Les doigts gantés de Ciri’ caressèrent la tâche de sang qui ornait le sol, et elle se redressa lentement, le vent soufflant dans ses cheveux. Oui, c’était bien le sang du basilic... Celui qu’elle traquait depuis maintenant plusieurs centaines de lieues. Une bête féroce, qui avait tué plusieurs personnes dans un village, dont la fillette du seigneur local. Fou de rage, ce dernier avait mis une prime considérable sur sa tête, et Cirillia, toujours en quête d’argent, s’était rendue sur place. Un basilic était un monstre dangereux, une sorte de dragon sans ailes, dont on disait que le poison était l’un des plus efficaces au monde. Une seule morsure, et, faute d’avoir sous la main un antidote, extrêmement difficile à préparer au demeurant, vous mouriez en moins d’une heure.
Dans la forêt, le basilic s’était réfugié dans une grotte, et c'était là-bas que Ciri’ l’avait confronté. Elle avait soigneusement préparé son affrontement, à l’aide de multiples élixirs, mais le basilic avait réussi à s’enfuir, en manquant la tuer. Le combat avait dégénéré dans la forêt par la suite, et Ciri’, après avoir évité de finir ensevelie sous la grotte, l’avait poursuivi, et avait réussi à lui crever un œil avec son arbalète à répétition, ce qui l’avait plus ou moins sauvé des crocs du basilic, contraignant ce dernier à s’enfuir. Blessée, Cirillia n’avait pas pu le poursuivre de suite. Leur combat dans la forêt avait attiré des villageois, et c’était grâce à eux qu’elle avait réussi à survivre à ses blessures. Le basilic lui avait brisé plusieurs os avec un coup de queue, si fort qu’il avait envoyé Ciri’ rebondir contre un mur, dans une sorte de ravin où le duo avait fini par s’affronter. C’est dans cette position qu’elle avait réussi à décocher son carreau, alors qu’elle avait un morceau de branche plantée dans les côtes. Un miracle, tout simplement. La gueule du basilic avait rempli tout son espace, avant que le carreau, lancé au jugé, ne parvienne à atteindre une zone fragile.
*Le basilic est blessé, mais il est encore très rapide... Et très dangereux.*
Il devait cicatriser vite. Cirillia se redressa, et se rapprocha de son cheval. Ils étaient tous les deux bien loin de la forêt, sur une zone escarpée et rocailleuse. Grimpant sur son cheval, la sorceleuse s’avança rapidement, en éperonnant son destrier. Chasser et traquer des monstres, c’était son boulot, mais il y avait aussi quelque chose de plus personnel dans la manière dont elle traquait ce basilic. C’était un dragon... Et Ciri’ haïssait les dragons. C’était un dragon noir qui avait détruit son village natal, l’avait traumatisé en ruinant sa famille. Il était responsable de la lente mort de sa mère, obligée de se prostituer pour nourrir ses enfants. Si le frère de Ciri’ avait su rebondir sur ses pattes, en fondant une forge, Cirillia, elle, n’avait jamais oublié.
Un dragon était une bête difficile à tuer. Ciri’ se souvenait encore de la difficulté qu’elle avait eu à tuer son premier... En tant que chasseuse de dragons, elle manquait encore de morts à son actif, et elle comptait bien augmenter son score avec ce basilic. Elle s’avançait le long d’une montagne rocailleuse, en suivant un antique sentier, dans les vestiges d’un ancien royaume... Détruit par les Ashnardiens. La plupart des habitants avaient émigré vers d’autres régions, laissant aux Ashnardiens des contrées inhospitalières qu’ils avaient, eux aussi, abandonné. Ces villes abandonnées et de châteaux-forts recelaient de trésors que les autochtones de l’époque avaient délaissé.
La jeune femme s’avançait donc. Tout n’était que désolation autour d’elle, et, alors qu’elle suivait encore les traces de sang, s’aidant d’élixirs pour affiner ses sens, et pister les traces massives du basilic, avec les empreintes qu’il laissait sur le sol, elle se rapprocha finalement d’une grande plaine en contrebas. Une plaine désertique faite de vents qui sifflaient fort, soulevant du sable ici et là...
*Qu’est-ce que... ?*
Cirillia sauta de son cheval, son corps recouvert d’une longue bure marron la protégeant du vent et du sable. Une femme se battait contre le basilic, et elle était sûre qu’il s’agissait du sien... Elle descendit du cheval, voyant la mystérieuse femme danser sur le basilic. Restant à bonne distance, la femme se plaça sur une plateforme en hauteur, et sortit son arbalète à répétition, puis visa. Vu la distance, il serait difficile de tirer sans toucher la femme, et elle se concentra donc... Un carreau finit par partir, et atteignit la queue caudale du monstre, se brisant contre sa solide carapace.
« Merde... ! »
Elle visa à nouveau. Les écailles d’un basilic étaient résistantes... Mais pas indestructibles non plus.
Il fallait juste réussir à les percer.