Cela faisait quelques jours qu’Artémis, la grande chasseresse, était descendue sur Terra pour visiter sa nouvelle demeure. Bien sûr, la nuit elle regagnait les cieux, son char d’argent, et faisait le tour du propriétaire. Les terranides, eux, pensaient avoir affaire à un astre sans vie qui gravitait, mû par une force qu’ils ne connaissaient pas, mais ils ne savaient pas à quel point ils se trompaient. Ce qui ne dérangeait pas la déesse, elle avait autre chose à faire que faire la morale à de vulgaires humains. Certains étaient plus intéressants, elle avait tôt fait de le remarquer. Sous ses rayons s’étaient passé beaucoup d’événements importants pour certains, et The Moon, en tant que telle, se souvenait toujours de tout. Sa mémoire était infinie, tout comme son existence. Quoi qu’il en soit, le jour elle avait quartier libre et ne se privait pas de chasser dans les forêts et autres endroits qui abritaient des créatures dignes de son attention. Munie de son carquois qui lui servait à transporter ses flèches en argent magiques et de son arc, fait dans la même matière, elle visitait tous les lieux où ses pas la conduisaient. Pour une fois, elle avait ordonné à ses suivantes de ne pas venir avec elle. Artémis désirait voir comment se conduisaient les créatures de ce monde.
Arrivée dans une ville banale, quoi que très grande pour une ville normale, elle demanda son chemin. Pour ne pas se faire remarquer à cause de sa grande beauté, elle s’était munie d’une cape à capuchon noire, qui cachait fort bien ses traits divins. On lui répondit qu’il s’agissait de Nexus. Comme si cette ville était tellement reconnue que c’était un reproche de le lui expliquer. Bien sûr, elle savait quelle était cette ville, son passé et celui de ses habitants, mais après avoir couru toute la journée, elle pouvait ne pas savoir où elle avait atterri. Une biche foulait ses pas, derrière elle, ce qui étonnait les marchands dans la rue où elle se trouvait. Son pas altier laissait croire qu’elle était quelqu’un parmi les gens, et on l’harcelait de toutes parts pour qu’elle achète un quelconque esclave. Voyant à sa silhouette qu’il s’agissait d’une femme, on lui proposait des hommes. On lui vantait leurs compétences sexuelles. Heureusement pour eux, ils ne purent pas voir son air dégoûté, et elle ne désirait pas être à l’origine d’une boucherie dès son premier jour. Surtout qu’il ne fallait pas qu’elle se fasse remarquer. Personne n’était au courant que les anciens dieux étaient de retour, et il fallait que ça reste ainsi. D’un côté, Artémis était contente d’avoir pu échapper à l’ignorance en prenant la bonne initiative au bon moment, de l’autre elle regrettait l’âge d’Or, où tous les mortels lui offraient des présents sur des temples qu’ils lui avaient dédié, et où elle parcourait inconsciemment les plaines en chassant, suivie de ses compagnes nymphes et autres esprits et divinités.
Malheureusement, ce temps était révolu, et ne reviendrait jamais. Aussi, il fallait essayer de trouver un moyen de se divertir, même si ce serait moins bien qu’avant. Soupirant, The Moon s’approcha des esclaves et les regarda. Des filles, bien sûr. Certaines étaient jeunes et jolies, et pouvaient très bien savoir galoper dans les forêts en se servant d’un arc. De sa voix douce et chantante, comme une mélodie, elle demanda :
- Es-tu vierge, mon enfant ?
La réponse fut négative. Bien sûr. Les viols allaient bon train, dans cette ville. D’un côté, elle aurait pu assouplir ses règles et accepter les victimes d’un viol, vu qu’elles n’avaient pas été consentantes et avaient cédé aux pulsions d’un homme sans le vouloir, mais de l’autre, elles pouvaient tout aussi bien avoir aimé et Artémis désirait des suivantes qui préféraient les plaisirs de la chasse à ceux de la chair. De toute façon, elle n’était pas là pour recruter… Tournant les talons, elle prit une autre direction, sous le regard déçu des vendeurs. Perdue dans ses pensées, elle avança sans savoir vraiment où elle allait, attendant juste que quelque chose fasse son apparition, quelque chose qui la changerait de tout ça. Subitement, alors qu’elle mentionna ce souhait dans sa tête, quelque chose la heurta brusquement. Artémis ne tomba pas, contrairement à ce que la violence du coup aurait pu laisser supposer. Elle était d’ascendance divine, après tout. Malheureusement, le coup avait retiré sa capuche de sa tête, et ses cheveux d’un bleu azur, accordé au ciel, retombèrent sur ses épaules, encadrant ses joues d’un blanc pur. Une main, celle de celle qui l’avait heurtée, se posa sur sa bouche, pour l’empêcher de parler. The Moon se tu, attendant que la menace parte. Elle vit passer, non loin de l’endroit où elles se tenaient, une bande de policiers. Ils regardèrent dans leur direction. Comme elles se trouvaient dans le noir, elle avait des pouvoirs sur l’endroit, et une sorte de brume bleutée se leva, camouflant les filles. Les autres passèrent leur chemin. Aussitôt, la chasseresse envoya bouler son assaillante d’un coup de coude et se retourna pour lui faire face. Il s’agissait d’une jeune fille aux cheveux d’une teinte indescriptible. Le côté gauche de son visage était brûlé, et Artémis se souvint de l’avoir vue. Cela s’était passé la nuit, après tout. Doucement, elle murmura :
- Pauvre petite ange déchue, toi qui étais si pure et si innocente, mais qu’es-tu devenue…