Eliphas n’était pas un animal du même type que Jambrès ou Jannès. Son âme avait depuis longtemps été vendue aux Dieux Noirs, et il était leur fidèle serviteur, accomplissant jadis la volonté de Khorne, avant que son usage de la magie n’attire sur lui la haine du Seigneur des batailles. Khorne était un guerrier, le plus puissant de tous les Dieux Noirs, mais il haïssait l’usage de la magie, préférant le bouclier et l’épée au bâton et à des sorts inutiles. Délaissé par Khorne, Eliphas avait trouvé une nouvelle divinité à servir, en la présence de l’éternel rival de ce dernier, Tzeentch, Dieu des sorciers, qui était aussi le rival direct de Sha. S’il y avait eu une époque où Sha aurait pu rivalisé avec eux, depuis qu’elle avait été bannie, elle avait perdu l’essentiel de ses pouvoirs. Un héraut de Tzeentch était d’une dangerosité terrible, et, si Eliphas se trouvait dans la Voie, c’était parce qu’il avait du marquer les esprits de la Déesse. Bien sûr, ce n’était pas réellement Eliphas, tout comme ce que Miléna vivait n’était pas vraiment réel, mais, encore une fois, il était erroné de raisonner en ces termes dans la Voie. Elle était à la fois mélangée de rêves, de songes, et d’éléments bien réels. Une dimension purement magique, avec tout ce que la magie avait de surréaliste et d’incompréhensible.
Miléna releva le défi, et créa une valise géante, qui enveloppa Eliphas. Ce maigre artifice fut bien insuffisant pour retenir l’homme, qui le brisa à l’aide de son aura magique, pour se retrouver face à deux poupées guerrières.
« Ceci est une offense à Khorne, sorcière, grommela-t-il. Un guerrier ne se bat pas par des intermédiaires... Cependant, il ne doit pas utiliser de magie non plus. »
Il ne fallait nullement se fourvoyer sur Eliphas : l’honneur était une chose qui lui était inconnue, à l’image des Dieux Noirs. Il était fourbe, traître, manipulateur, hypocrite, et uniquement motivé par son ambition personnelle, et par la recherche de pouvoir. Eliphas ne recherchait pas l’immortalité, car il l’avait déjà. À chaque fois qu’il mourait, son âme, qui appartenait à Tzeentch, était réincarnée, dans un délai plus ou moins long, et son corps reconstruit. Cependant, Eliphas ne pouvait guère se permettre de mourir trop de fois, au risque de passer pour un incompétent aux yeux de Tzeentch, et d’être définitivement supprimé.
L’homme observa les deux poupées, et envoya une boule d’énergie noirâtre sur celui avec le bouclier, et constata que le bouclier absorbait l’impact magique. La poupée portant l’épée chargea alors Eliphas, et l’abattit sur son armure. Eliphas bondit en arrière, et envoya vers ce dernier de nouveaux éclairs noirâtres. Ils heurtèrent l’épée, et rebondirent dans tous les sens. Esquissant un léger sourire, l’homme pâle comprit rapidement que cette épée absorbait, elle aussi, la magie. L’épéiste revint à l’assaut, rapide, et son épée entailla l’armure d’Eliphas, qui se téléporta dans un coin de la pièce au trésor. Le plafond se mit alors à trembler, des volutes de poussière en tombant. Le combat entre le Prophète et le Colosse semblait faire rage, et Eliphas fit alors apparaître une épée dans le creux de sa main, une longue épée à la lame noirâtre. Eliphas se souvenait encore de ses années de formation auprès de Khorne, et il croisa le fer avec l’épéiste. Le pied d’Eliphas repoussa la poupée en l’atteignant au ventre, et l’autre, celui avec le bouclier, en profita pour l’attaquer. Eliphas utilisa alors son autre main, et frappa le sol, déclenchant un sort de Terre qui souleva autour de lui la pierre, formant comme des griffes, un mur de pierre, qui repoussa les poupées. Le mur se volatilisa rapidement, et Eliphas chargea. Sa main gauche tenait son épée, et, de la droite, il envoya de terribles éclairs sur le bouclier de la poupée, puis frappa avec son épée, heurtant le bouclier. La force de l’impact souleva la poupée, mais l’épéiste attaqua à son tour, sur le flanc de l’homme.
« Ne te moque pas de moi, sorcière ! » grinça-t-il.
Eliphas envoya son épée, qui heurta celle de l’homme, la bloquant. Il bénéficia alors d’une ouverture, et envoya une boule noirâtre sur le flanc de la poupée. Ici, il n’y avait pas d’épée pour repousser le sort. La boule explosa au contact du tissu, envoyant voler la poupée, ou ce qu’il en restait, contre un mur. Eliphas n’eut cependant pas le temps de se déplacer. Le bouclier de l’autre poupée le heurta dans le dos, le faisant tomber sur le sol. Éructant de rage, humilié, il se retourna, et envoya des éclairs supplémentaires. Certes, ils ne pourraient pas briser la garde de la poupée, mais, tout au plus, ils lui permettaient de se relever. Un sang noir, noir comme son âme, s’échappait de ses lèvres.
Sur le plafond, des lézardes étaient en train de se former, se creusant davantage. Impossible de dire qui allait gagner entre le Prophète et le Colosse, et il valait mieux ne pas rester là pour le savoir. Eliphas voyait la poupée lentement avancer, malgré les éclairs, et il les stoppa alors, laissant planer une odeur de foudre dans la pièce.
« Tu oses me défier avec ces misérables bouts de tissus ?! Un bouclier antimagie, c’est tout ce que cette salope de Sha est capable de produire ? Voilà qui est bien décevant... »
Eliphas ne semblait nullement fatigué, et un sourire haineux éclaira son visage. La poupée se mit à s’avancer, et Eliphas se téléporta alors, arrivant dans son dos, et orienta son épée derrière lui. La lame empala la poupée par le dos, ressortant sur le devant, et se mit alors à se concentrer, se chargeant d’énergie noire, filant le long de cette dernière, pour se répandre dans le corps de la poupée, jusqu’à la faire exploser en mille morceaux.
« À nous, maintenant. »
Eliphas tendit la main, et, plutôt que d’envoyer de nouveaux éclairs, que Miléna parait, il envoya une violente onde de choc, si forte qu’elle creusa de longues fissures sur le sol, fragilisant également les piliers. Le choc repoussa Miléna, l’envoyant heurter le mur. Pour Eliphas, Miléna était envoyée par Sha, et il était logique qu’il la tue. Il servait une entité rivale, après tout. Malheureusement, el temps jouait contre lui, car leur arène de combat était en train de se disloquer.