La situation … avait prit une bien étrange et inattendue tournure. Par tous les Dieux était-ce la folie qui le gagnait ou une comédie de très mauvais goût ? Hercules fronça des sourcils, deux fils de cuivre sur son front plissé par une juste irritation. Son regard s’était lentement déplacé vers le bataillon lourdement armé qui se dirigeait vers lui. Aussitôt, l’esprit tactique du fils d’Alcmène commença à jauger ces nouveaux arrivants à l’aspect fort peu amical.
Des hoplites, l’élite guerrière de la Grèce à son âge d’or. Des hommes en armures lourdes de bronze, de larges boucliers ronds aptes à parer les épées les plus affutées, des lances dont les pointes brillaient d’un éclat menaçant par-dessus les torches qui crachaient d’épais filets de fumée à travers la grotte. À leur ceinture pendait des glaives et des dagues courtes. Derrière leurs casques en laiton on pouvait distinguer des visages durs et patibulaires, des mines renfrognées et peu engageantes. Des tueurs à sang-froid, des meurtriers professionnels dont le regard trahissait une lourde expérience dans des domaines sanglants.
Se tournant vers leur chef ricanant, son regard se voulait menaçant et sa carrure, intimidante. Un homme sensé, connaissant le légendaire Héraclès et ses exploits, aurait pensé à deux fois avant d’oser défier le puissant champion de Zeus, mais Perfide était un être pétrit d’orgueil et d’arrogance, une crapule assoiffée de sang, un bâtard pervers et vicieux qui n’avait aucun respect ni aucune foi. Vétéran de nombreuses batailles, il avait gagné en pouvoir auprès du roi de ce petit paradis et avait aidé ce dernier à en faire un domaine régit par la peur et l’oppression. Et quel meilleur moyen de pousser le peuple à vous craindre indirectement qu’en lui infligeant un fléau divin, une bête monstrueuse que le roi semble désespérément tenter de combattre ?
Le plan de ces vils malfrats s’affichait enfin dans l’esprit éclairé et vif d’Hercules qui serra des poings sous l’émotion, la jointure de ses doigts blanchissant à vue d’œil.
« Arrière, félons. Allez ramper chez votre maître tant que je vous en donne encore l’occasion, traîtres abjectes, ou par Zeus je jure que je tapisserai cette caverne avec votre sang. »Spectacle terrifiant que celui d’un guerrier au corps d’athlète exprimer d’une voix de stentor des plus viriles sa fureur contenue. L’homme à la barbe brune fulminait presque et certains jureraient que des flammes brillaient dans ses prunelles à la manière des flammes du domaine d’Hadès.
Pour toute réponse, Perfide ordonna à ses hommes de les mettre en pièces. Dans un cri de guerre qui fit trembler les murs naturels de la caverne, ils fondirent sur le duo acculé, brûlants de plonger leurs lames assoiffées dans du sang frais. Le soldat de tête bondit tel un félin vers Héraclès, son javelot prêt à embrocher le héros. Dans un mouvement plus vif qu’un serpent surgissant de sa tanière, le bras du héros frappa la hampe de l’arme d’hast, déviant sa trajectoire. La pointe effleura le vêtement de la cible, taillant le tissu. Une seconde plus tard et le poing du fils de Zeus rencontra le visage surprit de l’attaquant dans un craquement sonore. Son corps fut projeté par la prodigieuse force d’Hercules, planant un cours instant avant de s’écraser lourdement sur le sol, inerte.
Un instant de flottement suspendit le temps, chacun se toisant un court moment, puis les aboiements de Perfide finirent par pousser les hommes à reprendre l’assaut, comme si les fouets de leurs maîtres étaient à leurs trousses. Ils avaient la rage de vaincre, un passé forgé dans le fer et le sang, et une haine farouche envers celui qui osait leur tenir tête. L’avantage du nombre était aussi de leur côté. Mais tout cela était bien futile pour faire face au plus glorieux et puissant héros de l’Antiquité.
La lionne allait être la spectatrice d’une démonstration de force prodigieuse. Héraclès dégaina son glaive dans un geste rapide et frappa, tranchant la chaire et fendant les armures comme dans du beurre. Ses poings étaient plus implacables que les foudres de son père, son adresse à l’escrime surclassait les vétérans, ses mouvements étaient fluides et précis, emprunts d’une force surnaturelle. Les corps s’entassaient à ses pieds, fauchés par cet invincible stentor. Les boucliers roulaient sur le sol, cabossés, les casques étaient fendus dans une mélodie métallique qui aurait raisonné doucement aux oreilles d’Arès le dieu de la Guerre, un bain de sang s’étendait lentement autour de cette arène silencieuse.
Horrifié, Perfide témoigna de la chute de ses hommes les plus expérimentés comme une faux fauchant un champ de blé. En un temps record le bataillon n’était plus qu’une hécatombe avec au centre un combattant furieux et taché du sang de ses ennemis tombés. Médusé, Perfide chercha d’une main tremblante le manche de son glaive à mesure qu’Hercules approchait à grands-pas vers lui. Au moment même où les doigts du truand rencontraient le bout de son pommeau, la lame du fils d’Alcmène faucha l’air dans un battement de cil. Un battement de cœur, un autre, puis lentement la tête de Perfide glissa sur son cou sectionné avant de rouler mollement sur le sol, suivit de près par le corps sans tête.
Se retournant lentement, Hercules s’approcha de la lionne, s’accroupit devant elle et rangea son épée dans son fourreau.
« Pardonnes-moi pour ma méprise, j’ignorais que ces chiens étaient derrière toute cette mascarade. N’ait crainte car désormais je ne te veux aucun mal. »Son regard était devenu doux et plein de compassion comme un agneau. Il fixa la flèche encore plantée dans la chaire du félin et approcha doucement sa main.
« Laisses-moi t’aider à te soigner, s’il-te plaît. »Retirant aussi délicatement que possible la hampe, il versa rapidement un peu d’alcool trouvé dans la ceinture de l’un des soldats tués, puis banda la plaie avec la cape déchirée de Perfide.
« Cela devrait faire l’affaire. Sortant d’ici, tu n’as plus rien à faire dans ce lieu maudit. »