En fait, je suis à côté de la plaque !
L'engin fait sa crise, il ne doit pas m'aimer.
Tout ça pour ça ? Au moins aurai-je fait une jolie rencontre, aussi brève qu'elle fut.
C'est vrai que, même si elle s'énerve et frappe du poing, elle est absolument délicieuse. Ce n'est pas la première fois que je fais du stop, et ça m'a offert toutes sortes de rencontres. Si je garde autant l'adorable souvenir d'un couple de vieux japonais aussi délicieux qu'amoureux, ou le souvenir angoissé d'un mec qui voulait me forcer à lui sucer la bite en roulant, nul doute que la rencontre de cette demoiselle, enfin de cette jolie femme plutôt, me restera en mémoire aussi.
Mais ma rêverie – car décidément ses formes sont troublantes – se coupe net, quand son van fait, après maints cahots, quelques tours de roue. « Dommage, le coup de la panne, ça m'aurait convenu ».
« Eh ben, voilà, c'est parti... »
Elle me tutoie, mais j'hésite. Je ne saurais lui donner un âge ; elle a à la fois la maturité de la femme qui assume ses formes épanouies, et la fraîcheur de l'adolescente qui s'exhibe insouciante. Moi, à côté, je fais plutôt ado timide mixé de mec frustré !
Il faut que je lui glisse un truc, pur prouver le contraire...
« Ca doit être chouette de voyager là-dedans », car j'ai vu le plumard tout au fond, et, même si je n'ai guère de doute sur le fait qu'il ne doit pas servir que pour des nuits solitaires sous la voute étoilée, je ne peux pas lui dire franco, alors que ma queue ne s'en prive pas, tendant plus encore le tissu de mon bermuda.
En tout cas, c'est le déclic. Lui parler de son van, c'est la dérider. Une anglaise ! Une baba cool des temps modernes. Elle me plaît. Sa voix a aussi un charme fou, avec encore son accent. Et elle est vraiment attachée à son van, c'est évident, même s'il semble être infidèle.
« Oh, à Seikusu, j'ai un copain amoureux des vieilles mécaniques, il pourrait vous... euh je peux te tutoyer... te le vérifier, si tu veux ».
A peine quelques minutes, et je la tutoie. Quels progrès ! Seul souci, ma queue semble aussi adepte de ce rapprochement, et mes yeux manquent de retenue, très tentés à regarder ce qui tient à peine sous la salopette en jeans.
Pas doué en japonais, j'essaie de baragouiner mi anglais mi français, mais au moins une chose est claire :
« Summer ? Comme l'été ? Oh c'est très joli, ça. Moi, c'est Camille, plus banal c'est sûr ».
Mais, si mes souvenirs d'anglais sont aussi légers que lointains, je comprends parfaitement sa réponse.
« Fuck », oui je te baiserais volontiers.
« Fucking », ah oui on baiserait là bas dans ton plumard.
« Asshole », t'enculer, mais avec plaisir.
Tout ça ne me calme pas ; je bande comme un fou, et mon boxer trop ajusté me fait mal à essayer d'emprisonner ça.
Au fait, la plus grande quoi ? Exhibitionniste ? Salope ? Hum...
« Ouais, ben laisse tomber, Camille », mes délires sont coupés net par la fumée noire qui s'échappe de l'avant. Je ne suis pas sûr qu'elle ait installé un système pour simuler une grosse panne.
Là, on file en roue libre. Je n'ose même pas dire un mot, partagé entre le fantasme de me dire qu'elle me fait vraiment le coup de la panne, et l'angoisse de me demander dans quelle galère je me suis fourré.
La route, puis un petit chemin. « Hum, le coup de la panne, on va tirer un coup vite fait là derrière », mon esprit fantasme, mon corps s'excite, mais ma timidité masque tout ça d'un « Oh, on fait quoi, maintenant ? ».
Question stupide, et même conne ! Quant à sa réponse « … tu n'auras même pas fait dix minutes avec moi », elle est, je ne sais comment dire, genre « Casse-toi ! » dit avec plus de tact.
D'ailleurs, elle sort, se penche sous le capot aussi paumée que la majorité des mecs dans un tel cas, mais avec une différence essentielle, la vue. « Elle a une de ces putain de paire de nibards ! » qui modifie radicalement ma conception du mécanicien.
Je n'ose même pas bouger de mon siège, tellement ma queue tend le boxer, le bermuda, à vouloir déchirer le tissu. Je bredouille juste un « Vous... t'en fais pas... c'était... », toujours aussi niais.
Sauf qu'elle me propose de me reposer, je ne m'y attendais pas. Il y a un lit au fond, mais de là à dire « t'es canon, je te baiserais bien, mais je vais plutôt me reposer », faut pas exagérer.
« Stop ! », j'essaie de me concentrer à faire fuir mes délires. Je la regarde, je la détaille, sans doute. Elle me rappelle trop les bouquins que je collectionne sur Woodstock. Elle roule en van comme les images d'alors, love and peace. Elle est fringuée aussi légère et insouciante qu'eux, pas de honte à laisser deviner ses formes. Elle doit baiser comme eux, avec tout ce qui dit oui, peu importe le lieu.
Moi qui ai vu défiler, dans mon petit studio photo, des nanas qui me faisaient fantasmer à porter toutes sortes de lingeries sexy, voilà que je craque sur une nana en salopette, même pas sûr qu'il y ait un string dessous.
Je n'ai pas envie de rompre le charme.
« Me reposer, pas forcément », « baiser, volontiers, mais là je suis au bord de l'explosion, faut que je me calme », « mais me poser un peu, je veux bien, car j'ai beaucoup marché, et mon sac est chargé ».
Le van semble fumer un peu moins, mais il n'est pas prêt de repartir, je suppose, alors autant profiter du moment. J'essaie d'en descendre, me contorsionnant pour ne pas me trouver face à elle sans pouvoir masquer une trique d'enfer. Mon sac photo est un parfait alibi, je le tiens devant moi.
« C'est joli, ici. Je ne connaissais pas », « à l'écart, on peut faire toutes les galipettes, dehors ou sur le plumard », mon cerveau semble fonctionner à double sens, ce que je dis d'une part, ce que je pense d'autre part.