Voilà maintenant plusieurs longs mois que Valoria et sa horde se sont installées dans les terres inhospitalières de ces terres glaciales. Des mois? Peut-être des années en fait. Ou des semaines. Notre perception du temps change drastiquement avec le temps. Rapidement, les années cessent d'exister. Ensuite les mois deviennent une chose, un souvenir, un concept inutiles. Quand on n'a pas besoin de dormir, le concept de jour et de nuit ne devient rien de plus qu'un facteur stratégique pour les opérations militaires. Finalement, il ne reste plus que les heures et les saisons. À ce stade, il s'agit bien des deux seules choses que Valoria peut encore percevoir. Il n'y a pas à dire, son existence a rapidement perdu son intérêt et tout ce qui la garde en vie, ce sont ses recherches. Depuis des siècles, elle étudie les grands mystères de la magie et pourtant, elle n'a fait qu'égratigner la surface de cette discipline. Tant de choses à voir, tant de choses à découvrir. Même ses études en écologie et en zoologie arrivent parfois à la surprendre. C'est à chaque fois qu'elle croit avoir tout vu que quelque chose vient la surprendre de nouveau. Oh et il ne faut pas oublier son plus grand plaisir: attirer des aventuriers dans son repère.
Au début, les terres de glace semblaient être un endroit rêvé pour y établir une forteresse. Pourtant, elle n'était pas satisfaite. Oh, pas qu'elle n'arrivait pas à attirer des gens. En fait, elle a rarement eu autant de victimes depuis qu'elle a commencé à faire tout ça. Alors où est le problème? La qualité, c'est ça le foutu problème. Valoria ne peut pas faire des tests sur n'importe quoi, elle a besoin d'un corps puissant et en santé. Un corps avec une constitution normale ne peut tout simplement pas résister à ses expériences assez longtemps pour qu'elle puisse en tirer des résultats satisfaisants, d'où le processus de sélection. N'importe qui capable de se rendre à elle malgré les pièges et ses sbires est généralement parfait pour ses études. Les terranides qui viennent à son repère n'ont rien. Des pillards en quête de fortune rapide qui ne vont jamais très loin, des hommes avec rien de plus que la peau sur les os ou des femmes n'étant même pas digne de servir de sextoy. Elle ne veut quand même pas refiler une maladie à un de ses monstres! On sait pas où ces terranides ont traîné. Valoria venait tout juste de recevoir un groupe du genre. Un est mort à l'entrée en glissant dans l'escalier en pierre, un autre est mort en se prenant quelques lances dans les côtes et la tête et les deux autres sont tombés dans une fosse à pieux. Et comme toujours, c'était à la liche de tout ramasser.
À genoux sur le sol de pierre, elle frottait, frottait comme elle le pouvait. Elle tentait d'enlever le sang de son piège à lances, sans réel succès. Peu importe à quel point elle frottait, elle avait l'impression qu'une tache encore plus grosse venait prendre sa place. Oh, c'est parce que la tête de sa victime est encore bien empalée juste au-dessus de sa tête. Voilà qui explique vraiment beaucoup. Alors il faut d’abord... P'tain. Peut-être tirer sur... Non, non, trop dégueulasse.
Arlecchino, tu peux... Occupe-toi de ce truc.
Madame? Dis le golem de chair. Vous avez torturé un homme la semaine dernière. Vous avez même joué dans ses tripes.
Ouais, mais c'est pas la même chose, il était vivant.
Vous êtes morte. Vous m'avez assemblé à partir de cadavres. Vous avez une armée de zombies.
Ouais? Et alors?
Le golem soupira, arrachant la tête d'un mouvement sec, venant essuyer le sang sur son mouchoir. Il n'y a rien à comprendre avec elle. En fait, il la connait depuis assez longtemps pour savoir qu'il ne faut jamais essayer de la comprendre. C'est une immense perte de temps.
Vous avez l'air de mauvaise humeur.
Bien entendu que je suis de mauvaise humeur! Je prends la peine de construire une nouvelle forteresse dans un coin perdu où on se gèle les couilles, je prends la peine de répandre des rumeurs pour attirer les voyageurs, j'ai pris la peine d'engager des chasseurs pour me ramener des dizaines et des dizaines de créatures pour pouvoir attirer des aventuriers. Ou au moins un pervers en puissance, n'importe quoi! À la place, je me fais envahir par de la vermine. Ils viennent, ils déclenchent mes pièges et ils laissent une énorme marre de sang que je dois nettoyer! Ça ne serait franchement pas si mal si je n’avais pas à tout nettoyer à chaque putain de fois. Mais non! Me voilà à quatre pattes au sol et pour une fois, j'ai horreur de ça. Parlant de ça, mes harpies sont justement sur le point d'entrer en grève, car je ne leur offre pas la dose de sexe que je leur ai promis sur leur contrat. Ces crétins n’arrêtent pas de se tuer immédiatement, ç'fait chier à la fin!
Mais tout ça serait beaucoup moins chiant à gérer si elle ne devait pas se taper le boulot d’une femme de ménage à chaque fois qu’un nouveau groupe entrait.
Tu sais, je pense que c’est le setting. Une forteresse abandonnée ce n’est pas si passionnant que ça pour des aventuriers. J’veux dire, j’ai propagé la rumeur que cette forteresse contient un trésor et de la clé de l’immortalité, mais je n’ai pas l’impression que les aventuriers y croient. Je devrais trouver moyen de changer la réputation de l’endroit. Le rendre plus alléchant tout en triant la mauvaise herbe du reste. Ouais… Ouais!
Oh! Enfin une bonne idée! Valoria allait devoir réfléchir à tout ça. Peut-être engager quelqu’un. Comme un gardien ou de quoi du genre.
Oh, madame... Je doute fortement qu'une personne du genre vienne cogner à notre porte pour vous offrir volontairement ses services. Si une telle chose se produit, je veux bien donner le bain aux goblins. Dis le majordome en soupirant. Que des sottises!