qui déplut à l’Elfe noire, le fatum avait triomphé, scellant cette union dans leurs chairs, là, dans cette antichambre végétale.
Le discours de la belle intrigua Vittorio, peut-être sut-il même l’émouvoir..., bien qu’il resta sur sa faim face au refus de la belle de décrire ses parents. S’il la perçut d’abord comme une femme fière, forte et indépendante, il découvrait aujourd’hui une créature fragile et délicate comme une porcelaine, une héroine tragique, et, plus encore, une femme seule et isolée sans la moindre famille ou patrie susceptible de la soutenir. Une étrangère ignorant sans doute tous des mœurs des pays qu’elle pourrait traverser, mais sachant assez pour se douter que sa condition raciale l’empêchait d’être tenue en odeur de sainteté où qu’elle passe. Et la solitude rendait fébrile, vulnérable, susceptible. Loin s’en faut, non, l’histoire de la funeste péronnelle n’était clairement pas ennuyante. Le parcours qu’elle décrivit, son histoire d’amour avec cet obscur foudre de retinrent son intérêt, captivèrent sa curiosité. La dame avec laquelle il avait naufragé fut donc une veuve éplorée et abandonnée par son défunt maître… Ashram. À la mention de ce prénom, Vittorio affichait une moue toute en demi-teinte, comme si son intuition le poussait à mesurer toutes les implications de cette confession sur l’oreiller ; Ashram était un homme, accompli, dont il avait déjà entendu les prouesses, trois ans auparavant. D’après les racontars audibles dans les ports et les cercles intellectuels accessibles au Néréide, cet Ashram représentait bel et bien l’épitomé du guerrier froid, roué, sans scrupules moraux, mais efficace. Un homme inflexible, impitoyable et diablement doué pour la violence ; un homme qui avait prouvé sa valeur. S’il ressentait une pointe de fierté d’être considéré comme le successeur de ce personnage hors du vulgaire, pour un peu toutefois, Vittorio crèverait de jalousie envers ce défunt combattant au palmarès martial incontestable. Même si sa morgue l’empêchait de s’en rendre compte consciemment et nettement, la crainte de devenir un substitut à Ashram risquait fort de le contrarier.
Par conséquent, il perçut dans cet appel à la servilité un appel à l’aide, purement et simplement. L’humain Vittorio n’était pas dupe des conditions du marché que lui proposait Pirotess, une dame de guerre sans nulle autre horizon que la servitude volontaire pour remplacer celle qui la fit jadis vibrer. Le tissage d’une relation entre un Maître et une Soumise, aussi séduisante soit-elle, générait également des contraintes et quelques arrière-pensées philosophiques et morales. Dans le cas de figure ici présent, cela revenait, néanmoins, à reconnaître de jure une situation fixée de facto ; par sa puissante magie agromancienne, le Demi-Dieu assurait déjà à sa belle, en plus de sa protection, tous les moyens de subsistance nécessaires pour survivre sur terre et sur mer. Mais ailleurs gisait l'embarras de Vittorio. Le bellâtre craignait, sans vouloir se le reconnaître franchement, de rester dans l’ombre d’Ashram pour toujours ; d’être un pâle facsimile de sa personne, un homme sans éclat(s) aux yeux de sa concubine ; et, pire encore, de n’être qu’un instrument sexuel et romantique destiné à maintenir la mémoire du défunt pour une splendide veuve incapable de faire son deuil. « Que sais-je ? Le regard aimant qu’elle me jette ne m’est peut-être pas destiné. C’est d’Ashram dont elle est éprise, pas de moi. C’est d’un conquérant dont elle s’est follement amourachée, d’un personnage historique dont Marmo se souviendra pour l’éternité, un homme qui a fait l’histoire. » Cette perspective écornait l’égo du magicien. En effet, il se remémorait les mots durs de sa désirée toute murène, toute acerbe, vexée d’avoir été éconduite la veille : « tu n’es qu’un humain ». Une parole au vitriol qui témoignait de sa colère et sans doute de ses pensées les plus intimes, du dédain explicite d’une femme éprouvée par les armes et la rude école d’une vie de labeur martial entre les mains d’instructeurs cruels.
Mais un autre Vittorio étudiait cette proposition avec une lentille toute autre également. À l’appel à la servilité qui frémissait la chair de Pirotess répondait, au plus profond des abysses, l’appel à la divinité. Une divinité qui brûlait d’acquérir sa première fidèle, d’obtenir son amour, son adoration. Dans l’âtre de l’âme de Vittorio, ni tout-à-fait homme ni tout-à-fait dieu, brûlait une passion qui chassait ses craintes, ses doutes, du moins à l’heure de ses ébats avec la ravissante native de la nation chernosolienne. Le regard passionné de son amante traduisait un degré d’engagement émotionnel intense et, au surplus, par ses questions ingénues, elle témoignait d’un désir de validation irrésistiblement adorable ; il ne saurait décevoir cette créature aux oreilles pointues, aux multiples contradictions si fécondes, dominante dans leurs interactions intimes mais désireuse de se soumettre à lui. Disons-le sans ambages, lorsque l’obélisque du Néréide céda à la poigne de l’Elfe noire, ce ne fut ni une goutte, ni un écoulement, ni un ruissellement, ni même une écume, un giclement ou un jaillissement, mais un déversement, une cascade, un torrent, une tempête ! L’assassine risquait fort de boire la tasse ! Ses courbes fermes et voluptueuses étaient trempées, la semence étalée, toute blanche et crémeuse, de l’homme formant des perles qui contrastèrent ô combien avec sa ravissante peau d’ébène. Les mains, toutes convulsées, de Vittorio s’agrippèrent aux pans des draps face à l’acharnement de Pirotess qui jouait en prime de ses lèvres pour obtenir le fruit défendu de ses désirs. Une puissante exclamation sortit de sa bouche lippue, un simple « Ah ! » cathartique, qui illustrait à merveille le plaisir et le soulagement que lui procurait l’avènement du déluge – ou qui sonnait comme une demande de grâce. Il hoqueta, soupira d’aise, puis effleura doucement ses boucles solaires, révélatrices de la sueur citronnée qui imbibait sa crinière dorée. Un large sourire coquin ornait les lèvres pulpeuses du damoiseau songeant aux paroles licencieuses de sa dame. « Oh oui, tu es sur la bonne voie… Mais ne te méprends pas, ma belle Pirotess, ce n’est qu’un répit avant le tumulte et la furie. » Fierté mâle oblige, le bellâtre rompit l’emprise qu’exerçait sa concubine sur sa virilité, se saisissant d’elle par sa hanche pour l’étendre sur le dos. Le Demi-Dieu sursauta presque de joie en sentant la chaleur inouïe qui émanait de la silhouette chaloupée de sa concubine, laissant à croire que celle-ci couvait un volcan susceptible d’entrer en éruption. « Tu es une démone de femme terrifiante, sache-le. »
Vittorio admira ensuite la beauté sinistre de Pirotess de ses immenses prunelles mordorées durant de longues secondes contemplatives, comme si elle constituait une récompense méritée pour une traque victorieuse, voire un symbole de conquête sauvage. « Une beauté funèbre en bonne passe d’obtenir son Caesar, oui, si elle se montre capable. » Elle était là, faite du marbre le plus sombre, splendide dans sa captivité. L’envie de l’étreindre, de lui arracher un baiser langoureux, s’unir sans tarder avec elle en forçant les portes du castel de l’amour tarauda son esprit, mais il préféra attendre que sa belle peau d’encre boive sa semence, sèche les écoulements, s’acclimate à l’âpreté de son essence masculine. La frustration de la femelle insatiable le servirait, de toute façon, pour la suite de leurs étreintes passionnées.
Brusquement, il écarta les superbes cuisses galbées de la native de Marmo, révélant à la lumière du jour son intimité irrésistible. Et brusquement encore, il déposa sa bouche sur ses petites lèvres, déposant une lichée de baisers d’abord tendres, puis de plus en plus torrides à mesure qu’il sentit la respiration de Pirotess se déchaîner. Les mains de Vittorio prirent ensuite le relais, serpentant doucement sur le bassin puis sur le ventre ferme de l’Elfe noire. L’une d’elles s’aventura jusqu’à l’un de ses seins, l’un de ses orbes perlés si savoureusement arrondis, dépliant ses doigts afin d’effeuiller cette douceur de peau chocolatée qui hurlait aux baisers les plus lovés ! Des doigts fins, graciles, mais hardis, qui se déployaient avec la minutie de l’artisan prenant le plus grand soin de son ouvrage, exerçant la pression juste et requise. Flattant avec délicatesse l’aréole qui s’érige, non sans une pointe de taquinerie explicite, le damoiseau jugea judicieux de mobiliser sa seconde main afin de s’emparer de la rondeur sculpturale de son autre sein, dansant avec une fluidité proverbiale, prodiguant parfois des effleurements tendres et envoûtants. Telles des notes de musique, les doigts dansaient même avec une précision remarquable, suscitant une mélodie silencieuse et captivante. Leurs extrémités fines, sans fioritures et bien entretenues glissaient délicatement sur les délicieux tétons de la belle, semblant presque caresser sa surface avec une tendre délicatesse. Chacun de ses doigts avait une présence distincte, parfaitement proportionnée et agile, témoignant de son habileté et de sa maîtrise de la magie. Leurs articulations étaient légèrement courbées, offrant une flexibilité qui leur permettait de se déplacer avec une célérité naturelle. Leurs mouvements étaient prestes et précis, exécutant une partition invisible qui ne pouvait être perçue que par les yeux attentifs d’une bretteuse aussi aguerrie que Pirotess.
Après cette démonstration de douceur, Vittorio reprit derechef les rênes, cessa ses baisers timorés sur la fente délicate pour introduire crûment sa langue de lion dans l’origine du monde de la belle, promesse incarnée de leur passion charnelle. La douce intimité rasée et satinée s’offrit à la lubricité de l’être demi-divin, si bien que ce fut le met qui dévora l’affamée ; une affamée qui put sentir darder sur elle l’œil prédateur de son Caesar qui ne la quittait plus du regard.