Cryozone

L'USS BANNONSWORTH est un vaisseau spatial vieillissant à la mission perpétuelle : explorer certaines des zones les moins connues de l'espace afin d'y établir de nouveaux avant-postes coloniaux le plus souvent destinés à la cartographie spatiale ou à la recherche de nouveaux gisements de minerais. Comme de nombreux bâtiments de classe Farlander, le Bannonsworth a été pensé pour des périodes de navigation extrêment étendues et est donc équipé en conséquence; il serait virtuellement possible d'y passer une existence toute entière, des premiers cris de la naissance au dernier soupir.
Aussi grand qu'une petite ville, le Bannonsworth compte principalement en son sein des systèmes d'exploitation, divers hangars et laboratoires, quinze  quartiers dédiés à la vie de l'équipage répartis sur cinq niveaux, sept serres hydroponiques destinés à la culture de céréales, de fruits et de légumes, neuf bétaillères, et une multitudes d'endroits, des nombreuses salles de machineries au pont de commandement.

On y dénombre un total exact de 1500 âmes, qui ne "vivent" toutefois pas en simultané. En effet, le personnel actif se compose de 500 personnes très précisément, qui veillent sur 1000 colons suspendus en caissons cryogéniques en plus de vaquer à leurs tâches dédiées. Tous les deux ans s'effectue une rotation des équipes actives, les éveillés réveillant leurs successeurs avant d'eux-même rejoindre le sommeil artificiel glacé.
L'équipe actuellement en poste avait amorcé depuis un mois la transition cryogénique quand quelque chose se produisit....

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SECTION MÉDICALE DU DEUXIÈME PONT, SECTEUR CRYOGENIQUE 3
   - 1H30 auparavant.

- Qu'on me coupe cette putain d'alarme ! Johnny, une dose de 45 cc de Dianoparol pour celui là ! Agathe ! Je veux un bilan cérébral des colons sur les tables 2 à 7 !

Le docteur Heinsen avait beau être un ancien du service des urgences new yorkaises, habitué à gérer des situations impérieuses et stressantes, on le sentait un peu dépassé. Pourtant toujours aussi efficace, il courait d'un patient à l'autre en aboyant les ordres les plus justes après s'être livré à une analyse concise et rapide des situations que rencontraient ses infirmiers. Pestant contre la sirène d'alerte au son strident qui hurlait depuis un bon quart d'heure déjà, il ne l'entendit même pas quand elle s'arrêta enfin. Tout avait commencé d'un seul coup il y avait une demie-heure, quand une explosion avait endommagé une section des niveaux adjacents au secteur cryogénique 3. Apparemment sans conséquence directe pour les colons en sommeil dans leurs tubes, le service médical avait vite déchanté quand les techniciens avaient déclenché l'alerte : leur équipe envoyée pour constater les dégâts avaient découvert que c'étaient les cuves du MC-665 qui avaient été touché. Le liquide, indispensable au maintien en vie des cryogénisés sur le long terme, était instable et son mélange avait été souillé par la chaleur de l'explosion. C'était un véritable poison qui courait dans les veines des colons inconscients à présent... 50 personnes qu'il fallait réanimer d'urgence pour les purger du liquide nourricier afin que celui-çi ne cause pas des dégâts irréversibles à leur organisme.

De là, le service d'Heinsen avait été mis sur la brèche. Réveiller si précipitemment autant de cryogénisés n'était pas sans risque pour eux, sans compter que personne ne pouvait estimer précisément les dégâts déjà engendré par le MC-665 perverti qui était pompé dans leur organes vitaux. Et, malheureusement, Heinsen avait déjà perdu une bonne dizaine de ses patients qui gisaient sur les tables médicales. En bon médecin, il s'affairait à présent à sauver tous les autres à grands coups de seringues à drainage et autres cocktails médicamenteux.  

- D-docteur Heinsein ? D-d-docteur Heinsen ? Docteur Heinsen !

Au troisième appel d'Agathe, le patricien daigna enfin se retourner après avoir constaté un nouveau décès. Les cryogénisés ne se réveillaient pas et mourraient de plus en plus vite... Agacé, il manqua d'hurler sur la pauvre infirmière, déjà pâle comme un linge.

- Quoi, Agathe ?
- Celui là... il a bougé !
- Et tant mieux ! Bon sang, c'est exactement ce que l'on veut qu'il fasse !
- O-oui, mais... je suis formelle, son coeur ne bat plus....

Comme pour étayer ses dires, la jeune femme désigna le moniteur sur lequel l'homme dont elle parlait était encore branché. Toutes les lignes indiquaient une mort effective, bien qu'Heinsen vérifia la bonne pose des électrodes sur le cadavre. Qui bougeait, comme il le constata alors que le corps allongé eut un soubresaut violent et inattendu, qu'on ne pouvait assimiler à une simple réaction nerveuse post-mortem. Heisen ne se démonta pas et invectiva plusieurs infirmiers afin qu'ils épaulent Agathe, qui avait probablement été "lâchée" par le matériel -ce qui pouvait tout à fait arriver, au demeurant.
Tout dérapa vraiment lorsque le cadavre se releva d'un bond pour mordre violemment au cou la petite infirmière qui s'était penchée pour constater sa respiration. Poussant un cri suraïgu alors qu'une gerbe de sang éclaboussait son confrère le plus proche, elle fut sans défense quand le colon à la gueule ensanglantée se jeta sur elle pour lui déchirer le reste de la gorge de ses dents. Heinsen eut à peine le temps de donner l'alerte qu'une femme revenue d'entre les morts lui attrapa le bras pour en arracher un profond lambeau de chair sanguinolente tandis que les autres infirmiers subissaient un sort similaire, pour ceux qui n'arrivaient pas à fuir la section médicale.

Comme une traînée de poudre, l'horreur embrasa alors les premiers niveaux du Bannonsworth.

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QUARTIERS DE L’ÉQUIPAGE, NIVEAU 10, APPARTEMENT 452
   - Actuellement.

Un dernier grognement accompagnant l'ultime coup de rein, et Kenneth gicla. Se retenant de gémir pour préférer expirer un son qui ressemblait à un soupir lourd, le massif ouvrier se laissa aller au plaisir expulsé en giclées chaudes et épaisses avant de revenir à la réalité de la scène qui se jouait sous ses mains. Le corps de sa femme lui était présenté de dos alors qu'elle s'était offerte à lui quand il l'avait prise en levrette. Kenneth détailla le volume de ses fesses tendres et la ligne de ses hanches, lui caressant tendrement le creux des reins avant de s'extraire d'elle en abandonnant la chaleur de son con un peu à regret. Galant malgré sa silhouette de brute, le technicien des sections moteur aida sa compagne à se redresser et lui vola un baiser avant de quitter leur lit pour rejoindre le petit coin cuisine de leur appartement, préparant deux grands verres de jus de fruits.
Il en tendit un à sa belle dans un sourire.

- Tu crois qu'on a assez fait l'amour ? Deux ans d'abstinence qui commencent dans deux semaines, c'est long. Si encore on partageait le même caisson...

Kenneth et sa femme devaient se livrer au sommeil cryogénique dans les jours qui arrivaient, après avoir effectué la veille de l'équipe à laquelle ils appartenaient. Bien sûr, on ne voyait pas le temps passer, en suspension artificielle... Mais les amoureux, bien qu'habitués, avaient toujours la crainte de trouver le sommeil trop long sans le partager ensemble. Les King -du nom de famille de Kenneth, qu'avait prit sa compagne quand il lui avait passé la bague au doigt- se connaissaient depuis presque dix ans et s'aimaient tout aussi fort qu'au début de leur histoire. Bien sûr, il y avait des hauts et des bas, souvent alimentés par un Ken qui avait un lourd passif de coureur de jupons, mais ils formaient un bon duo très complice. La perspective de perdre deux ans de vie commune les agaçaient de plus en plus, à tel point qu'ils envisageaient de s'installer dans un avant-poste comme colons. Après ce dernier voyage bien sûr, puisqu'il leur faudrait gagner un peu d'argent pour être à l'abri du besoin. En attendant, les amants passaient le plus de temps possible ensemble pour être sûrs de profiter avant la séparation.

- C'est bientôt l'heure de mon service, trésor. Je vais aller me doucher et...

L'alarme qui se mit à retentir lui fit couper court à l'exposition de son programme. D'un bond, Kenneth se dirigea vers l'ordinateur branché sur le réseau du Bannonsworth et l'alluma afin de prendre connaissance des dernières infos.

<<...blème d'origine inconnue secoue actuellement les niveaux 45 à 58. On évoque une probable mutinerie. Tous les membres d'équipage sont priés de rejoindre les panic rooms les plus proches. Ceci n'est pas un exercice, je répète....>>

Échangeant un regard inquiet avec sa femme, Kenneth attrapa ses vêtements qu'il avait jeté sur la table de la cuisine au début de leurs ébats et les enfila en quatrième vitesse. Un marcel gris et sali de graisse noire, un bleu de travail dans le même état dont il noua les manches à la taille. Il récupéra ses godillots renforcés tout en lançant à sa compagne une culotte qui lui était tombée sous la main.

- On doit se dépêcher ! Le niveau 58, c'est à peine à deux niveaux d'ici ! Allez, presse toi ! Ah, putain d'alarme !

Elle résonnait violemment à présent, signe que le danger était proche. Une mutinerie ? Kenneth n'y croyait qu'à moitié. Les mouvements de ce genre étaient rares dans l'espace, surtout sur un bâtiment colonial comme le Bannonsworth. Il n'y avait franchement pas de quoi partir dans une émeute sanglante : tout le monde s'était engagé volontairement et en connaissance de cause après tout, et les conditions de travail étaient honnêtes sans être incroyablement confortables. Alors quoi ? L'instinct de Kenneth lui criait que quelque chose ne tournait pas rond dans cette histoire, mais mieux valait ne pas se prendre la tête avec ça pour le moment. Le plus important pour lui était de mettre sa compagne en sûreté coûte que coûte dans une des panic rooms, ces pièces de survie blindées et équipées pour plusieurs semaines à affronter de sérieux soucis à l'extérieur.

Tout de même... Une alarme sur plus de dix niveaux ? C'était vraiment quelque chose de sérieux, de gros et d'assurément dangereux. Restait à savoir quoi, même si les bruits de cavalcade et les hurlements affolés qu'on entendait dans le couloir à l'extérieur de leur appartement ne présageait rien de bon.

Cela faisait déjà plus de trente minutes que Sheela et son mari partageaient une étreinte passionnée et ô combien plaisante, les gémissements des deux amants s'étant fait de plus en plus audibles avant que Kenneth ne finisse par atteindre son orgasme, suivi peu après par Sheela qui se cambra en laissant s'échapper un doux soupir signe de satisfaction pour la jeune femme qui ne se lassait nullement de chaque moment coquin ou non passé avec Kenneth depuis le début de leur histoire il y'a déjà dix ans de cela.
Quand tout deux revinrent à la réalité, Sheela sentit son mari se retirer d'elle avant qu'ils ne partagent un baiser puis elle se leva à son tour et suivit Kenneth jusqu'à la petite cuisine de leur appartement, acceptant avec un sourire le jus de fruit que ce dernier lui offrait tout en lui disant :

- Tu crois qu'on a assez fait l'amour ? Deux ans d'abstinence qui commencent dans deux semaines, c'est long. Si encore on partageait le même caisson...

Ce à quoi répondit la jeune femme sur un ton joueur :

- Peut-être devrions-nous en faire part à l'équipe quand le moment sera venu, cela serait beaucoup plus agréable de se réveiller l'un contre l'autre plutôt que dans des caissons séparés et de devoir se chercher pendant de longues minu--

Cependant avant même que Sheela n'aie pu terminer sa phrase l'alarme retentit dans le couloir et la jeune femme put observer son mari se diriger à toute vitesse vers l'ordinateur afin de vérifier ce qui clochait et pourquoi l'alarme s'était mise à hurler ainsi, elle vint se placer derrière lui et lut par dessus l'épaule de Kenneth les mots qui s'affichaient à l'écran : Une probable mutinerie se propageant des étages 45 à 58 ainsi qu'un appel à rejoindre les Panic Rooms...
Une mutinerie à bord à bord de l'USS BANNONSWORTH ? Voilà qui était inquiétant et plutôt étrange car il y'avait pas lieu d'en avoir une, les conditions de vie ne sont pas abominables, la paye est élevée comparé à beaucoup d'autres jobs et pour ce qui est de la sécurité ainsi que la nourriture il y avait rien à redire alors pourquoi une mutinerie devait-elle éclater sans raison apparente ?

Sheela partagea un regard inquiet avec son mari avant que ce dernier ne s'habille en quatrième vitesse, lançant à sa femme sa petite culotte dans les mains, cette dernière l'attrapa et n'attendit pas avant de l'enfiler, attrapant également ses vêtements qui gisaient sur le côté du lit pour les enfiler à la même vitesse que Kenneth, elle mit un débardeur de couleur noir ainsi qu'un manteau de cuir un peu usé par le temps portant le symbole de l'USS BANNONSWORTH sur le bras gauche puis elle enfila un jean et ses chaussures de travail renforcées.
Quand ils furent tout deux habillés Sheela se dirigea vers la porte de leur appartement, l'entrouvrant un peu afin d'apercevoir ce qu'il se passait, les cris et hurlements ne l'incitant pas spécialement à s'aventurer dehors avec Kenneth néanmoins il fallait le faire et la jeune femme ouvrit la porte en grand pour ensuite passer derrière son mari, se sentant en sécurité derrière lui.

- Bon sang...Mais qu'est-ce qu'il à bien pu arriver pour qu'une mutinerie éclate comme ça ? Trouvons d'abord de quoi nous défendre puis on ira tout les deux dans une Panic Room, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose alors que je serais en sécurité...

Se trouver de quoi se défendre ? Kenneth tourna la tête vers Sheela l'espace d'un instant, dubitatif. Une arme au sein même des couloirs du vaisseau... Pourquoi faire, au juste ? Ken se voyait mal bastonner avec d'autres colons sans trop savoir pourquoi, mais en cas de rencontre avec les prétendus mutins, il faudrait être capable d'éviter de se faire choper par des cinglés. Avant ça, il fallait seulement penser à rejoindre ces fichues panic-room, ce qui n'allait pas être une mince affaire au vu du flux de membres d'équipage qui se ruaient dans les coursives au même instant. Rien que dans le couloir de leur appartement, ils étaient plusieurs dizaine à se bousculer en criant. Certains se retrouvaient coinçés contre les murs d'acier, d'autres se faisaient envoyer bouler à coups de larges épaulades puissantes. Partout, des cris et des exclamations paniquées à peine couvertes par la tonalité stridente et entêtante de l'alarme dont les ampoules-relais faisaient courir une lumière rouge par intermittence dans les enfilades encombrées. Kenneth attrapa la main de sa femme avant de lui faire signe et tous les deux empruntèrent le couloir en abandonnant la sécurité de leur appartement.

Pas facile de se frayer un chemin dans la foule, même pour un homme comme Kenneth. Résolu à jouer des coudes pour avancer tout en prenant soin d'une Sheela qui risquerait à tout moment de se faire embarquer par le flot intense qui se ruait dans la coursive. Tous dans le même sens, jusqu'à ce que le flot commence à refluer au bout de cinq minutes. Maintenant, les gens venaient des deux sens !

- La room 28 est pleine, putain ! Faut aller vers la 29, voire la 30 !

Si l'annonce précédente avait levé un vent de folie, cela là fit l'effet d'une véritable bombe. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, avancer à travers la coursive fut un véritable combat. Les cris de désespoir s'intensifièrent, les cavalcades commencèrent à donner leur lot de personnes piétinées. Comme Sheela et son mari -ainsi que le reste des personnes présentes, visiblement- ne l'ignoraient pas, les deux panic rooms restantes se trouvaient à deux niveaux de leur position... Ce qui sous-entendait que d'autres s'y ruaient déjà probablement. Plus le temps passerait, plus les panic rooms restantes se rempliraient. A vrai dire, Kenneth doutait fortement de trouver de la place dans les 29 et 30. Il y avait un moyen d'atteindre la room 32 en prenant un raccourci, toutefois. Sur le moment, cela lui sembla être une excellente idée.

Sans prendre le temps de consulter Sheela (fut l'incroyable barnüm qui régnait dans le couloir, ils n'auraient pas eu le temps de se concerter), Kenneth la colla fortement à lui et commença à avancer en jouant des coudes. Puissant et violent, le mécano peina quand même à avancer et se fraya un chemin sans se faire bousculer, devant une fois ou deux donner du poing pour éviter que Sheela ne se fasse emporter par un balourd apeuré ou deux. Finalement, Kenneth parvint à rejoindre un sas inter-section dont il ouvrit la porte, y jetant presque sa femme avant de la suivre et de refermer les battants coulissants sur eux. Ils se retrouvaient entre un niveau technique et un des quartiers d'habitation, endroit habituellement fréquenté par les seuls techniciens et quelques qui se rendaient d'un poste à l'autre. Les lumières avaient cédé la place à un éclairage plus bas, zébré par le rouge des ampoules d'alarme -heureusement silencieuse à cet endroit. Curieusement, la tranquillité de l'endroit avait pour Kenneth quelque chose d'oppressant après la foire que Sheela et lui venaient de traverser.
Prenant quelques minutes pour récupérer, l'homme vérifia que sa compagne n'avait rien puis lui expliqua son plan. Un moment, il leva la tête pour écouter ce bruit dont il n'était pas sûr de l'origine et qui évoquait, de loin, un bourdonnement sourd de moteur. Ou un vagissement vaguement humain ? Le technicien chassa l'idée de son esprit.

- En coupant par ici, on devrait pouvoir rejoindre directement le niveau 60. C'est celui où se trouve le bétail, y'a une panic room mais je pense qu'elle ne sera pas pleine avant un moment. On doit juste traverser cette section, ça ne devrait pas être compliqué. Et pas besoin d'arme !

Il lui sourit et se mit en route, entraînant sa femme avec lui. Par ce raccourci vers le niveau 60, ça prendrait un petit quart d'heure. Il ne pouvait rien se passer, en un si petit laps de de temps. Les mutins devaient être loin de leur position. Les coursives dans la pénombre résonnaient de leurs pas prudents, le couloir prêt à les avaler.
Une fois de plus, le bruit sourd et lointain revint, faisant frissonner Kenneth sans qu'il ne comprenne pourquoi.

Alors qu'ils s'aventuraient dans le couloir menant aux fameuses Panic Rooms, la proposition de Sheela n'ayant visiblement pas été appréciée par Kenneth ils se décidèrent à aller à contre-courant en jouant des coudes, Sheela cachée derrière son mari afin d'éviter d'être emportée par la foule abondante désirant à tout prix entrer dans une Panic Room proche mais également pleine à craquer de colons désirant se mettre à l'abri, quittes à piétiner ceux qui tombaient à terre, s'accrochant de toutes ses forces à son mari, la jeune femme l'aidait en le poussant en avant bien que cela ne fasse pas grand chose, une fois ou deux elle avait failli être emportée par des colons cherchant à s'accrocher à quelque chose mais heureusement Kenneth la protégeait et faisait tout pour que cela n'arrive pas...

C'est alors que la rumeur se répandit comme quoi la Panic Room de ce niveau était pleine à craquer et qu'il fallait donc en trouver d'autres afin de se mettre en sécurité, quel en fut le résultat ? Kenneth et Sheela se retrouvèrent pris entre deux flots, l'un les poussant en avant et l'autre désirant les pousser en arrière car ils n'avaient pas entendus comme quoi la Panic Room de ce niveau était saturée.
Rapidement la situation devint incontrôlable et tout deux durent aller dans un sas inter-section. Sheela y étant jetée la première parvint à se rattraper et aida son homme à y entrer, la porte se fermant juste derrière eux, ils étaient désormais seuls et le silence régnait tout autour d'eux, les murs étant suffisamment épais pour qu'aucun bruit ne filtre hormis dans ce couloir alternatif qui amplifiait n'importe quel bruit à cause de l'écho...

- En coupant par ici, on devrait pouvoir rejoindre directement le niveau 60. C'est celui où se trouve le bétail, y'a une panic room mais je pense qu'elle ne sera pas pleine avant un moment. On doit juste traverser cette section, ça ne devrait pas être compliqué. Et pas besoin d'arme !

Cependant cela ne rassurait pas totalement Sheela qui se releva doucement, aidée par son mari avant que tout deux ne commence à marcher vers le niveau 60 jusqu'à ce qu'un bruit sourd et lointain ne fasse frissonner la jeune femme, ce n'était pas normal, serait-ce un colon qui a également décidé de fuir par cette voie là et qui se cognait contre les murs dans cette obscurité ?

- Je propose que l'on aille un peu plus vite, j'aimerais bien te dire que c'est parce que j'ai peur que la Panic Room soit bondée mais en fait c'est surtout parce que j'ai un très mauvais pressentiment...

Comme pour appuyer ses dires elle regardait derrière elle par dessus son épaule, accélérant un peu le rythme de marche, serait-ce la fameuse intuition féminine ? Sheela elle même ne le savait pas, elle sentait juste un danger présent mais invisible...Peut-être était-ce l'obscurité et le silence pesant autour d'elle mais la jeune femme était sûre que quelque chose se passait...

- Je propose que l'on aille un peu plus vite, j'aimerais bien te dire que c'est parce que j'ai peur que la Panic Room soit bondée mais en fait c'est surtout parce que j'ai un très mauvais pressentiment...
- Ça ira, ne t'en fais pas. C'est un peu comme le mouvement de foule qu'on avait eu dans ce stade de foot à Philadelphie, tu te souviens ?

Kenneth essayait de garder la face pour ne pas alerter trop sa femme, mais il n'était pas franchement convaincu par ses propres paroles. A Philadelphie, ça n'avait été qu'une agitation un peu inhabituelle à la sortie d'un match de foot américain, quand un groupe de supporters un peu trop excité avait commencé à faire des vagues. Les gens s'étaient défilés en une masse compacte, mais il n'y avait eu aucun incident particulier et surtout aucune panique comme ils en avaient constatée dans le couloir qu'ils venaient de quitter. Le mauvais pressentiment de Sheela, Ken le partageait. Inconsciemment, l'homme se mit à agrandir ses foulées et à scruter attentivement la petite pénombre qui noyait le bout du couloir qu'ils remontaient.

Ils arpentaient une sorte de passerelle plus étroite que le couloir précédent. Comme énormément d'endroit dans le Bannonsworth, les parties non-habitables étaient desservies par des coursives plus étroites et moins fonctionnelles, qui avaient le seul mérite de permettre d'emprunter les raccourcis entre les niveaux. Encore fallait-il savoir où l'on se rendait, dans cet imbroglio tentaculaire de directions, de virages et de portes à l'inscription parfois couverte de crasse qui la rendait illisible. Kenneth maîtrisait plutôt bien cette partie du navire : en tant que technicien, il travaillait surtout à l'arrière du navire, vers les moteurs. Non loin, toutes proportions gardées, des quartiers d'habitation. Aussi n'était-il pas perdu; surtout inquiet. Et de plus en plus.
Quand le bruit retenti de nouveau, l'homme se figea net et força sa femme à l'imiter, serrant fortement la main qu'il tenait dans la sienne. Aux aguets, Kenneth scrutait le fond du couloir en face d'eux. Cette fois, plus de doute...

-...C'était un gémissement humain.

Pourquoi l'avoir précisé, il ne se l'expliquait pas. Au début, il avait pensé -s'était rassuré- que c'était une machine qui agonisait au loin. Maintenant, Ken était certain que l'agonie était celle d'un homme. Un blessé, probablement. Kenneth ne se sentait pas l'âme d'un secouriste, surtout en compagnie de Sheela qu'il voulait absolument mettre à l'abri.

- Ecoute, lui glissa t'il en murmurant, il doit rester 150 mètres avant le carrefour que nous devons emprunter. Si le type qui a fait ce bruit est sur le chemin avant qu'on ne tourne, on avisera. Sinon, on prend le tournant et on continue. J'ai pas envie qu'on se fasse coincer par des cons parce qu'on a joué les bons samaritains.

Penché sur son oreille pour chuchoter, l'homme la lui embrassa légèrement en une tentative de la rassurer, qui motiva aussi ses doigts qui caressèrent les siens. Prudent et en alerte, Kenneth se mit en mouvement en guettant tout mouvement, espérant secrètement arriver à l'intersection sans rencontrer personne. Le couple avançait bien, quand se découpa à la faveur d'un mouvement de l'éclairage de sécurité le bout d'une botte, puis d'une autre, qui annonçaient un corps allongé sur le sol. Instinctivement, Kenneth stoppa et avala longuement sa salive. Jetant un coup d'oeil par-dessus son épaule, il fit un pas devant Sheela pour se placer au front, approchant du corps qui se dévoilait à mesure de ses pas saccadés. L'homme était probablement un technicien d'une autre section, affalé contre une paroi sur laquelle il avait laissé une importante trace de sang à hauteur d'homme, sûrement avant de glisser. Son t-shirt était imbibé d'hémoglobine, qui paraissait très foncée sous la rare lumière. Le coeur battant, Kenneth se pencha un peu vers la victime. Le type gisait là, les yeux révulsés et la bouche ouverte, son visage souillé de larges gerbures sanglantes. Sûrement venait-il de mourir et peut-être pouvait-il être sauvé... Mais Kenneth ne prit pas soin de relever son pouls.

- On se casse. On peut plus rien pour lui. Allez, le passage est à côté.

Sèchement, Kenneth releva Sheela et l'entraîna avec lui. Putain, est-ce qu'elle avait vu la plaie de ce gars ? On lui avait arraché un morceau de bidoche au niveau de la gorge ! La tâche brune et béante ne trompait pas. Un mutin, faire ça ? Pour Kenneth, ça ressemblait plutôt à la morsure d'un chien enragé. Hypothèse pas impossible à confirmer, au demeurant. Mais pourquoi ce mec s'était traîné là ? Et où se trouvait ce qui l'avait agressé ? A ces questions, une giclées d'adrénaline fut pompée par son coeur. Il fallait mieux se bouger le cul, maintenant.

Alors qu'ils continuaient d'avancer dans cette semi-pénombre ils furent forcer de s'arrêter sur ordre silencieux de Kenneth avant que ce dernier n'intime qu'il s'agissait d'un gémissement humain...Sheela sentit l'horreur la prendre au tripes néanmoins elle n'en fit rien paraître hormis peut-être son visage qui trahissait son envie de déguerpir d'ici au plus vite néanmoins elle susurra à son homme comme sur un ton de reproche :

- Était-ce vraiment nécessaire de le dire Kenneth ?!

Sheela poussa un soupir afin de se calmer, serrant la main de son mari pour pouvoir mieux se rassurer alors que ce dernier lui expliquait comment la situation allait se dérouler à partir de maintenant : Si ils trouvaient cette personne avant le tournant qu'ils devraient prendre alors ils aviseraient cependant si il y'avait personne alors ils s'en iraient ni-vu, ni-connu, c'était une situation à laquelle agréa Sheela car ils n'étaient vraiment pas en position de jouer les bons samaritains et puis la jeune femme n'était vraiment pas du genre à reprocher ce genre de chose à son mari car après tout c'était pour leur sécurité !

- Bien, néanmoins j'insiste sur le fait que l'on aurait du prendre de quoi nous défendre...

Il fallait le dire, la sécurité était quelque chose qui n'existait plus en ce moment même en période d'anarchie, donc oui elle insistait mais c'était la seule façon de pouvoir régler certains problèmes qui pourraient s'avérer gênant, autrement dit : Les mutins qui pouvaient leur tomber dessus à n'importe quel moment...
Ils continuèrent donc leur marche dans ces conduits qui étaient redevenus silencieux depuis ce fameux gémissement d'agonie, plus un bruit hormis peut-être leurs bottes renforcées qui claquaient quelque peu sur le sol métallique du vaisseau jusqu'à ce que Kenneth s'arrête brutalement, forçant donc aussi Sheela à s'arrêter jusqu'à ce qu'elle comprenne ce qu'était la cause de cet arrêt brusque : Un corps...Un corps était appuyé au mur et quelques gerbes de sang étaient étalées sur le mur et au sol tout autour du corps, c'est d'ailleurs dans ce genre de moment que la jeune femme se posait la question si le corps humain était vraiment constitué de 5 L de sang car là il lui semblait qu'il y'en avait bien plus que cela...

Néanmoins c'était plus l'état de ce corps qui préoccupait le couple, Sheela l'avait remarqué que cette mort n'était en aucun cas naturelle de plus cela avait été assez sauvage car cette mort était dû à une hémorragie...La carotide avait été totalement arrachée...D'un gros coup de dent !
Sheela frissonna doucement rien qu'en imaginant la scène puis elle regarda Kenneth avant de tirer sur sa manche.

- Qu'il soit vivant ou non nous importe peu ! Il est clairement mort et celui qui a fait cela est peut-être encore dans le coin donc je propose que l'on mette les voiles et vitesse grand V avant que l'un de ces tarés nous mettent la main dessus !

Là c'était une véritable panique pour la jeune femme qui désirait juste se mettre à l'abri avec son mari néanmoins quelque chose augmentait cette peur, c'était l'odeur nauséabonde qui commençait à se répandre dans les conduits, une odeur d'animal mort et de chair en décomposition qui avait un fort impact psychologique rien qu'en lui même...

- Q-Quelque chose ne tourne pas rond...