Zuko Shiwotsi vivait dans une agréable et pittoresque maison de Seikusu. Cet homme assez âgé travaillait habituellement à la clinique de l’Olivier d’Été, un asile psychiatrique qui avait une bonne réputation, et qui avait toute une aile s’occupant des patients faisant l’objet de poursuites pénales. Shiwotsi dirigeait ce service, et était donc un homme assez respectable, assez influent. Il avait écrit une thèse sur l’irresponsabilité pénale, et affichait fièrement dans son bureau ses récompenses et ses distinctions honorifiques. Zuko Shiwotsi n’était toutefois pas un homme parfait, et l’un de ses fils avait un problème important : de solides dettes de jeux. C’est pour honorer ces dettes que Zuko, de temps en temps, rendait de faux rapports psychiatriques. Il recevait ensuite une coquette somme sur son compte en banque, et estimait ce marché tout à fait profitable. Shiwotsi n’avait pas d’état d’âmes, et son dernier mensonge concernait un criminel particulièrement dangereux, un pervers, Müller. La police l’avait traqué pendant des mois, avant de réussir à l’arrêter en flagrant délit. Un dossier en béton. Dix policiers avaient vu sa cave aux horreurs, avec lui en plein milieu, en train de disséquer vivant une jeune femme. Il y avait eu une telle avalanche de preuves qu’il avait fallu ajourner les débats contradictoires. Müller avait donc opté pour sortir une autre carte : l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Zuko avait donc rendu un rapport dans lequel il exagérait les troubles de son patient, en affirmant qu’une sanction pénale n’était pas adaptée pour ce dernier. Sans connaître tous les détails de l’affaire, il était convaincu que certains jurés avaient du être mis sous pression. Le résultat avait créé une vague de contestation forçant les agents de sécurité à évacuer la salle : Müller avait été déclaré coupable, mais irresponsable.
Et Shiwotsi était nerveux. Car il n’avait pas menti dans son rapport... Simplement exagéré les faits. Müller était un malade mental, un cinglé, mais il n’y avait que dans les films que ce genre d’individus pouvait être déclaré irresponsable. Dans la pratique, Zuko savait qu’il était très rare qu’un psychiatre déclare un patient inapte à être poursuivi. Il ne suffisait pas que le patient ait des troubles mentaux, mais que ces derniers soient tels qu’il ne fasse aucun doute que le patient n’avait aucune conscience de ses actes. Tel n’était pas le cas avec Müller. C’était un paranoïaque qui dirigeait une petite organisation criminelle, et qui exécutait lui-même les sentences. Il adorait enfermer les filles dans sa cave, et s’amusait à faire de la chirurgie sur elle, en les disséquant vivantes, après avoir laissé ses hommes s’amuser avec elle. L’enlèvement de son avocate témoignait d’une chose simple : Zuko avait intérêt à fuir rapidement. La police lui était tombée dessus dès que Müller s’était échappé, et l’avait cuisiné pendant des heures. Zuko connaissait toutefois ses droits, et ils n’avaient rien pu obtenir de lui. En réalité, le psychiatre savait très bien où Müller se trouvait, mais il n’avait pas envie d’affaire à lui. Il était donc temps de déménager très loin, avant que Müller ne vienne s’occuper de lui. Il avait déjà réussi à envoyer sa famille à l’autre bout du Japon, et comptait les rejoindre. Il ne craignait pas la police, seulement Müller.
C’était un tort.
Garant sa voiture dans son allée, il en sortit rapidement, la refermant. Il faisait nuit. L’homme se rapprocha de la porte de sa maison, quand il entendit un choc sourd derrière lui. Il se retourna, paniqué, et vit un colosse noirâtre se ruer vers lui. Les pas de ce géant faisaient trembler le sol, et une main énorme, avec des griffes, l’attrapa à la gorge, faisant mourir dans sa bouche son hurlement de panique. Il décolla du sol, à un ou deux mètres, et vit un géant de plus de deux mètres, avec une espèce de costume noirâtre recouvrant tout son corps... Et une énorme gueule avec des dents interminables et une longue langue.
«
OU EST-IL ?! » lui hurla alors la créature, de sa voix caverneuse.
Zuko n’eut pas le temps de répondre quoi que ce soit que le monstre, avec une force herculéenne, le balança en avant. Il passa à travers la fenêtre de son salon, la brisant, et s’étala sur la table de la salle à manger, renversant la nappe en tombant sur une chaise, la renversant également. Il eut à peine le temps de cligner des yeux que la porte d’entrée de sa maison fut arrachée de ses gonds, allant rebondir contre le mur d’en face, pliée en deux.
«
Mais... Mais que... ?! »
L’une des immenses mains du monstre agrippa le rebord de la table, et fit valdinguer cette dernière. Il constata alors que la créature avait deux énormes yeux blancs sans orbite. Des reflets dorés brillaient le long de son corps immense, et elle frappa avec le pied sur le sol, provoquant des lézardes.
«
MÜLLER ! rugit le monstre.
OU EST-IL ?! PAAAARLE !! »
Le monstre souleva à nouveau Zuko, et ce dernier, tout en vidant sa vessie, se mit à prier.
*
* *
Comme son nom le laissait suggérer, Müller était un étranger. L’enquête qui avait été faite sur le compte avait permis d’établir que son père avait fait partie des Jeunesses hitlériennes. Il avait survécu à la Seconde Guerre Mondiale, mais avait élevé son fils en suivant les préceptes hitlériens. Ensemble, ils avaient tué des clochards, les torturant. Son père était un chirurgien, et il savait donc maquiller leurs crimes pour ne pas se faire poursuivre. Malheureusement, le père de Müller avait fini par être repéré, et avait été jugé, et emprisonné. Son fils était parti au Japon. C’était un petit criminel notoire avec un goût prononcé pour le sadisme. Il dirigeait un petit gang, et adorait jouer avec les filles. Nathan avait fait partie des dix flics qui l’avaient arrêté dans son penthouse. On avait retrouvé de nombreux « trophées » dans ses placards, des corps et des cadavres. Se prenant pour un clone de Patrick Bateman, Müller invitait chez lui des prostituées pour les torturer. Le dossier était en béton, et, pourtant, deux mois après le jugement, il était libre.
Quand Nathan avait appris qu’il avait été envoyé à l’asile, il s’était félicité de ne pas avoir été à l’audience. Autrement, il aurait probablement perdu son calme, et laissé le monstre en lui s’exprimer pour déchiqueter Müller, ce connard de psy’, et cette salope d’avocate. Lorsque Müller s’était évadé, il était évident qu’il chercherait à se débarrasser de ceux qui l’avaient aidé à s’en sortir, afin qu’ils ne puissent pas le doubler. Ceci incluait Ashfield, l’avocate, et Shiwotsi, le psy’. La police n’avait pas été assez rapide (volontairement ou non) pour mettre Ashfield en sûreté, et un interrogatoire avait eu lieu sur le psy’. Ce dernier n’avait toutefois rien dit, et l’interrogatoire n’avait pas été très motivé. Secourir une salope qui s’amusait à libérer tous les cinglés que la police réussissait à coffrer ne motivait pas énormément la police. Le capitaine avait certes assuré aux médias que la police ferait «
tout ce qui était en son pouvoir » pour secourir l’avocate, la police cherchait surtout à arrêter Müller. Si l’avocate devait venir à mourir, ce serait un dommage collatéral regrettable, mais aucun flic n’irait à son enterrement déposer des fleurs.
Nathan avait donc décidé de faire cavalier seul. Il voulait s’occuper en personne de Müller. Depuis deux mois, il avait du mal à contrôler le monstre qui vivait en lui, cette bête qui menaçait de prendre le contrôle quand il perdait son sang-froid. Il avait laissé cette dernière s’exprimer devant Zuko. Terrorisé, le psy’ n’avait pas voulu parler, et Nathan, sans aucun réel regret, l’avait tout simplement
avalé. Le symbiote qui prenait le contrôle de lui avait envoyé des espèces de tentacules qui s’étaient enroulés autour du corps de Zuko, avant de l’envoyer dans son ventre. L’expérience était, paraît-il, relativement douloureuse pour ceux qui la subissaient, mais elle avait, pour Nathan, bien des avantages. Outre prendre l’apparence de celui qu’il venait de manger, il pouvait aussi avoir accès à ses souvenirs. C’est comme ça qu’il avait appris où Müller se trouvait.
Au volant de sa voiture, Nathan fonçait à travers la forêt, rejoignant une scierie désaffectée. Il filait à travers les bois, et finit par s’arrêter à quelques centaines de mètres de la scierie. Le flic sortit de sa voiture, et s’avança rapidement, coupant à travers les arbres, pour rapidement apercevoir les entrepôts de la scierie. Deux hommes étaient en train de fumer dehors, et un troisième se dirigeait vers une espèce de petit bungalow correspondant aux toilettes.
«
Ce qu’elle est bonne, cette fille... commenta l’un des hommes.
-
Tu m’étonnes. C’est pas pour rien que le chef veut s’en occuper en personne. »
Nathan évalua ses possibilités. Il pouvait toujours tenter une approche furtive, mais il avait envie d’en découdre. Il déposa donc son arme, et laissa parler sa rage. Une fine membrane noirâtre s’échappa de son ventre, se mettant à grossir, alors qu’il se mit à se déshabiller rapidement. La membrane noirâtre devint grisâtre, alors qu’elle recouvrait entièrement son corps, avant d’enfler et de grossir. Cette transformation ne dura que quelques secondes, et Nathan sentit une force nouvelle s’emparer de lui. Il observa les deux gardes comme de vulgaires proies, et fondit sur elles. Elles n’eurent que le temps de pousser quelques hurlements d’agonie.
*
* *
Il avait eu envie de se la taper dès qu’il l’avait vu entrer dans le bureau. Une avocate aussi sexy, franchement, ça court pas les rues ! Dès qu’elle s’était mise à parler, en lui promettant les conneries habituelles, il avait eu une érection, aussi solide que quand on lui avait présenté Ashley, l’étudiante américaine. Il avait eu envie de se la faire, à sa manière, dès qu’il l’avait vu, et, après leur entretien, il avait discuté par téléphone avec plusieurs de ses hommes, afin d’enquêter sur elle. Müller, contrairement à ce qu’on pouvait en penser, n’était pas un vulgaire
gaijin. Il connaissait plutôt bien Seikusu et la particularité de sa faune locale. La police pensait que l’homme dirigeait une simple petite bande. En réalité, Müller était le gourou d’une secte néonazie qui pratiquait des sacrifices rituels pour ressusciter l’âme d’Hitler, ou d’autres conneries du genre. C’était une sorte de variante extrémiste moderne de la société Thulé des années 1920’s.
«
Mademoiselle Ashfield, j’ai rêvé de vous emmener sur ma table d’opération, de vous faire... Partager mes petits plaisirs. »
Il avait du mal à se concentrer. Il était excité. Ses hommes avaient brillamment réussi toutes leurs missions. Ils l’avaient aidé à s’échapper de cette clinique de merde, et avaient capturé cette nana. L’enquête qu’ils avaient réalisé sur elle avait permis d’établir qu’elle avait des pouvoirs magiques. Rien de bien gênant, Müller savait comment traiter ce genre de situations. Il connaissait l’existence de Terra, et savait qu’il existait, sur ce monde, des matériaux permettant d’annihiler les effets de la magie, notamment l’obsidienne. Régulièrement, il implantait donc dans le corps de cette brave avocate un liquide à base d’obsidienne. Le résultat était efficace.
Ligotée sur une chaise, l’avocate avait ensuite été déplacée sur une espèce de long fauteuil, comme dans un cabinet de psy’, des sangles à ses poignets et à ses chevilles. Elle était entièrement nue. Bon prince, Müller avait laissé trois de ses hommes la sauter, avant de s’attaquer à elle. Le sexe ne l’intéressait pas. Il trouvait ça tellement... Tellement
primitif. Son père lui avait montré comment obtenir du plaisir. Il avait commencé par l’entailler très légèrement, simplement pour tester sa résistance, et il avait senti qu’il allait vraiment passer un bon moment.
«
J’aime faire la conversation avec mes conquêtes, Mademoiselle Ashfield, poursuivait l’homme en allant chercher différents instruments chirurgicaux.
J’aime être au plus proche de ces dames quand je m’amuse sur elles... Mais, ça, vous le savez déjà, après tout. »
On avait relevé des traces de sperme dans les cadavres des filles. Müller adorait jouir au milieu des entrailles. Il alla chercher un scalpel, l’observant silencieusement, et s’assit sur un fauteuil, juste en face de la femme. Il alluma une grosse lampe, afin d’éclairer le corps de la femme.
«
J’ai plusieurs petites passions dans ce genre d’activités. J’aime bien jouer au dentiste, aussi. Et vous... Vous avez des dents merveilleuses. J’aimerais bien les entreposer dans mon pot. »
Suivant cette idée, il reposa le scalpel, et s’empara de l’instrument qui faisait trembler tous les jeunes enfants en allant chez le dentiste : la fameuse roulette, la fraise dentaire. Il la fit démarrer, et le bruit si caractéristique de la roulette se fit entendre dans cette petite pièce.
«
Commençons... »
Il rapprochait lentement l’appareil... Lorsqu’il entendit des hurlements et des bruits sourds venant d’en haut. Agacé, Müller leva la tête, et entendit la porte métallique claquer rapidement. Ils se trouvaient sous un entrepôt, et il entendit un homme descendre rapidement l’escalier. Müller alla chercher son pistolet, et la porte de son cabinet s’ouvrit précipitamment.
«
Un... Un monstre nous attaque, Maître ! »
Müller ouvrit le feu d’emblée, abattant l’homme, le coupant.
«
Juste au moment où j’allais profiter de vous, Mademoiselle Ashfield... Où nous allions nous amuser. »
Il soupira, chagriné, mais entendit un autre hurlement déchirant. Probablement un Lycan, ce ne serait pas surprenant. Il aurait très bien pu tuer cette femme, mais il n’y tenait pas. Elle méritait qu’il lui montre tout son amour. Müller sortit rapidement, et emprunta une voie de sortie annexe, consistant à passer par des grottes.
*
* *
Les corps avaient giclé dans tous les sens, donnant lieu à une profusion d’hémoglobine. Il avait dévoré, tranché, massacré. Les balles s’engloutissaient contre sa peau gélatineuse, avant de tomber sur le sol, ne lui infligeant aucun dommage. Il était invincible sous cette forme, indestructible, et il se débarrassa rapidement des gardes. Il ne fut pas très propre. Là, il arracha la colonne vertébrale de l’un des tueurs. Là, il en souleva un avec ses mains, pour le briser en deux contre son genou. Il ne laissa aucun survivant, bondissant même sur une voiture. Des fugitifs. Il atterrit sur le moteur, brisa le pare-brise, et arracha le pilote à son fauteuil, avant d’envoyer sa tête se fracasser violemment contre un arbre.
Nathan avait ensuite repris sa forme normale, et récupéré ses vêtements. Il avait pris son temps, espérant que Müller tuerait l’avocate. Se rhabillant, récupérant son flingue, il descendit l’escalier métallique, s’enfonçant dans une espèce de couloir souterrain avec des lumières qui grésillaient au plafond. Il vit un cadavre près d’une porte, et s’avança lentement, le flingue en avant. Il s’avança dans la pièce, la balayant d’un geste... Et s’arrêta en voyant une femme ficelée sur le lit, nue, avec des traces de sang sur le corps.
«
Mademoiselle Ashfield ! » s’exclama, presque à regret, Nathan.
Il s’approcha d’elle. Elle était aussi belle qu’elle était une foutue salope. Nathan vit le cadavre. Müller avait du fuir en abattant l’homme. Il regarda ensuite la femme, réfléchissant rapidement.
*
Si je lui tire dessus, je n’aurais aucune difficulté à incriminer Müller pour ce meurtre...*
Il y songeait sérieusement. Pour lui, cette femme était une menace.
«
Donnez-moi une seule bonne raison pour laquelle je devrais vous libérer d’ici, et ne pas vous en coller une, pour avoir permis à ce malade mental d’échapper à la police. »