C'est au milieu du parc de la ville que les gens pouvaient voir apparaître une cabine téléphonique de police londonienne bleue, au milieu des champs de fleurs, non loin d'un immense lac. Sortant de cette cabine, un grand homme aux cheveux bruns et portant un pardessus brun sortie, prenant une grande bouffée d'air frais.
« Aaaaaaaahhh ! Japon ! Et au vingt-et-unième siècle ! Quel bonheur ! »
Il disait cela pour lui, bien entendu. Cela le désolait d'ailleurs. Pourquoi ? Parce qu'il avait pas de compagnons, quelqu'un pour partager ce plaisir de débarquer dans un autre temps et un autre lieu. Le Docteur n'aimait pas être seul, mais parfois, il le restait, et découvrait lui-même l'univers, tel un enfant qui arrive dans un magasin de jouet. C'est d'ailleurs dans cette attitude qui partit, les mains dans les poches, dans les rues de Seikusu. Il ouvrait de grands yeux pour découvrir tout ce qui était à sa portée : des friandises, des gadgets, rien d'extraordinaire en soit lorsqu'on sait ce qu'il a pu voir en plus de sept siècles.
Pourtant, le Docteur aimait particulièrement découvrir, et c'est ainsi qu'il arriva au hasard d'une rue, percevant un bruit sourd que les humains ne percevaient pas. Qu'est-ce que c'était ? Sa curiosité le démangeant, il se mit à courir dans la direction du bruit. Il put entre-apercevoir un garçon sur des rollers qui fonçait à vive allure. Sur le coup, en le voyant passer, l'expression du Docteur était surprise, subjuguée par la vitesse des rollers. Il resta quelques secondes immobiles, avant de courir à toute vitesse dans la même direction que le garçon, afin de le rattraper.
Heureusement, il s'était arrêté quelques mètres plus loin, à peine. Il s'approcha plus tranquillement, constatant que le jeune homme n'allait pas bouger, vu l'odeur de soufre et d'acier brûlé qui se dégageait de ses patins. Il s'accroupit non loin de lui observa avec lui le moteur, en silence, avant de dire, complètement sûr de lui :
« Pas mal du tout, comme moteur ! Surtout avec le matériel utilisé, beaucoup de pièces de récupération ! La compression du gaz en utilisant un piston avec une base de silicone pour réduire la chaleur due au frottement, plutôt que d'utiliser de l'huile de moteur, c'est impressionnant ! Et le tout soutenu par une armature en polyuréthane, c'est ingénieux. »
Il prit l'un des rollers qu'il observa sous toutes les coutures : il fait rouler légèrement les roues, caressa l'acier, alla même jusqu'à lécher l'intérieur du tube de réservoir. C'était de l'essence basique, ce qui le fit grimacer et frémir :
« Mais voilà le problème : le type de combustible que vous utilisez est trop instable. C'est ça qui a fait griller la machinerie interne. La chaleur dégagée ne touche pas le silicone, mais en contrepartie, la majorité de l'armature chauffe. D'où l'odeur de soufre et d'acier blanc. »
Il sortit son tournevis sonique et pointa sur la partie fine du moteur, et observa le petit écran qui indiquait des résultats dans une langue étrange, tout du moins pour les humains, mais qui parlait clairement au Docteur.
« Aaaah c'est bien ce que je pensais : le système à explosion n'est pas adapté sur des appareils aussi petits. C'est extrêmement bien conçu, mais il n'existe pas encore de distributeur d'énergie capable de tenir la distance sans faire chauffer le tout. C'est dommage, la conception est pourtant idéale ! »
Il observa le jeune homme, qui devait le regarder d'un air ahuri, et lui fit un sourire en riant jaune :
« Ah, pardon, je ne me suis pas présenté, je suis du Centre de Recherche pour les Articles de Sports de Vitesse. On m'appelle le Docteur. »
Il sortit son papier psychique qu'il présenta à Léon, lui montrant qu'il était ingénieur mécanicien spécialisé dans les appareils miniatures à roues libres ou motorisées. C'était du flan, bien entendu, mais le papier psychique donnait l'air d'être un document officiel. Il rangea son papier psychique et rendit le roller à son propriétaire.
« Vous êtes le concepteur de cet appareil ? C'est du beau travail. Du très beau travail même. Il faudrait changer quelques pièces, autrement vous n'irez pas loin avec ça. Enfin, si, vous irez loin, mais vous allez vous griller les jambes rapidement. Votre système de sécurité ne tiendra pas la route, votre refroidisseur est trop peu puissant, vous devez ajouter au moins un système de refroidissement à liquide isotransmetteur. Évitez l'eau, ce n'est pas ce qu'il y a de mieux. Essayer d'utiliser du silicone naturel plutôt que du synthétique, vous obtiendrez un meilleur rendement lorsque le moteur passe en chauffe. Comment vous appelez-vous, mon garçon ? »
Bien entendu, le Docteur n'était pas un spécialiste, mais il était un véritablement génie, même pour ce qui était des conceptions primaires. Il était aussi passionné par la mécanique, c'était un de ses plus grands plaisirs. Il savait bien entendu de quoi il parlait, même s'il pouvait sembler parler dans une langue étrange. De quoi perdre le garçon avec qui il discutait.