Ah, les voyages. Tout le monde en rêve. Quitter son petit patelin paumé, prendre un sac et s'en aller par mont et par vaux, découvrir de nouveaux endroits, cultures et nourritures. Hélas, beaucoup de gens oublient que voyager, lorsqu’on ne fait pas son touriste, consiste aussi à avancer de nuit (et vous savez à quel point la nuit est terrifiante en dehors des lumières de la ville ? Allez y un jour. Vous comprendrez), dans le froid, sous la pluie, à la merci des bêtes sauvages, et surtout, SURTOUT, à affronter les endroits de merde.
Comme les marais. Ou les forêts d'arbres denses, pointus, presque sans feuillages, menaçant comme des dingues pointées vers le ciel, et insultants tels de majestueux doigts d'honneurs dressés à la face du voyageur qui essaye de se repérer. Et la forêt dans laquelle se trouvait Grayle était une de ces saloperies même pas vertes capables de transformer le plus fanatique des écolos en industriel convaincu.
* Je te bétonnerais tout ça * pensa Grayle en délogeant son pied d'une racine, avant de lancer un regard furieux à l'arbre responsable de sa quasi-chute. * Ouais, je brûlerai toute cette forêt et j'en ferais un parking. Avec une autoroute. Et un centre commercial. * Le pérégrin était d'humeur massacrante. Il savait à quoi étaient dues ces sautes d'humeur : la forêt. Elle émettait une aura malsaine, une atmosphère pesante, et le pérégrin avait toujours été incapable de résister aux influences mentales extérieures. Il essayait de se calmer intérieurement, mais la solitude ajouté au froid n'aidait pas.
L'illumination vint de la flamme trouble et éloignée d'un feu de camp. Désormais intéressé, le pérégrin s'avança, sac sur le dos, dagues à portée, au cas où... Grayle avait déjà eu son lot de mauvaises rencontres. Agile comme une panthère, il s'approcha à portée de vue...
... eeeeeet c'est une mauvaise rencontre. Naturellement. 3 hommes armés autour d'un feu, une tenace odeur de sang sur leurs vêtements, des mines patibulaires, et.... ooh... une jolie fille saucissonnée à un arbre. Les longs cheveux blonds de la pauvre cachaient son visage, baissé vers le sol. Evanouie ? Il resta ainsi, caché dans l'ombre...
Un des bandits se leva, essuyant sa bouche d'un reste de poulet, le crâne chauve luisant sous la lune. Il prit le menton de la prisonnière entre ses doigts, soulevant ce dernier afin que leurs visages soient l'un en face de l'autre.
" Salut petite fleur !... "
Il caressa la gorge de la jeune fille, puis son torse, avant de se saisir de la robe et de la baisser, dévoilant les deux seins de la noble, qui se mirent à pendre, et dont il se saisit.
" Bordel, je sais pas comment ils vous nourrissent dans vos chateaux à la con, mais nous, on va pas se priver de te dévorer entièrement... hein les gars ?! " dit-il à ses compagnons.
Rire gras et hochements de têtes. Il lécha la joue de la jeune fille, qui poussa un gémissement et un cri d'horreur franc. Il la gifla pour la faire taire et mettre fin à ses tentatives de le repousser. Grayle, à couvert, fronça les sourcils.
* Bon ok... maintenant, c'est clair, c'est pas une de leur amie avec des fantasmes sur le fait d'être attachée... *
Grayle, trop prudent ? Vous seriez surpris de voir sur quels genre de cas on peut tomber durant sa vie. Il se glissa hors des ombres, prêt à frapper, approchant doucement. Il n'est pas un preux chevalier, volant au secours de la veuve et l'orphelin. Juste un type normal. Mais on n'a pas besoin de grands idéaux pour ne pas laisser une jeune fille se faire violer continuellement par trois criminels dans une forêt aussi horrible.
Surtout... comment est-ce qu'elle est arrivée là ? Concrètement, elle n'a pas pu se perdre lors d'une cueillette aux champignons !
" Alors, les gars, on commence par quoi ? Moi, je sais... on va lui apprendre à sucer. Vous en dites quoi ? "
"C'est plutôt risqué. Elle risquerait de mordre. " répondit Grayle d'un ton tout à faire sérieux, alors qu'il s'était saisi d'un des trois hommes par le cou et la bouche et était en train de l'étouffer silencieusement.
" Ouais, c'est vrai, il serait plus prudent de... ATTEND QUOI ?! " s'exclama le bandit, réalisant au dernier moment que la voix précédente n'était PAS une de ses amis. Lui et son compagnon se retournèrent devant Grayle, qui lâchait tout juste le corps inanimé de leur compagnon, évanoui. Ils tirèrent leurs armes. Des dagues, aiguisées, ainsi qu'une rapière pour le chef.
" Bordel, t'es qui ? "
" Ton coiffeur. " répondit Grayle au bandit chauve, qui inspira de colère devant cette puérile provocation. Le jeune homme, vêtu de simples bottes, un pantalon, et un haut de lin, avec un sac à dos, avait une apparence absolument normale et inoffensive... mais ses deux yeux bleus glacés brillaient comme ceux d'une panthère noire. Et il dégaine ses deux dagues : de longs couteaux longs comme des avant bras, et noirs, si noirs qu'ils se détachaient au milieu des ombres, comme s'ils aspiraient toute lumière autour. Il a beau être jeune, c'est avec une assurance totale qu'il parle. Pas d'arrogance, ni de fierté mal placée, ou de mépris. Il parle, comme s'il discutait du beau temps.
" Lâchez la fille. Elle vient avec moi. Si vous le faites, on repart tous vivants et en bonne santé. D'accord ? "