Lui, un idiot ? Probablement, aux yeux de certaines personnes en tout cas. Cyscek pensait forcément à ça car l'esclave l'intriguait et l'intéressait. On aurait pu parler d'une curiosité malsaine, d'une envie déviante. Lui préférait le voir comme un challenge.
A l'ouverture de la boutique, il s'était glissé parmis les clients afin de jeter un oeil aux esclaves exposés. Il connaissait le gérant ainsi que ses employés. Bien plus portés sur la vente que sur la formation des esclaves, ils se contentaient généralement de faire de la capture et de revendre directement leurs captifs. Ils rachetaient également des esclaves de contrées lointaines, afin de les mettre en vente ici, et gagner la différence de prix. Cyscek trouvait le système bien fait, puisqu'il suivait en partie le même. Le seul point qui le gênait, c'est que ces hommes ne formaient pas du tout leurs esclaves. En leur donnant un semblant d'éducation, ils pourraient les vendre bien plus cher. En l'état, ils vendaient des esclaves dociles mais incompétents, des esclaves instruits mais rebelles et toutes les autres déclinaisons possibles. Le soucis qui en découlait provenait des accidents qui émaillaient les ventes de ces marchands : on avait vent d'esclaves enfuis après avoir tué leur maître, d'autres au contraire abandonnés ou tués par leur maître car incapables de faire quoique ce soit.
Cyscek le savait, un bon esclave devait d'abord être dressé. L'autorité, l'apprentissage de l'asservissement, puis l'on formait l'esprit à son but. Que ce soit un esclave fait pour le ménage, le sexe ou les travaux manuels, il fallait être sûr qu'il ne ferait pas n'importe quoi. C'était sur ce point que Cyscek insistait afin de vendre des esclaves de qualité. Alors qu'ici ...
La boutique était réputée pour son choix, car les autres esclavagistes de la ville n'avaient pas un réseau aussi étendu pour trouver des esclaves et les ramener de lieux aussi éloignés. Ainsi Cyscek y venait parfois, et s'il trouvait du potentiel chez un esclave, il le rachetait. Il savait qu'avec quelques mois de formation il pourrait probablement obtenir bien mieux que ce qu'il payait à la base. Ce matin donc, il était venu dans ce but, trouver quelque chose qui l'intéresserait. Mais quoi ? Il y avait bien un homme, dans les premières cages. Un nubile, tout en muscle, et visiblement docile. Parfait pour les travaux manuels, il devait pouvoir abattre un travail colossal. Il était en train de s'intéresser à cet esclave quand l'incident avait éclater.
Attirés comme des mouches par un cadavre frais, les clients s'étaient regroupés et observaient la cage, tout en gardant une certaines distances de sécurité. Se faire mordre par une esclave ?! Autant risquer d'attraper une infection. L'un des mâtons s'y essaya pourtant, mais sans succès, ce qui fit sourire l'esclavagiste. Il observait la sauvage qui se tenait dans la cage. Il s'y était mal pris pour la capturer, et surtout ils ne l'avaient pas du tout soumise, malgré son caractère violent évident. Ils n'avaient rien donner à cette femme, à part la captivité. Manier le bâton et la carotte, voilà qui était bien plus productif : s'ils avaient un peu écouté les désirs de cette étrangère, tout en la soumettant, ils auraient actuellement une esclave docile. Les premiers clients s'écartaient, quand Cyscek s'adressa au gérant.
Je vous l'achête, pour la moitié de son prix.
Un rictus apparut sur le visage bonhomme du gérant. Un pigeon, littéralement. Les paroles avaient arrêté les clients, qui souhaitaient savoir le dénouement. La curiosité était tellement palpable ... Venant se camper devant Cyscek, le vendeur ornait ses lèvres d'un sourire qui se voulait condescendant et moqueur. Il était persuadé que l'esclavagiste n'arriverait jamais à rien avec cette femme. Et réussir à la vendre pour la moitié de son prix, c'était déjà ça de gagner plutôt que de la tuer et la balancer au caniveau.
Et bien elle est à toi ! Par contre je ne livre pas, débrouille toi pour l'emporter.
Il tendait déjà la main, attendant son dû. Cyscek ne le fit pas languir, sortant de sa poche une bourse pleine. Y prélevant la somme, il la déposa dans la main tendue, avant de ranger à nouveau la bourse. Pas un mot de sa part, il ne s'attendait pas à de la compassion de la part de ce marchand, ni à de l'aide. Mais après tout, il n'en demandait pas. Il attrapa sa besace afin d'en sortir une laisse, comportant elle aussi une muselière. C'était plus prudent pour l'instant. Il ouvrit la cage, bloquant la sortie à la captive. Il savait qu'elle allait tenter de mordre à nouveau. Approchant la muselière, il vit venir le mouvement de cou de l'esclave, l'évita et assena une claque à la jeune femme. L'instant d'après, les lanières de cuir se refermaient autour de la tête de l'esclave, et il resserrait l'attache. La bousculant, il la fit tomber au sol, face contre terre et se saisit de ses poignets pour les lui attacher dans le dos à l'aide de menottes. L'opération n'avait pas pris dix secondes. Vu sa carrure et sa force, ainsi que son habitude à traiter des esclaves récalcitrants, il n'avait pas eu de mal. Une fois la femme attachée, il se releva et empoigna la laisse pour tirer dessus et la forcer à se relever également.
Suis moi docilement. Tu mérites mieux que cette cage.
Il fallait lui laisser entrevoir des jours meilleurs. Se détournant sous les regards médusés de l'assistance, il prenait la direction de la sortie, décidé à la ramener jusqu'à sa demeure.