La nuit était tombée lorsque, comme d’accoutumée, deux gardes musculeux virent chercher
Sayid dans la mansarde qu’il occupait, au-dessus des écuries. Et comme d’habitude, Sayid se débattit pendant deux bonnes minutes, enfonçant ses petites canines aiguisées dans le gras du bras de la brute qui s’efforçait de le ceinturer. Cette fois encore, ce fut parfaitement inutile. Si le corps gracile et agile du jeune homme lui permis d’échapper un court instant à ses ravisseurs, son mètre soixante et ses cinquante kilos ne lui permettait pas de résister bien longtemps à deux hommes robustes, bénéficiant d’un entraînement militaire quotidien. La main calleuse du second garde l’estourbit, et le jeune homme s’affaissa, la lèvre inférieure fendue. Comment diable le neveu du
Scorpion des sables en était-il arrivé à une telle déchéance ?
Deux ans plus tôt, Sayid n’était alors qu’un enfant, qui servait d’intendant au terrible seigneur nomade, Malik el Nashra, son oncle. Dernier né d’une fratrie de sept enfants, Sayid avait cinq frères, de puissants et musculeux guerriers couturés de cicatrices, et une sœur qu’on avait mariée à un riche seigneur de l’ouest pour consolider une alliance. S’il avait hérité du tempérament ombrageux et belliqueux des el Nashra, Sayid n’était pas un guerrier. Ses traits androgynes et ses manières parfois efféminées en faisaient la risée du clan. Enfant, Sayid aimait à se travestir avec les vêtements de sa sœur aînée laquelle, n’y voyant pas malice, le laissait même emprunter son khôl, ou son rouge à lèvres. Surpris en flagrant délit par son oncle, qui l’avait pris dans la pénombre, pour une courtisane, il fut roué de coups par ce dernier, et forcé dès le lendemain d’entrer à son service, pour en faire un homme. Cependant, les regards troublés que le vieux guerrier lui jetait, ou les caresses coupables qu’il lui prodiguait lorsqu’il était trop imbibé par l’alcool suggéraient d’autres motivations. Malik toutefois, sût modérer ses ardeurs et ne jamais dépasser les règles qu’imposait la pudeur. Si le Scorpion des sables ne put en faire un guerrier, il en fit un excellent intendant. C’est dans l’optique d’avoir un observateur aguerri qu’il l’envoya à la cour d’un noble des Plaines, comme otage. Cependant, Sayid n’arriva jamais à Rivebaie. Son escorte tomba dans une embuscade et il fut acheminé comme esclave de prix de l’autre côté de l’océan… Pour finalement tomber entre les mains de cette harpie de Hargeave et de son
dégénéré de fils.
Comme lui, Naomie ressemblait bien plus à une fille qu’à un garçon, avec son corps laiteux et gracile. Cependant, là où Sayid se considérait à part entière comme un homme
délicat, son propriétaire avait parfaitement intégré son genre d’adoption : il s’habillait et se comportait comme une jeune fille en fleur, des couettes jusqu’au bout de ses ongles vernis et manucurés. La seule chose qui le différenciait de ces petites
gourdes blondes qui venaient prendre le thé au manoir était cette grosse bosse qu’il dissimulait sous ses jupons, qui n’avait pas échappé au regard inquisiteur du jeune esclave. Oh, comme il pouvait haïr cette petite pédale ! Bien plus que son oncle qui l’avait battu, ou les esclavagistes qui l’avaient libidineusement tripoté, s’extasiant devant la longueur et l’épaisseur de sa belle queue brune, qui se dressait à la moindre sollicitation. Car s’il s’évertuait à feindre le désintérêt total pour la bagatelle, le jeune androgyne nourrissait des fantasmes des plus obscènes, qui l’entraînaient souvent dans des séances de masturbation honteuse et frénétiques. En effet, l’imagination de Sayid s’échauffait lorsque ses iris orangés se posaient sur une croupe rebondie… Mais aussi lorsqu’il devinait des sexes épais et vigoureux sous les culottes des hommes, ce qu’il assumait bien moins ! Et s’il haïssait autant Naomie, c’est parce que celle-ci disposait – comme lui – du charme des deux sexes…
« Fiche-moi la paix, créature infernale », cracha-il, avec un accent à couper au couteau.
« Je ne veux rien avoir affaire avec une abomination comme toi ! »Cela faisait plusieurs jours que Naomie l’asticotait gentiment, par des caresses discrètes et des allusions tendancieuses, lorsqu’il venait lui apporter ses repas, mais l’éphèbe s’était dérobé à chaque fois, fuyant le regard émeraude de son maître, et le contact de ses doigts fuselés. Mais cette fois-ci, un garde barrait l’entrée, et Naomie semblait avoir abandonné toute subtilité. Elle avait revêtu un
grotesque uniforme d’écolière et, affalée dans son lit à baldaquin, elle venait de soulever sa petite jupe en dentelle pour dévoiler une grosse queue veineuse et gonflée, qui semblait lui avoir été greffée, tant elle contrastait avec la délicatesse de ses traits androgynes.
« Un garçon ne doit pas faire l’amour avec un autre garçon, c’est un péché grave », grogna-il entre ses dents.
L’éphèbe était torse nu, sa longue chevelure de jais recouvrant la partie gauche de son beau visage. Si l’ample pagne qui lui ceignait les reins dissimulait habilement le trouble qui l’envahissait, la légère rougeur de ses joues et la rigidité de ses tétins étaient immanquable. Lorsque Naomi commença à faire glisser ses doigts sur sa verge, Sayid détourna les yeux, alors que son cœur s’emballait. Les lourds bijoux en or massif qu'il portaient tintèrent les uns contre les autres. Cependant, il ne pouvait aller bien loin ; Naomi le tenait littéralement en laisse ; un collier de cuir lui avait été enfilé autour du coup, puis relié à une chaine, que son hôte tenait entre ses doigts.