A.
Répondeur
«
Il est mort, Jess’, okay ? Ce n’est pas parce qu’on a jamais retrouvé son corps que… Maman m’a dit que tu avais arrêté les séances avec le Docteur Alvarez… Pourquoi tu ne réponds plus, Jess’ ? On est là pour t’aider ! »
*
BIP !!!*
«
Bonjour Madame Cruz, Olivier Tooker à l’appareil, votre conseiller de MetLife. Je me permettais de vous appeler par rapport à votre contrat d’assurances référencé n°2800-545-12. Comme vous n’avez pas répondu à notre dernier mail, je me permets de vous appeler en ce personne. C’est un peu embarrassant à dire… Le cabinet du Docteur Alvarez nous a appelé pour nous dire que, visiblement, vous ne seriez pas allés à votre rendez-vous de cette semaine… Et, si je ne m’abuse, d’après ce qui est contenu dans votre dossier, c’est la quatrième absence. Or… Euh… Je dois vous rappeler que MetLife s’est obligé à indemniser tous les frais psychiatriques nécessaires pour vous aider à aller mieux, si, en retour, vous vous engagez à y aller. Bien sûr, nous pouvons comprendre qu’il y ait quelques irrégularités, mais nous n’avons aucune nouvelle de vous, et… Enfin… On ne peut pas continuer à assurer des séances qui n’ont pas lieu, nous dépensons de l’argent pour rien, vu que notre politique nous amène à régler les honoraires avant les séances. Je sais que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, mais sachez que je ne voudrais vraiment pas que ma compagnie résilie notre contrat, et je vous ai déjà défendu auprès de mon chef. Je vous rappelle que vous pouvez changer de psychologue sans aucun problème, Madame Cruz. Pourriez-vous me rappeler pour m’en dire plus ? Vous avez mon numéro professionnel sur votre téléphone, normalement, mais, dans le doute, je vous laisse mon numéro de téléphone portable… »
*
BIP !!!*
Ce Tooker avait une voix agréable. On sentait qu’il avait l’air concerné par ce qui se passait. Même la tonalité crachotante du téléphone parvenait à rendre cette voix. On l’imaginait bien draguer les filles en sortant le soir avec cette voix chaude, qui évoquait quelque chose de la Californie.
Mais, d’ores et déjà, le silencieux téléphone accomplissait son office, en passant au message suivant.
«
Jessica, c’est ta mère à l’appareil. Il est temps que tu te ressaisisses, ma petite puce. Tu ne peux pas vivre ainsi encore, comme ça, cloîtrée chez toi, à ne voir personne. Ce n’est pas sain, ma petite chérie. Le Docteur Alvarez m’a appelé, tu sais… Personnellement. Il s’inquiète pour toi, et… Écoute, Jess’, tu n’es pas toute seule, d’accord ? On est là… On est une famille, ma chérie, alors… Rappelle-moi, mon cœur, ou je vais devoir me déplacer. »
Elle avait un double des clefs… C’était une condition indispensable quand ils avaient signé le bail, mais, entre-temps, Jessica avait fait changer les serrures. Il était toujours possible qu’on vole les clefs de sa mère, qu’
Il le fasse… Et, tandis que le répondeur remplissait son office, la solitaire silhouette ne bougeait pas. Elle était là depuis maintenant plusieurs heures, recroquevillée sur son canapé, prostrée comme une âme en peine, les yeux encore écarquillés par les souvenirs… Les flocons de neige, le sifflement de la hache, les hurlements, la braise dans les cheveux… Elle fermait les yeux, comme pour chasser les visions, mais elles étaient toujours là.
Aller chez Alvarez ? Son cabinet était à l’autre bout de la ville, bien trop loin pour qu’elle puisse avoir le courage de s’y rendre.
Il la guetterait, car
Il était là, elle le savait. Eux ne pouvaient pas comprendre, eux n’avaient pas vu de quoi
Il est capable. Oh, elle savait bien ce qu’ils disaient, tous, ce que sa mère pensait, ce que Sara, sa sœur, pensait également quand elle leur disait ce qu’elle avait vu. Qu’elle délirait, qu’elle amplifiait les évènements qu’elle avait subis… Mais elle, elle savait qu’elle ne délirait pas.
La dernière fois, elle avait été surprise par son voisin de palier en ouvrant la porte de son appartement, afin d’y récupérer la nourriture qu’elle se faisait livrer à domicile. Il l’avait silencieusement regardé, et elle avait vu, dans ses yeux, les reflets verdâtres… Jessica s’était réfugiée chez elle à toute allure. C’était depuis cette fois qu’elle n’était plus sortie de son antre, n’osant même plus répondre au téléphone, ni même allumer la télévision.
Et, alors que ses yeux étaient écarquillés, et que les sillons de larmes glissaient le long de ses joues, elle entendit le souffle du Démon, remontant jusqu’à ses oreilles…
*
Jeeeeeeeeeesssiiiicccaaaaaaaaaaa…*
1.
Spring break
Six mois auparavant…Le SUV 4x4 arrêta sa course devant le grand chalet en bois de Bloomberry Lake, et Steve, en souriant, claqua joyeusement la portière.
«
Ah ! s’exclama-t-il jovialement.
Vous avais-je menti, les filles ? Vous croyez vraiment que c’est le long des plages de la Californie ou de la Floride que vous pouvez avoir un tel spectacle ? Un tel air pur ? »
Brittany devait bien admettre que Steve ne leur avait pas menti. Originaire du Maine, il disposait de ce chalet quand bon lui semblait. Ses parents l’avaient bâti de leurs propres mains pour leur retraite, et on pouvait comprendre pourquoi. Ils étaient perdus au milieu d’une vaste forêt montagneuse, face à un lac immense, avec une île au milieu, et, au fond, le spectacle d’épaisses montagnes triangulaires se découpant vers les nuages. Un spectacle très séduisant.
Steve se frotta joyeusement les mains en s’approchant de la porte du chalet. Un chalet de deux étages, avec une grange, qui disposait de l’électricité, d’une télévision, et même d’un accès à Internet. Ses parents avaient pensé à tout. Le chalet disposait d’une parabole, ainsi que d’une borne WiFi, permettant d’avoir une connexion à la Toile. Un endroit parfait, que Steve avait vu se faire petit à petit.
La plupart du temps, les
springs break avaient lieu le long de la côte. Miami diffusait toujours, à l’approche des différentes vacances organisées par les universités, des promotions exclusives. Tout le monde se ruait en effet vers les plages de Miami, car, dans leur université, la double semaine de vacances avait lieu en Avril. La saison commençait, l’eau était un peu plus chaud qu’en hiver, et on pouvait bronzer. Brittany, de fait, avait envisagé d’aller pour Miami Beach, mais, outre la distance, il fallait aussi admettre que, malgré les offres des hôtels, les prix n’étaient pas donnés.
C’était Steve qui avait suggéré à la petite bande une vraie semaine de relâchement, en allant dans une région plus proche, le Maine, et plus particulièrement dans le chalet de ses parents. Un cadre atypique et idyllique, champêtre. Ce n’était pas vraiment ce qui avait fait fantasmer Brittany au début, mais il fallait bien admettre que c’était joli… Et, effectivement, elle n’avait pas les moyens d’aller à Miami, même si elle se réservait ça pour l’été.
Elle et Jessica, elles comptaient bien se faire quelques surfeurs musclés et bronzés après les examens universitaires. Jessica sortit à son tour, et hocha la tête, ses longs cheveux noirs virevoltant au gré du vent.
«
Ouais, ta grange est pas si mal, Steve… -
Ma grange ? Tu te fous de moi ou quoi ? Regarde-moi ça, Jess’, c’est un vrai palace, ouais ! »
Jessica et Brittany en savaient quelque chose. Steve avait des photos de toute la construction du chalet, et il y en avait de lui, quand, tout petit, il tenait une petite pelle dans la main pour aider son père et sa mère. Ses parents avaient dirigé une entreprise de maçonnerie. Il n’y avait pas de quoi être riches, mais, à force, ils avaient accumulé suffisamment d’expérience pour bâtir, à eux tout seuls, leur propre maison. Pour faire ça, ils avaient pris une grosse année sabbatique, et avaient ensuite progressivement, tous les week-ends, en famille.
Des souvenirs joyeux à partager, mais Jessica devait bien reconnaître que, même si elle et Brit’ charriaient souvent Steve, la maison était tout de même pas mal, et l’endroit… Plutôt sympa. Paumé, certes, mais plutôt pas mal. C’était le principe d’un
spring break, après tout, et le trio était loin de l’agitation et de la pollution inhérente à Gotham City, où ils y faisaient leurs études universitaires. L’université de Gotham ne faisait pas partie de l’
Ivy League, mais, quand on avait comme mère une ancienne réfugiée sudaméricaine qui travaillait comme caissière dans un supermarché, il ne fallait pas s’attendre à des fortunes. Jessica aurait pu décrocher une bourse aux mérites pour aller dans une grande université, mais, pour décrocher ces précieuses aides, il fallait être au moins aussi intelligent que Red Richards, ce qui était loin d’être son cas.
Les Trois Mousquetaires, ainsi qu’ils s’appelaient, filèrent dans le chalet, déposant leurs affaires. L’endroit sentait un peu le renfermé, ce qui amena Steve à ouvrir toutes les fenêtres. Divers tableaux de la région étaient là, ainsi que la tête d’un sanglier empaillée au-dessus de la cheminée.
«
Ah ! Voilà la fameuse bête… commenta Jess’.
-
Un vrai monstre, hein ? »
Steve était originaire de cette région, et, outre les week-ends sur la menuiserie et la charpente, son père était aussi un chasseur. Ensemble, ils avaient traqué cet énorme sanglier, et son père avait réussi à l’abattre. Une bataille mémorable, qui résonnait dans l’esprit de Steve comme un duel épique entre l’Homme et la Bête. Son père et lui avaient vaincu le sanglier, et son père l’avait ensuite amené à un ami boucher de Bloomberry, le plus proche village local, afin de le vendre, et d’avoir une tête empaillée qui décorait maintenant le salon.
Jessica ne tarda pas à se rendre vers son endroit préféré : la bibliothèque. Brittany savait combien la jeune femme aimait lire. C’était même une vraie passion pour Jess’. Quand elle était plus petite, elle passait ses Samedis à la bibliothèque municipale, et lisait compulsivement les Dimanches. Il avait fallu qu’elle rencontre Brittany à sa deuxième année à l’école pour sortir, faire de la corde à sauter, se prélasser sur l’herbe… Elles s’étaient même rencontrées à travers la lecture, car Jessica était très en avance sur son âge, et le professeur l’avait rapproché de Brittany, afin qu’elle aide cette dernière à faire des liaisons. Entre les deux filles, le contact avait été immédiat. Jessica avait toujours été un brin introverti, une fille plutôt timide et discrète, incapable de se mettre en valeur, à l’inverse de Brittany. Avec sa magnifique chevelure blonde, Brittany avait, avec les années, tiré un très bon numéro dans la grande loterie de la vie. Ses formes s’étaient très bien développées, et elle avait une magnifique poitrine, là où Jessica, elle, sans avoir tiré le gros lot, avait quand même des soins moins volumineux. Pour autant, il aurait été injuste de la dire laide. Elle avait une peau bronzée, héritage familial, de longs cheveux noirs, des yeux marrons, une silhouette plutôt bien réussie, avec des hanches agréables, et de belles jambes fuselées.
En réalité, les deux femmes étaient plutôt belles, même si Jessica avait tendance à trouver Brittany plus belle qu’elle… Sans doute parce que, contrairement à Brit’, Jess’ ne se maquillait pas trop. Dès lors, sa beauté ne ressortait pas trop, ce qui lui allait plutôt bien, puisque, contrairement à son amie, la jeune femme n’avait jamais aimé se faire remarquer.
Assez rapidement, Jessica se dirigea vers la bibliothèque, afin d’y sortir ses livres. Ses amis la connaissaient suffisamment pour savoir qu’elle ne sortait jamais sans ses «
munitions ». Ouvrant son sac à dos, elle en sortit ainsi le Linwood Barclay qu’elle avait commencé à lire dans le trajet, avant de le ranger en atteignant Bloomberry.
«
Sérieusement, avait alors dit Steve,
vous croyez vraiment qu’une ville peut s’appeler comme ça ? »
Ce bref souvenir la fit légèrement sourire. Bloomberry… Sacré nom pour une ville, en effet ! Puis, et tandis que Brittany, en fond, commençait à vérifier si la chaîne HiFi fonctionnait, et que Steve se retrouvait à porter les bagages, le regard de Jessica se retrouva happé par les livres étalés autour d’elle. Il y en avait pas mal. La mère de Steve était une grande lectrice, mais la bibliothèque ne comprenait pas que des livres, et la jeune femme fronça légèrement les sourcils en voyant, sur une étagère, plusieurs classeurs. Intriguée, elle en attrapa un, et le posa sur la petite table au centre. Une vieille odeur de moisi agressa ses narines quand elle ouvrit ce dernier, tombant sur plusieurs journaux, dont le papier était devenu jaunâtre. Elle sentit même un peu de poussière jaillir du classeur.
*
C’est le journal local…*
En soi, que Bloomberry ait suffisamment d’argent pour entretenir un budget local était un exploit, et Jessica comprit que les parents de Steve avaient accumulé toutes les éditions du journal local. On y parlait de l’organisation de la fête du sanglier, les parcours de chasse, les soirées spéciales
dancing au
dinner local… Tout ça s’étalait sous ses yeux… Et elle s’arrêta soudain en voyant un article du
Washington Post, qui n’avait visiblement rien à faire là.
EFFONDREMENT À BLOOMBERRY MINE – UN SURVIVANT RETROUVÉ
C’est une fantastique nouvelle pour ses proches et pour toute la petite commune de Bloomberry, dans l’État du Maine, autant fantastique que surprenante. Il y a de cela plusieurs semaines, l’une des poutres de soutènement de la mine de charbon de Bloomberry s’était effondré, provoquant un enlisement de la mine, et piégeant derrière des tonnes de débris plusieurs mineurs, sans aucun moyen de communiquer. Depuis cet évènement sinistre, les secours ont multiplié les opérations pour tenter d’extraire les gravats, tâche rendue difficile par la structure de la mine. « C’est une très vieille mine, nous avait expliqué Monsieur Stillwell, chef des pompiers de Castle Rock. Elle est aussi vieille que le village, et nous ne pouvons pas utiliser d’explosifs, sous peine de faire s’effondrer tout le reste de la mine ». Ainsi, pendant plusieurs semaines, les pompiers se sont relayés, utilisant des pioches et du matériel d’extraction, tout en consolidant certains aspects de la mine avec des poutres. Leur effort a finalement payé, car ils ont trouvé, derrière les débris, un survivant, qui a été immédiatement transporté à l’hôpital général de Castle Rock. « Son état est très critique, nous a indiqué le Docteur Jatson. Son état est stationnaire, mais il a besoin de soins ».
Cette découverte miraculeuse a évidemment ravi les habitants de Bloomberry, même si elle est entachée par le fait que les autres mineurs n’ont pas été retrouvés…
«
Jess’ ? ‘Me dis pas que tu t’es encore réfugiée dans tes vieux livres ! »
L’appel de Brittany surprit Jessica, qui délaissa sa lecture de l’accident de Bloomberry Mine, et hocha la tête.
«
Non, non, j’arrive ! »
Un peu intrigue par cette histoire, Jessica l’oublia cependant relativement vite… Pour l’heure.
Entretien téléphonique #1
« Écoutez, Jessica, je suis… Je suis déçu, tout simplement. Je veux dire, nous faisions des progrès, vous commenciez à venir régulièrement à mes sens, et à envisager de prendre le bus. Pourquoi un tel revirement ?
- Parce qu’Il est là, Docteur… Je le sais.
- Ce n’est pas parce que la police n’a pas retrouvé son cadavre que…
- Non, pas lui !
- Ah… Je vois… L’Autre, donc…
- Je sais que vous ne me croyez pas, Docteur, vous me prenez pour une idiote ? Mais Il existe, et c’est vrai, et je l’ai vu…
- Vous croire, ou ne pas vous croire, ne fait nullement partie de mes intentions. Nous vivons à Gotham City, Jessica, cette ville est remplie de psychopathes en puissance et d’autant de clients potentiels. J’ai depuis longtemps admis que la réalité, aussi incroyable soit-elle, pouvait parfois se montrer bien supérieure à n’importe quel délire imaginé par des fantaisistes… Et n’y voyez nulle référence à votre situation. Je vous dis simplement ça parce que, peu importe que ce Volthoom existe vraiment ou non, dès lors que, pour vous, il existe réellement.
- Il n’est pas une invention de mon esprit, Docteur ! Je vous dis qu’il existe, j’ai tué son hôte, alors Il me traque, pour prendre le contrôle de mon esprit, et pour…
- Jessica, Jessica… Essayons de raisonner de façon rationnelle, vous voulez bien ? Vous savez, je n’accepte quasiment jamais des entretiens purement téléphoniques, parce que j’estime que, pour qu’une thérapie fonctionne, il faut être l’un en face de l’autre. Derrière un téléphone, il y a une distance que je n’aime pas, quelque chose qui bloque le processus thérapeutique. Dans votre cas, sachez que j’aurais pu arrêter de vous considérer comme une patiente dès lors que vous n’assistez plus à mes rendez-vous. Si je continue à vous suivre, c’est bien parce que j’estime que vous n’affabulez pas, et que je suis convaincu de pouvoir vous être utile…
- Oui, oui, je sais… Mais Il existe, et Il m’a retrouvé, Il va prendre possession du corps de mon voisin, et…
- Cela fait plus de six mois, maintenant ! Vous ne croyez pas qu’il aurait eu le temps de vous retrouver, depuis ?
- Non, il fallait lui laisser le temps de se reconstruire. Je l’ai fait souffrir, et… Je me suis renseignée sur Internet. Les cas de possession sont… Enfin, je sais qu’Il rôde, là, quelque part, et qu’Il est train de prendre son emprise sur moi. Il… Il se nourrit de la peur, vous comprenez ? Ma peur…
- Raison de plus pour laquelle vous devez lutter contre votre agoraphobie, non ? Écoutez-moi, Jessica, je… Je ne vais pas vous demander de reprendre les séances, mais peut-être que vous pourriez entreprendre de refaire quelques courts déplacements dans les prochains jours, non ? Vous restez enfermée dans votre appartement, et ce n’est pas bon pour vous, car vous vous mettez à imaginer quantité de choses. Vous devez sortir, et vous convaincre que le monde n’est pas un endroit si dangereux. Déposer vos poubelles directement dans la benne, par exemple, plutôt que les laisser sur le palier de votre porte, ou acheter le pain… La boulangerie est proche, non ?
- O-Oui, elle… Elle est pas très loin…
- Alors, voilà ce que je vous propose… D’ici à notre prochaine séance, je veux que vous soyez capable de vous rendre au moins jusqu’à la boulangerie, et de conserver le ticket de caisse, comme preuve que vous avez réussi à sortir de chez vous, à vous mélanger, aussi brièvement que ce soit, au monde extérieur, et à en revenir en un seul morceau. Vous pensez pouvoir faire ça ?»
2.
Le massacre de Bloomberry Mine
Six mois auparavant…Les doigts remuèrent dans le bol, craquèrent les fines rondelles légèrement salées, s’imbibèrent de traces de poussières, avant que la main ne remonte, piochant l’heureux élu. Le morceau de chips finit sa course dans la bouche de Brittany, tandis qu’elle glissait machinalement ses doigts sur le rebord de la table en bois, comme pour se les essuyer.
«
Tu as trouvé les vieux journaux de mon père, alors ? »
Torse nu, Steve venait de poser une question purement rhétorique, mais Jessica, haussant les épaules, dans un maillot de bain rose deux pièces, les cheveux encore trempés des suites de sa baignade dans le lac.
«
Je suis intriguée, voilà tout… -
Oh, ça, tu peux l’être, ouais, c’est une sacrée histoire… Tous les habitants du coin la connaissent, mais… J’sais pas, vous êtes un peu jeunes, sans vouloir vous vexer… -
’Te fous pas de nous, Steve, on est des Gothamites, je te rappelle ! Tu crois vraiment que ton conte peut être plus effrayant que les massacres du Joker ? »
Brittany marquait un point. L’histoire locale de Bloomberry, elle s’en fichait, mais, et pour être honnête, des trois, elle était clairement celle qui prenait le moins son pied. Elle, elle aurait voulu aller à Miami Beach, se coucher sur les serviettes, et se faire draguer par des surfeurs endimanchés, et tirer un coup le soir. Avoir du fun, au lieu de s’ennuyer dans un trou paumé du Maine, un endroit impossible à situer sur une carte tant il était éloigné du monde civilisé. Steve avait beau être fier de la borne WiFi installée dans la maison, le réseau restait pour autant assez chaotique
Jessica, quant à elle, se devait bien d’admettre que l’histoire de Bloomberry Mine l’intriguait Peut-être était-ce une conséquence de tous ces thrillers et de tous ces polars qu’elle lisait ? Elle avait découvert que le père de Steve avait réuni plusieurs articles supplémentaires sur cette histoire, et qu’elle avait tellement ébranlé la petite ville de Bloomberry qu’on lui avait consacré un hors-série spécial, que le père de Steve, hélas, n’avait pas en stock. Fort heureusement, Steve connaissait cette histoire, et, tout en buvant un peu de sa bière, commença à en parler :
«
Cette région est une région très isolée, et pas très riche, économiquement parlant. Les quelques villages qui se trouvent ici ont beau mettre en avant leurs vallées et leurs lacs, les touristes n’affluent pas des masses, et l’époque où les trappeurs vivaient ici en traquant des castors pour en vendre les peaux est révolue depuis longtemps. Alors, les ancêtres ont fait des trous dans les montagnes, et ont trouvé des ressources exploitables. C’est comme ça que Bloomberry Mine a été fondée. -
Palpitant, nota une sarcastique Brittany.
-
On a jamais compris ce qui s’était passé ce soir-là, poursuivit Steve, décidant de ne pas tenir compte de la Remarque acerbe et critique de Brittany.
Tu as dû le lire dans les journaux de mon père, c’est arrivé un Vendredi, en fin de journée. Le temps n’était pas particulièrement mauvais, même s’il y avait pas mal de vent. Papa était concerné par cette histoire, car deux des mineurs travaillaient souvent avec lui, ou faisaient de la chasse ensemble. »
Jessica savait que le père de Steve était originaire de la région, ce qui expliquait aussi pourquoi sa famille avait décidé de bâtir ce chalet dans les montagnes. C’était comme un moyen de retourner aux sources, loin des agitations de la ville. Il fallait bien admettre que la région était magnifique. Steve, pour convaincre les filles, leur avait parlé de ce vaste lac à proximité, Cauldron Lake, et de cette clinique privée pour les artistes en voie de perdition, Cauldron Lake Lodge. Le fondateur de cette clinique affirmait que le paysage magnifique relançait l’inspiration de n’importe quel artiste. La jeune étudiante pouvait confirmer cette analyse, elle qui avait vu un coucher de soleil dans le coin. On avait l’impression que les montagnes flamboyaient, et, en cette occasion, on avait vraiment l’impression de voir un paysage de carte postal se dessiner sous vos yeux. Mais, et même malgré ça, Jessica n’était pas encore prête à s’enterrer dans un tel coin paumé, et ce même si elle savait que Gotham City était une ville très dangereuse.
Steve reprit donc, en se concentrant désormais sur l’accident en question :
«
Pour commencer, on a jamais su si c’était un accident ou… Ou autre chose. Je veux dire, y a eu une expertise, une enquête, mais personne a su dire comment l’une des poutres de soutènement a pu finir par lâcher, alors qu’il y avait aucun rapport de mineurs signalant une faiblesse au niveau de cette poutre. Les familles des victimes avaient assigné la compagnie pour négligence, et le juge a condamné l’assurance à les indemniser, mais le dossier des demandeurs ne tenait pas debout. Le juge n’avait pas d’autres choix que de condamner l’employeur. La mine était devenue inutilisable, et toutes ses familles se retrouvaient sans le sou. Imaginez un peu le scandale si on avait refusé de les indemniser… On aurait accusé la justice de collusion, même si la négligence n’a jamais pu être prouvée. -
Alors quoi ? Quelqu’un aurait délibérément scié ce poteau ? »
Le conteur se tut pendant quelques secondes, pinçant légèrement ses lèvres.
«
En examinant la poutre, on aurait pu en être sûr, mais elle était brisée en mille morceaux… Mais c’est pas ça le plus important. Le plus important, c’est ce qu’ils ont trouvé derrière… -
Quoi, le mineur qui a survécu ? Il avait des informations là-dessus ? »
Bien malgré elle, Brittany souriait légèrement, reconnaissant bien là sa petite Jess’, les yeux légèrement agrandis, alors qu’on lui racontait une histoire. Oui, indéniablement, la jeune Jessica avait toujours aimé les histoires, et son imagination s’emballait déjà, imaginant un sinistre complot mené par la compagnie pour faire fermer une mine qui n’était plus assez rentable.
«
Floyd Thompkins était le seul survivant… Un mineur assez discret, le fils de Monsieur Thompkins, le gros propriétaire terrien de la région. Tout le monde dit que les autres sont morts de faim, mais… -
Mais quoi ? »
Steve soupira encore, et ferma les yeux.
«
Comme je vous l’ai dit, Floyd a un père influent, qui a embauché toute une batterie d’avocats pour protéger son fils. Les détails de l’enquête n’ont jamais été révélés, mais il était impossible que Floyd survive tout ce temps dans les mines sans manger… Il pouvait s’hydrater un peu avec les gourdes des mineurs, mais, pour ce qui est de la nourriture… -
Pas de rats ? proposa Jessica, arrachant une grimace à Brit’.
-
Pas dans ce coin de la mine. -
Alors, comment est-ce qu’il a fait pour… ? »
Brittany ne termina pas sa question, car la réponse lui vint en la posant, ce qu’on put voir pendant que ses yeux s’écarquillaient. Steve en resta silencieux en retour, laissant aux jeunes femmes le temps de prendre la mesure de ce qui avait bien pu se passer. Jessica, elle, ne le concevait que trop bien. Elle avait entendu parler de ces histoires d’avions s’écrasant dans les montagnes de l’Himalaya, de ces rescapés qui étaient obligés de s’entretuer pour survivre, et elle se rappelait aussi cette nouvelle de Stephen King, sur un individu échoué sur une île, qui, à cause de la faim, perdait petit à petit la raison. Il commençait par attaquer une mouette dont le ventre contenait tout un tas de saloperies, mais, avec le temps, et sous l’appel de la faim, voyait peu à peu la raison céder, jusqu’à envisager de se manger lui-même, de se couper une main pour la manger. Sous les besoins les plus élémentaires, que sont la soif et le besoin de manger, des millénaires de civilisation et d’éducation vacillent sur place. Il n’était pas bien difficile d’imaginer ce que quelques mineurs isolés, coupés du monde, et plongés dans le noir, avaient fini par ressentir au fil des jours.
En fait, Jessica se surprenait à en frissonner sur place, mais Steve, en tant que brave homme, n’allait pas passer sur l’occasion de donner quelques sensations à ses amies, surtout maintenant qu’il voyait que son histoire avait attiré l’attention de Brittany.
«
Ils se sont massacrés entre eux. Tu n’imagines pas ce que les avocats de Thompkins ont fait pour que personne n’en sache rien. Floyd était le seul survivant de ce massacre, et était poursuivi pour homicide volontaire… Du moins, au début. Mais les avocats de son père ont insisté sur le fait que sa situation était sans réelle précédent, et qu’il n’était pas responsable de ses actes, plusieurs expertises psychiatriques allant en ce sens. »
Vu le ton de Steve, on pouvait se douter que ces expertises n’avaient pas forcément été les plus objectives possibles. Leslie Thompkins, son père, avait dû se démener pour sauver son fils. Les médias l’avaient interviewé, lui qui décrivait son fils comme «
psychologiquement très fragile », mais, très curieusement, l’attention des médias ne s’était pas tant portée sur Floyd que sur la compagnie. De même, les familles des victimes avaient davantage chargé la compagnie que Floyd Thompkins.
«
Et qu’est-ce que Floyd a dit ? -
Pas grand-chose… Quand les pompiers sont venus, il était immobile, figé, près des cadavres de ses amis. Un état qu’il n’a jamais quitté depuis. Il est catatonique, expliqua-t-il.
Son père a assuré sa défense, et personne, à Bloomberry, n’aurait été se battre contre Leslie Thompkins. Et puis, la compagnie était plus solvable, et, aux yeux des médias, faisait un coupable bien plus efficace pour leurs gros titres qu’un mineur catatonique. »
Floyd Thompkins avait été mis hors de cause par les avocats de son père, qui avaient évité un procès devant les assises en obtenant la requalification de l’infraction en homicide involontaire, et avait bénéficié, suite à cela, d’une exonération pour démence. Depuis lors, il était toujours hospitalisé à l’hôpital psychiatrique de Castle Rock.
Jessica comprenait surtout que cette histoire n’avait jamais été vraiment résolue. Que s’était-il passé dans la mine ? Les enquêtes de police avaient révélé de multiples lacérations, des griffures, des coups de hache sur les mineurs, mais aussi sur Floyd, signe qu’ils s’étaient tous entretués. Cependant, ils n’étaient restés dans la mine que quelques jours, à peine. Était-ce suffisant pour que tous ces hommes, des habitués de la mine, des vétérans, des pères de famille même, perdent à ce point la raison ?
«
Pour répondre à une question que tu dois te poser, Jess’, non, la mine n’a pas été construite sur un ancien cimetière indien. »
Un léger sourire amusé traversa les lèvres de Jess’. La passion de la jeune femme pour les mystères n’échappait à personne, et sûrement pas à Brittany ou à Steve. Quand elle était encore une collégienne, et même plus tard, au lycée, elle adorait regarder toutes les émissions de télévision sur les grands mystères jamais résolus. Elle s’était passionnée pour l’histoire de Jack l’Éventreur, l’insaisissable tueur de prostituées londonien, ainsi que sur les autres grands mystères de l’Histoire, consultant de multiples livres. Le monstre du Loch Ness, les statues de l’Île de Pâques, les menhirs de Carnac… Son rêve d’enfant avait toujours été d’être une exploratrice, et de résoudre de grands mystères. Difficile de trouver un terme pour désigner cette profession, mais elle se voyait bien en tant que détective privé et archéologue, spécialisée dans la résolution de ces mystères, financée par de riches clients privés. Elle s’était d’ailleurs dit que sa première cible serait la mystérieuse colonie perdue de Roanoke, où une colonie entière avait disparu, sans qu’on ne retrouve jamais leurs traces, avec, pour seule indice, un mot gravé sur un poteau : «
Croatoan ». De fait, c’était en écoutant un reportage à la télévision sur les recherches archéologiques en cours à Roanoke, alors qu’elle était petite, qu’était née en Jessica l’envie d’explorer, de résoudre les mystères.
Le massacre de Bloomberry Mine n’était pas un mystère aussi retentissant que la deuxième colonie de Roanoke, mais, pour un début, ce n’était pas si mal.
«
On devrait s’y rendre, décréta-t-elle alors.
-
Hein ? Où ça ? -
Ben, dans la mine… -
Dans un endroit aussi glauque ? T’es pas bien, c’est sûrement dangereux ! »
Jessica haussa les épaules.
«
Je suis sûre que tous les jeunes du coin s’y rendent… Pas vrai, Steve ? » lui demanda-t-elle, avec un petit sourire sur le coin des lèvres.
Gêné, l’homme se massa l’arrière du crâne.
«
Hmmm… C’est possible… Et je dis bien possible… Que certains garnements du coin fassent ça pour impressionner les filles… »
Comprenant ce qui se passait, Brittany secoua alors catégoriquement la tête :
«
Non, non, impossible ! Vous, allez vous perdre dans cet endroit crasseux si ça vous chante, mais jamais vous ne me forcerez à y aller ! »
Et, dès le lendemain, les trois partirent naturellement vers Bloomberry Mine…
B.
Sortir les poubelles
*
Allez, Jess’, tu peux le faire !*
C’était un exercice facile. Tellement facile que, chaque jour, des centaines de milliers de gens le faisaient instinctivement, en rentrant chez eux du boulot, déposant un bref baiser à leur femme, avant d’emporter les sacs noirs, puis de ressortir, et de les jeter dans la grande poubelle. Et Jessica l’avait, elle aussi, déjà fait, depuis qu’elle avait quitté la maison de sa mère pour venir dans cet appartement. Elle connaissait le chemin par cœur. Ouvrir la porte, filer sur la gauche, descendre les marches de l’escalier, de trois étages, pour rejoindre le rez-de-chaussée. Là, il suffisait ensuite d’éviter les boîtes aux lettres en allant sur la droite, où il y avait une porte avec un petit couloir menant à l’arrière-cour, remplie de poubelles, que les éboueurs venaient chercher deux fois par semaine.
Rien de bien compliqué, donc, un trajet qui ne risquait sûrement pas de tomber sur un braquage mené par Double-Face, ou de se faire capturée par Le Joker pour servir d’appât dans l’un de ces jeux sinistres contre Batman. Vivre à Gotham vous habituait à vivre au quotidien avec la peur, à faire d’elle un élément naturel de votre existence. C’est ce que Jessica se disait à tous ceux lui demandant pourquoi elle avait choisi de rester à Gotham, plutôt que d’aller dans des villes plus sûres. Derrière les arguments de façade (tout était moins cher à Gotham qu’ailleurs, afin d’attirer les Gothamites), il y avait surtout le fait que, quand on vivait à Gotham, on pouvait, potentiellement, vivre dans n’importe quelle autre ville des États-Unis. Jessica s’était ainsi toujours crue au-dessus de tout, au-dessus de la peur, jusqu’à ce qu’elle
Le rencontre.
*
Arrête de te dégonfler, merde ! Tu comptes rester cloîtrée chez toi tout le restant de sa vie ? Volthoom ne t’a pas retrouvé !*
Une voix la sermonnait dans sa tête, une voix qui ressemblait à celle de sa mère. Elle avait passé toute sa vie à Gotham City, et en connaissait donc un rayon sur la peur, et sur la manière qu’il y avait de réussir à la gérer. Soupirant à nouveau, Jessica finit par abaisser la poignée de la porte, et entendit cette dernière coulisser lentement, avec un léger grincement. Le passage se dévoila peu à peu, et, automatiquement, une lumière s’alluma, éclairant un mur blafard et gris, avec quelques lézardes ici et là. Elle savait que les propriétaires voulaient amener le syndic à réparer les parties communes, mais le syndic, comme tant d’autres structures de Gotham, était suffisamment corrompu pour refuser de dépenser ses deniers.
Fermant les yeux, Jessica tenait dans sa main une poubelle, et parvint à faire un pas devant elle, atteignant le tapis à l’entrée, bradé du mot «
WELCOME ». Elle soupira encore, regarda à droite, à gauche, puis à droite, et encore à gauche de nouveau, pour finir encore sur la droite, son regard se figeant sur la porte 312. Celle de son voisin... Ce type qui la regardait bizarrement. Est-ce qu’il était là ? Derrière sa porte ? Elle l’imaginait, là, à attendre le moment où Jessica sortirait, pour se figer derrière l’œillère, et la regarder... Car
Il avait toujours pris son temps, pour autant qu’on daigne s’en rappeler.
Il fonctionnait ainsi. Avant toute autre chose,
Il était un pervers, un sadique, et tout son être ordonnait à Jessica de retourner s’emmurer à l’intérieur, d’abandonner cette folie.
*
Tu n’en reviendras pas, Jessica, tu n’en reviendras pas !!*
Combien de temps se figea-t-elle sur place, un pied posé sur son tapis, l’autre dans son appartement ? Le temps semblait lui donner l’impression de défiler au ralenti, et, toujours, l’infâme porte 312 se refusait à s’ouvrir. Elle restait obstinément fermée, et personne ne passait. La lumière s’éteignit alors, plongeant le couloir dans l’obscurité. Sa main tâtonna sur la gauche, trouva un interrupteur, appuya dessus...
*
DRRIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIINNNGGGG !!!*
Le son de sa propre sonnette manqua la faire défaillir, et elle tomba à genoux, puis sa porte se referma alors, dans un claquement sévère.
*
VLAAAM !!*
Jessica tenta alors de se relever, sa main tâtonna contre le mur, mais le sol sembla se mettre à glisser, ses jambes se dérobèrent sous son poids, et elle rampa vers la porte, prenant vaguement conscience qu’elle était en train de pleurer. Elle atteignit son tapis, et le balança de l’autre côté, cherchant frénétiquement le talisman qui se trouvait dessous.
«
Jessica, Jessica... -
Non, non, non, non, non... -
Jessica, Jeeeeeessicaaaaaaa... »
Où était-il ? Mais où était-il donc, ce putain de talisman ?! Elle tapait sur le sol, en vain, tout en voyant des flammes vertes remonter le long des murs. Inutile de tourner la tête pour savoir d’où venait les bruits, ni les flammes et les lignes qui filaient le long du couloir. La porte 312, évidemment. Des flammes brûlaient tout autour de la porte, et cette dernière s’ouvrit en grand, comme une bouche menant en Enfer. Jessica pleurait à chaudes larmes, en entendant le monstre approcher.
«
Tu croyais pouvoir t’enfuir, Jessica ? Mais j’ai posé mon empreinte sur toi, ma chérie, et il est temps de consommer notre union. Jessica... »
Les flammes, encore et encore, dansaient devant ses yeux, et elle entendit, le long du sol, le raclement de la hache, qui filait le long du sol, se rapprochant, tandis que ses narines percevaient l’odeur des cendres, de la chair calcinée, et que le sang ruisselait sur son corps, formant des croûtes séchées. La créature s’approchait, souriant dans son dos, comme le Chat du Cheshire, sourire hideux et difforme, comme une manière de symboliser la folie dans un monde fou. La hache filait sur le sol, décrivit un mouvement dans l’air, se relevant près d’elle...
...Et sa main saisit alors le bout du talisman, et elle se retourna, le brandissant en hurlant :
«
VA-T-EN !! »
Tout autour d’elle, les flammes hurlaient furieusement.
3.
Bloomberry Mine
Six mois auparavant…Il régnait à
Bloomberry Mine une atmosphère d’abandon, sinistre et silencieuse, comme si on rentrait dans un mausolée. La mine ne s’était jamais remise de l’incident. Sur ce point, Steve était incollable, et, pendant le trajet, il leur avait longuement expliqué ce qui s’était passé. Brittany avait écouté d’une oreille très distraite, tandis que Jessica, elle, oscillait entre le paysage spectaculaire et les explications de Steve. On avait tenté de réhabiliter Bloomberry mais, après le procès, la compagnie avait tout simplement abandonné la mine.
«
Ils l’ont revendu à Leslie Thompkins. Au début, on pensait qu’il voulait en faire un musée à la gloire des mineurs... »
C’est ce qui avait été fait avec la plus proche mine,
Cole Mine, qui se trouvait du côté de Bright Falls, de l’autre côté du lac.
Bloomberry Mine avait été la dernière mine en activité du secteur. En chemin, Jessica observait le Maine. C’était vraiment un endroit particulier, qui devait probablement rappeler, dans l’imaginaire collectif, les régions de la Frontière, en ces temps immémoriaux où les premiers colons avaient exploré toute cette immense région.
Forêts d’arbres et montagnes se découpaient le long de chemins en sentier, de routes qui serpentaient le long du paysage. Un changement notable par rapport à toutes ces villes où les colons avaient fait des routes droites, creusant le long des monts, formant, comme à San Fransisco, des routes particulièrement longues, des pentes redoutables à grimper. Ici, l’Homme n’avait pas pu imposer sa vision sur le terrain, et avait dû suivre les boursouflures et les disparités de la région. Un paysage sinistre, digne d’un film d’horreur, avec ces forêts millénaires et profondes.
Quand le SUV s’arrêta à l’entrée de la mine, Steve leur avait expliqué que Leslie avait laissé la mine telle quelle, car il n’avait jamais trouvé d’investisseur pour en faire autre chose. Qui irait investir dans ce trou paumé ?
«
Et voilà... Bloomberry Mine ! »
Les trois comparses délaissèrent la voiture. Il y avait, à l’entrée, une carte sur un panneau, et Jessica s’en approcha, pour voir rapidement un signe tracé à la main sur cette dernière. Une croix rouge avait été tracée dans une zone, avec un texte tracé au feutre, très évocateur : «
LIEU DU CARNAGE ».
«
Hmmm... Charmant. -
Oui, euh... Les garçons du coin sont souvent très imaginatifs, alors, ne vous en faites pas si vous voyez des tags, ici et là. C’est une histoire qui a fait grand bruit ici... Enfin, j’ai pris des lampe-torches. Une pour toi, Brit’, et une pour toi, Jess’. Maintenant... Suivez le guide ! »
Le groupe se rapprocha du bâtiment central, tandis que Steve leur expliquait que
Bloomberry Mine avait été fondé sur le même modèle que
Bright Falls Coal Mine. De fait, la mine de Bright Falls se trouvait de l’autre côté de la montagne, et, jadis, les deux mines avaient envisagé de creuser dans la mine pour faire des galeries qui permettraient de rejoindre les deux mines. En voyant plusieurs lignes de chemin de fer, Jessica comprit que, derrière tout ça, il y avait l’idée de créer un tunnel permettant de rejoindre Bright Falls et Bloomberry sans avoir à contourner la montagne.
Steve avançait d’un pas certain, suivant la ligne de chemin de fer, rejoignant ainsi plusieurs entrepôts abandonnés, qu’il contourna pour rejoindre un escalier en bois qui craquait sous ses pas. Jessica, elle, s’immergeait de l’atmosphère sinistre et désolée de la mine. C’était vraiment un endroit de film d’horreur, coupé et isolé du monde, et, en tant que pure Gothamite, elle imaginait déjà un
serial killer s’y abriter, s’y réfugier, afin de découper en rondelle les touristes en bikini qu’il capturait au volant de sa camionnette.
«
T’es sûre qu’il y a pas un psychopathe là-dedans ? »
Jessica sourit silencieusement. C’était l’une des raisons qui faisaient qu’elle adorait Brittany, car cette femme lui donnait souvent l’impression de lire dans ses pensées. Comme si elles étaient interconnectées ensemble. C’est à ça qu’on reconnaissait de grandes amies, après tout. Jessica la connaissait depuis des années, et Brittany avait toujours eu ce don inné de comprendre ce que Jessica pensait, à tel point qu’on pouvait se demander si elle n’était pas une télépathe.
«
Oh, bien sûr... On l’appelle ‘‘Le Tueur des Mines’’. Je ne voulais pas vous en parler pour ne pas vous effrayer, mais... C’est un type qui sévit dans toute la région... -
...Un VRP qui profite de son boulot pour capturer des adolescentes dans les petits villages près des mines... -
...Au volant d’une camionnette abritant officiellement ses produits de vente, genre des télévisions emballées dans des cartons, avec tout un matériel vidéo, comme des caméras haute définition, des trépieds, et qui capture les filles pour les enfermer dans les mines... -
...Et les torture toute la nuit... »
Steve s’était arrêté de marcher, les regardant silencieusement.
«
Euh... Vous êtes un peu flippantes, là, les filles, vous savez ? »
Elles sourirent entre elles, avant de glousser. Steve savait que c’était une spécialité des filles, comme un effet secondaire du fait de vivre continuellement à Gotham City. C’était un truc qu’elles adoraient faire, se raconter des histoires d’horreur, en les complétant au fur et à mesure. Elles racontaient souvent des histoires de psychopathes, ou de tueurs en série, ce qui, dans une ville aussi dangereuse que Gotham, n’était pas forcément très compliquée. Steve finit par hausser les épaules, tandis que Jess’ et Brit’ restaient ensemble, côte à côte, visiblement très amusées et très fières de leur «
Tueur des Mines », presque aussi crédibles que «
Woopie-Woopie le Clown ».
Bloomberry Mine ressemblait à un vrai tombeau, avec une longue galerie. Ils avançaient le long d’un rail, voyant, ici et là, des trous, des artères secondaires. Il ne restait plus que les ampoules. Tout le reste avait disparu avec les années, ou récupéré par la compagnie. Steve aurait pu leur en parler pendant longtemps. Le grisou avait été redoutable ici, et la théorie officielle, pour expliquer l’effondrement de la mine à un endroit, était d’ailleurs lié à ce gaz, le mélange air/grisou étant connu pour être très explosif. Un coup de grisou meurtrier, mais, sans trop pouvoir se l’expliquer, Jessica avait cru remarquer que, quand Steve parlait de la version officielle, il était plus que mitigé.
Le trio finit par rejoindre une partie de la mine où le rail s’arrêtait.
«
C’est ici... »
Leur guide arborait tout naturellement un ton de circonstance, désignant, avec sa lampe, plusieurs poutres qui avaient l’air plus récentes, et plus solides, que les autres.
«
C’est là que la mine s’est effondrée... -
On approche, donc ? -
C’est pas trop tôt, je commence à suer... Je pensais pas qu’il ferait aussi chaud. -
L’air commence à manquer, et nous sommes sous la montagne. Et encore, nous ne sommes que trois. Imaginez l’enfer que ça devait être, quand ils étaient une trentaine à bosser là-dedans. -
Ouais, ben, je préfère pas imaginer... Dire que j’aurais pu être à la plage, et, au lieu de ça, je me retrouve à crapahuter dans une putain de mine glauque... -
Ouais... C’est génial, non ?! »
Pour seule réponse, Brittany fit une grimace, et Steve s’éclaircit la gorge.
«
Allez, les filles ! Terminons la visite... La scène de crime est au fond de la galerie ! »
Il s’aventura alors, dépassant le site de l’accident, tandis que Jessica continuait à observer la poutre et le plafond. Un coup de grisou ? C’était possible... Steve avait de larges doutes, car
Bloomberry Mine était doté de détecteurs, des télégrisoumètres enregistreurs qui permettaient, depuis la surface, par le biais de divers indices, de mesurer la hausse de grisou, et ainsi d’évacuer la mine en cas de problème, par un système d’alarme automatique. Or, le jour de l’incident, l’alarme n’avait pas retenti. C’était un élément que la compagnie avait largement utilisé pour contrer cette thèse, comme celle de l’effritement progressif des poutres par des termites. Les expertises réalisées sur les autres poutres et sur les quelques débris retrouvés n’avaient pas permis de noter une érosion progressive du fait des insectes.
La réalité était que l’enquête avait été bâclée, car il fallait un coupable, et il fallait que ce soit la compagnie minière. Jessica doutait d’avoir des réponses dans la mine, mais, en s’en approchant, elle ressentait un intense frisson d’excitation, qui remontait le long de son échine.
Chroniques de la Lanterne Suk’Krar
La lampe de sa lanterne éclairait les ruines de la vaste citadelle religieuse. Il n’y avait plus âme qui vive depuis longtemps, et le bouclier entourait le corps de la créature, empêchant cette dernière de succomber à l’absence d’oxygène. Le biodôme permettant de maintenir la vie dans cette partie de la cité spatiale avait été crevé, et il s’avançait lentement, la lanterne illuminant les murs des temples et des statues, cherchant à comprendre ce qui s’était passé. Ce dont Suk’Krar était sûr, c’est qu’il n’y avait pas un seul survivant.
Quelque chose avait crevé le plafond de cette station spatiale qui, comme d’autres biodômes, flottait en orbite autour de cette planète. Une planète dont l’atmosphère avait été ravagée par une industrialisation massive, extrêmement polluante, contraignant les habitants à se réfugier dans les hauteurs, dans des biodômes alimentées par des usines entièrement automatisées. Ils avaient vécu ici, jusqu’à ce qu’un trou absorbe tout l’oxygène présent.
Utilisant son anneau pour se générer une bulle d’oxygène, la Lanterne avançait, volant vers la plus grande structure du dôme, une sorte d’immense temple, entourée de statues, dont certaines avaient été dynamitées. Des tags ornaient encore certaines de ces gigantesques statues, faisant plus de trente mètres de haut. « IMPOSTEUR ! » y lisait-on. « L’ANNEAU EST UN MENSONGE ! », voyait-il sur un autre tag.
*Une révolte... Ou une guerre civile, peut-être ? Rien d’étonnant, après tout...*
De la part d’individus ayant choisi de conserver l’Anneau de Volthoom, il fallait s’y attendre. Suk’Krar était bien placé pour savoir que cet anneau ne faisait que semer la discorde, le chaos, la confusion, et, en fin de compte, la division, la folie, la mort. Des civilisations entières s’étaient mises à le vénérer, allant des simples êtres sauvages vivant dans leurs cavernes à des individus vivant dans des stations spatiales sur orbite. À chaque fois, il avait vu la même chose, les mêmes morts, les mêmes scènes de massacre, les individus se divisant pour récupérer l’Anneau.
Suk’Krar savait qu’il se rapprochait. Le Green Lantern n’était pas un débutant. Il fallait un Lantern aguerri pour pister l’essence de Volthoom, et se battre contre les fanatiques et les zélotes dont l’âme avait été corrompue par lui… Mais aussi pour se protéger soi-même de l’influence de l’Anneau. C’était pour cette raison, en définitive, que les Gardiens avaient confié à l’Omushuun la responsabilité de cette opération. Suk’Krar descendait d’un peuple qui bénéficiait de résistances naturelles et fortes aux perturbations mentales. Les Omushuun, sous leur peau beige claire et leurs yeux noirs globuleux, disposaient d’antennes cérébrales, qui leur permettaient de communiquer entre eux, mais qui permettaient aussi de calmer et de tempérer leurs émotions. Sur Omusha, leur planète natale, il existait en effet des monstres qui les traquaient à travers leurs émotions, et c’était pour se prémunir de ça que, avec les éons, les Omushuun s’étaient dotés de ces antennes inhibitrices et protectrices. Elles étaient ainsi très efficaces, et, d’après les Gardiens, à même de le protéger contre Volthoom et son influence malsaine.
Les Green Lanterns étaient choisis en raison de leur volonté inébranlable. Ils étaient des parangons de vertu, et, pendant longtemps, on les avait crus incorruptibles. La trahison de Sinestro, l’un des meilleurs Lanterns, avait permis de réaliser que même un Green Lantern n’était pas à l’abri de lutter contre ses influences malsaines, et que nul n’était parfait. En conséquence, Suk’Krar se devait d’être vigilant, et, surtout, de retrouver l’Anneau le plus rapidement possible.
Suk’Krar s’envola le long de ce temple pyramidal, jusqu’à trouver une entrée, par une ancienne voie de tramway. Il s’y faufila, remontant jusqu’à la station, où il vit, encore et encore, d’autres inscriptions, ainsi que des barbelés, des objets renversés, des carcasses métalliques, des corps de miliciens flottant dans les airs… La guerre s’était concentrée ici, et Suk’Krar continua à s’envoler, remontant le long d’énormes couloirs jusqu’à rejoindre le cœur de la pyramide, un immense hall, gargantuesque, avec des statues colossales, et un trône au fond du hall, derrière une succession de plusieurs perrons.
*Il était là…*
Suk’Krar tendit son propre anneau, et se concentra. Un faisceau lumineux verdâtre en jaillit, éclairant le trône, et vit que ce dernier était trop petit pour abriter un souverain quelconque, mais plutôt une sorte d’écrin, avec, en son centre, une fine crevasse, une courbure cylindrique. Ses doigts vinrent caresser cet endroit, glissant délicatement dessus, et il serra le poing.
*L’Anneau était là… Il est tout proche…*
Suk’Krar se retourna, regardant autour de lui, et serra le poing, puis fit apparaître une fine traînée verte. Il s’envola, apercevant un trou dans le toit, depuis lequel l’Anneau s’était enfui, et comprit que c’était lui qui avait crevé le plafond de cette station orbitale. Quand il s’était assez nourri d’eux, il les avait tués. Ces pauvres âmes avaient dû se déchirer pour récupérer l’Anneau, source de tous les pouvoirs… Et de toutes les folies. Une nouvelle fois, des gens avaient succombé. Une nouvelle foi, les Green Lanterns n’avaient pas été à la hauteur. Le Lantern considérait en effet toute mort civile comme un échec, car il incombait aux Green Lanterns de protéger l’existence de ce genre de menaces.
Il partit donc, suivant à travers le Cosmos la signature de Volthoom, afin d’en venir à bout…
4.
Cette chose enterrée
Six mois auparavant…Le fond de Bloomberry Mine était un endroit sinistre, comme si le drame qui s’était passé là en avait imprégné les murs et l’obscurité. La lampe-torche de Jessica éclairait la zone, et, mis à part l’imagination fertile des individus passés ici, il n’y avait rien qui signalât la présence de mineurs s’étant massacrés entre eux. Des capotes usagées traînaient partout, et, pour être totalement honnête, en réalité…
«
Merde, ça pue ! »
Brittany la devança, faisant à nouveau sourire Jessica. Oui, effectivement, ça puait, et c’était peu dire… Une odeur rance, sauvage, agressait les narines de Jessica, un mélange de sueur, de renfermé, et de sexe. Il y avait des cannettes de soda abandonnées sur le sol, des bouteilles, et même plusieurs culottes usagées. Les habitants du coin avaient peuplé les lieux à leur manière, et Jess’ vit également, dans les coins, des braises, des bouts de bois calcinés, signes de soirées romantiques dans la mine autour d’un feu de camp, probablement à la recherche de sensations fortes pour la nuit, ou de filles suffisamment éméchées pour qu’elles puissent filer dans leurs bras.
«
Ouais… Tu sais, Steve, si tu voulais qu’on s’envoie en l’air, Miami Beach aurait quand même été nettement mieux… -
On fait avec les moyens du bord. C’est presque comme un rituel, de venir ici, tu sais… Genre, pour exorciser de vieux démons, tu vois le genre ? -
‘‘Exorciser de vieux démons’’… C’est ta manière poétique de présenter un baisodrôme ? -
Vous venez de Gotham… Vous, votre truc, c’est plutôt les vieux orphelinats abandonnés, les manoirs hantés, et les entrepôts lugubres… -
Tu oublies les usines condamnées avec les cuves de produits chimiques… »
Jessica souriait, et sa lampe-torche fila le long du mur, voyant divers tags et inscriptions, relativement évocatrices : «
FLOYD EST UN MEURTRIER ! » ; «
J’AI BAISÉ CYNTHIA ! » ; «
LE NUM’ DE MAGALY, ELLE AIME QU’ON LES LUI FOURRE DANS LE CUL… » ; «
PRIÈRE DE NE PAS JOUIR TROP FORT, LES FANTÔMES DORMENT ! »…
Elle secoua lentement la tête, retenant un faux sourire, puis marcha encore. Steve et Brittany continuaient à débattre, mais elle ne les écoutait pas. Jessica l’investigatrice était déjà revenue à la charge. Elle avait toujours été comme ça. Quand son instinct lui soufflait quelque chose, elle le suivait. Petite, quand elle était encore à l’école élémentaire, c’était sa grande spécialité : découvrir pourquoi Benny, le gros dur de la classe, s’absentait toujours avant le début du cours de 15 heures, ou résoudre enfin le grand mystère de l’amant de Mrs. Stuart, afin de savoir si l’amant en question était le cuisinier de la cantine, ou l’assistant scolaire. En bref, Jessica avait toujours aimé farfouiller. Elle n’était pas qu’une jeune fille aimant lire les grands mystères, elle voulait aussi les résoudre, et, après tout, tout grand détective partait toujours de petits mystères. Il fallait bien commencer un jour, et apprendre que Benny lisait en secret les courriers de sa copine, ou que Mrs. Stuart sortait en réalité avec Mr. Robert, le professeur d’Histoire, avait fait partie de ces premières énigmes brillamment résolues.
Se déplaçant donc, elle rejoignit le fond de la grotte, où elle vit plusieurs éboulements, avec des morceaux de poutres. La jeune femme se mit à fléchir les genoux, écartant quelques blocs de pierre.
*
La mine continue par là…*
Est-ce que les enquêteurs s’étaient rendus au-delà ? Ils avaient bien dû mener une enquête, aussi bâclée soit-elle… Il est vrai, cependant, que la zone avait l’air très instable. Jessica se releva donc, et fila sur la gauche, tournant une oreille distraite vers Brittany et Steve.
«
‘‘J’aime qu’on me la foute dans le cul’’… Il n’y a pas à dire, on sous-estime la poésie des pécores. »
Jessica retourna sa tête, et continua à éclairer le fond de la grotte. Ses mains se posèrent sur la paroi, glissant dessus, comme si elle pouvait imaginer les derniers instants des compagnons de Floyd Thompkins. Prisonnier dans cet espace clos… C’était particulièrement sinistre, en réalité. On ne voyait pas le soleil, personne ne vous entendait hurler. Comment ne pas perdre la raison dans de telles circonstances ? Emmuré vivant… Rien qu’à cette idée, Jessica sentit un frisson la parcourir, et releva sa lampe, éclairant l’entrée de la grotte, comme pour se convaincre que rien ne s’était effondré, et que tout était intact.
*
Tu deviens cinglée, ma pauvre…*
Elle sourit silencieusement, avant de sursauter en sentant quelque chose de froid et de poilu frotter sa cheville. Tournant brusquement la tête, elle vit un rongeur filer rapidement, après avoir creusé dans la paroi. Il décampa à toute allure, la cheville de Jessica lui ayant juste obstrué le passage.
*
Un rat…*
Jessica le vit remonter à toute allure, visiblement heureux de pouvoir fuir, et baissa à nouveau les yeux vers le trou que la bestiole avait creusé dans la paroi… Et fronça lentement les sourcils.[/i][/color]*
*
Qu’est-ce que… ?*
Elle avait cru apercevoir une lueur verte… La femme éclaira la zone avec sa lampe, aveuglant la lueur, et éteignit la lampe, permettant de voir, très clairement, un reflet vert.
*
Étonnant…Clignant des yeux, Jessica constata qu’elle n’avait pas la berlue, et se pencha donc davantage, fléchissant les genoux. Sa main s’aventura près du trou, mais elle préféra plutôt pencher sa tête, et ferma un œil. C’est ainsi qu’elle vit une curieuse lueur verte. Son œil unique se fronça, comme pour y voir davantage, et elle discerna une sorte de chaleur, qui alla caresser son visage, et aperçut…
*
Un anneau ?!*
Étonnée par la présence d’un tel objet, Jessica aventura sa main, et s’en empara, puis le releva, et le contempla dans sa paume.
Troublée, elle sentit alors une voix résonner dans le creux de son esprit.
*
Jessica Cruz de la Terre… Tu as été choisie pour annihiler l’espoir.*