«
Nous sommes réunis devant ce jour pour célébrer l’union de deux êtres... »
La Grand-Place de Sylvandell était incroyablement bondée. C’était un jour férié, aujourd’hui. Tywill Korvander l’avait ordonné par décret royal, et le royaume avait rarement été aussi vide. Preuve de la ferveur populaire, il y avait des milliers de gens à la Grand-Place, soit quasiment tous les habitants de Sylvandell. Tous étaient venus, et les hôtels de la ville affichaient complet. Au-delà de Sylvandell, de multiples dignitaires et diplomates impériaux étaient venus. Encore une preuve que Sylvandell, malgré son statut de petit royaume montagnard isolé, était très populaire, et jouait un rôle remarquable au sein de l’Empire d’Ashnard. Et les dragons volaient rapidement dans les airs, comme s’ils avaient conscience de l’importance de cet évènement.
C’était le jour tant attendu. Il avait fallu des semaines pour le prévoir, et autant de temps pour l’organiser. La Grand-Place, qui servait généralement pour les discours populaires, s’était vue aménager d’une grande estrade avec des lierres. Des confettis volaient dans la ville, lâchés en l’air grâce à un système de ballons lancés depuis les terrasses du Palais. Le premier mariage d’Alice, avec Sakura, avait été impressionnant, mais, pour celui-là, la Couronne avait mis les bouchées doubles. Le divorce de la Princesse était une chose dont il valait mieux ne pas trop parler, mais, fort heureusement, les Sylvandins ne semblaient pas en tenir rigueur. Ces derniers jours, Sylvandell vivait dans une certaine effervescence à l’idée du mariage à venir. Si, lors du premier mariage, la jeune Princesse avait brisé les codes en organisant rapidement ce mariage, ici, elle avait pris son temps.
Alice avait personnellement écrit les faire-part de mariage à ses amis : Mélinda, Tinuviel, les jumelles Karistal, Theorem, Ishtar... Elle y avait passé un petit moment, afin d’être sûre de ne pas oublier personne. Elle savait que, de son côté, son père n’avait pas chômé. Il avait écrit au Conseil Impérial pour les en informer, et avait appris, à sa grande surprise, que plusieurs conseillers impériaux feraient le déplacement, comme Emhyr var Emreis, le « second homme » de l’Empire... Et même l’Empereur en personne ! Une nouvelle surprenante, l’Empereur Mordret étant peu coutumier de ce genre d’évènements mondains. Tywill n’avait eu aucune explication officielle, si ce n’est que l’Empereur tenait à assurer ses «
félicitations personnelles » à la jeune Princesse de Sylvandell. En outre, le Conseil avait rendu sans même attendre le mariage le décret de naturalisation de Melendil. En vertu de ce décret, il était désormais un citoyen impérial à part entier. Une grande nouvelle, émouvante, que le duo avait célébré en faisant copieusement l’amour.
Plus le jour attendu arrivait, et plus Alice était fébrile. Les réservations se multipliaient, et les auberges avaient été obligées de fermer les salles de restauration, installant des couchettes provisoires. Alice avait surtout passé du temps avec Mélinda et plusieurs tailleurs. Son amie était venue assez rapidement, en compagnie de son frère, et avait aidé Alice à choisir sa robe. Comme la tradition l’exigeait, Melendil n’avait pas pu la voir. Elle avait été faite sur mesure, et était très réussie !
Pour le reste, les préparatifs s’étaient multipliés, et Mélinda avait promis à Alice une «
sacrée soirée ». Toutefois, s’agissant d’un mariage, il impliquerait qu’Alice et Melendil se rendent ensuite au Sanctuaire, afin de recevoir la bénédiction du Patriarche. Une épreuve qui inquiétait légèrement son fiancé, ce qu’Alice pouvait comprendre, même si elle ne cessait de l’assurer que tout irait bien.
Et puis... Et puis, le jour était arrivé.
Melendil était dehors, sur l’estrade, attendant que sa fiancée arrive. Une foule épaisse s’était amassée sur la Grand-Place. Il y avait plusieurs centaines de bancs, et, effectivement, l’Empereur était venu. Il avait passé une bonne partie de la matinée à discuter avec l’Omniprêtre et le Roi. Alice l’avait vue pendant quelques secondes dans sa chambre, avant qu’il ne parte, se contentant de la féliciter. Pour elle, il ne faisait aucun doute que ce mariage n’était qu’un subterfuge, mais elle était tout de même flattée que l’Empereur en personne se soit déplacé.
La jeune femme sortit ensuite, et rejoignit une calèche l’emmenant au mariage. Il y avait un vif brouhaha, et, tout le long du pont royal menant au Château, de multiples fleurs, bouquets, lauriers, étaient posés. La tradition l’exigeait.
«
Eh bien, les gens ont l’air de t’apprécier... -
C’est un peu gênant, j’aurais préféré un mariage plus discret... -
Plus discret ? Ne me fais pas rire ! Tu te maries encore avec un va-nu-pieds, Alice ! Mais, lui, j’admets qu’il est très beau... »
Mélinda avait eu l’infime rôle d’être la dame d’honneur d’Alice, un geste qui avait visiblement ému la vampire. Le choix était toutefois logique, car Alice se confiait énormément à son amie vampirique. La calèche s’approcha donc, et, rapidement, Alice vit, à travers les fenêtres, des sourires, des confettis, et se pinça les lèvres.
La calèche s’approcha du tapis rouge, menant jusqu’à l’estrade. Elle observa brièvement ses mains, les joues empourprées.
*
Je vais me marier...*
On avait beau dire que la première fois était toujours la plus difficile, à l’époque, Alice s’était mariée sans vraiment y réfléchir, par sympathie envers Sakura, et par provocation. Là, les choses s’étaient préparées, elle avait prévenu tous ses amis. Mélinda ouvrit alors la porte. La femme sortit, dans son habituelle robe dorée, portant de fins gants dorés, et tendit la main. Alice attrapa la sienne, et les convives se levèrent à son approche. Un silence solennel régna, et Alice s’avança lentement. Melendil pouvait enfin la voir, car il y avait plus de vingt-quatre heures qu’ils ne s’étaient pas vus.
En fait... C’était l’une des rares nuits de son existence depuis ces dernières années où Alice n’avait pas fait l’amour.
Melendil pouvait en tout cas la voir
dans sa superbe robe blanche, avec une coiffe. Elle observa le sol, tapissé de roses et de fleurs, et s’approcha lentement, entendant quelques murmures, des chuchotements.
L’estrade était bien remplie. Devant elle, derrière l’autel, il y avait l’Omniprêtre, dans une robe cérémoniale. Son père était assis à la première loge, à côté d’Emhyr, de l’Empereur, et de quelques autres hauts dignitaires. Alice reconnut Samara, Hinata... Puis aperçut Melendil, à gauche, face à l’autel. Elle attrapa sa main, et lui sourit légèrement, crispant ses doigts sur les siens.
Derrière l’Omniprêtre, une grande statue représentant un dragon doré était juchée, et l’elfe âgé les observa tous les deux, avant de se mettre à parler, d’une voix encore forte et puissante :
«
Nous sommes réunis devant ce jour pour célébrer l’union de deux êtres... » entama-t-il.
Il se tut ensuite, avant de prendre :
«
Une union particulière, puisqu’elle unit, non seulement des individus issus de classe différente, mais aussi de races différentes. Un elfe... Et une humaine. Le triomphe de l’amour et de la confiance face à l’adversité et aux préjugés. Je vous demande de méditer là-dessus, jeunes gens, car c’est sur cet idéal qu’Erwan Korvander a fondé Sylvandell. »
L’Omniprêtre continua ensuite à parler, puis se tourna vers Melendil :
«
Melendil, votre nom vous a été retiré. Par la présente, vous acquérez donc le nom de votre épouse. Jurez-vous devant les Dieux, Melendil Korvander, d’aimer, de respecter, de chérir, de protéger et d’accompagner votre femme dans toutes les épreuves que la vie aura à vous offrir ? D’être là pour elle dans tous les moments de joie et de souffrance ? De vous consacrer à elle au point de donner votre vie s’il le faut, mais aussi au devoir qui vous incombera en tant que Prince de Sylvandell ? »