Akuunken… il l’avait forgée il y avait des siècles, des millénaires même… comme beaucoup d’autres objets d’ailleurs, mais pas des objets qui puissent être vraiment laissés à tout va. Cette arme était dangereuse, tellement traitresse… sa plus belle création après Anamaelle… oui, c’en était à ce point. Et alors ? Il avait de quoi être fier de sa création. Qui est l’allié le plus proche du manieur de sabre si ce n’est sa propre épée ?
Il avait créé toute une panoplie d’armes et d’objets susceptibles de desservir leur possesseur au moment le plus opportun, au moment le plus mortel… L’arme avait pour objectif final d’obtenir le sang de son possesseur, l’artefact s’en repaissait avec une soif inépuisable ! Chaque propriétaire mourait tôt ou tard…
La première fois qu’il avait laissé cette épée à un mortel, il s’agissait d’un roi… un puisant monarque qui avait refusé de lui envoyer sa fille en signe de respect et de sacrifice, une fille ravissante qu’il aurait volontiers brisé de ses mains. Mais au lieu de simplement faire s’abattre la calamité sur le royaume de l’intérieur, il avait décidé de lui offrir deux cadeaux : une vie longue : il ne mourrait ni de vieillesse, ni de maladie, et une arme. Oh, certes il avait bien amené le coup, fait colporter une légende aux oreilles de tous…
C’était ainsi que l’Atlantide avait sombré, le roi, après avoir pu entrer en possession de l’épée avait vu toutes les calamités s’abattre sur son fief au point qu’on lui conseilla d’abandonner le signe de son malheur… cette épée annonciatrice de malheur… mais outre sa faculté d’attirer les maux les plus incroyables, elle semblait aussi pouvoir ravir son possesseur, et semblait faire en sorte que le porteur s’y attache, comme un sou fétiche ou un anneau de pouvoir, ainsi, il ne s’en débarrassait jamais… Cet homme vécut longtemps avec cette lame à ses côtés, il déjouait la mort de justesse en permanence…. Cet homme finit par se déparer de son épée, à sa mort, assassiné dans son lit pour sa bourse, et l’épée fut vendue, entassée, égarée.
Rahemar récupéra l’épée et la cacha dans une ile, dans un temple abandonné, comme une relique en fait, ne changeant en elle que les runes du nom pour que personne ne se doute de rien : mizutatsu… celle qui rompait les eaux. C’était son nouveau nom. Et c’était bien des milliers et des centaines d’années qu’elle avait été retrouvée.
Toutes ces lames faisaient partie de lui en un sens, il leur offrait une partie de son pouvoir, aussi il savait en permanence où elles étaient. Ainsi, il savait que la masse était dans une armurerie, l’arc «était accroché à la gibecière d’un chasseur, l’épée était entre les mains d’une sorte de pirate sans navire, la lance était dans la vitrine d’un château. La hache se trouvait dans une forge, avec les deux poignards. Il ne savait pas ce qu’ils y faisaient tous les trois, jamais ils ne s’émoussaient, jamais ils ne s’abimaient. C’était aussi une partie du charme de ces armes dont nous en avons cité une infime partie bien évidemment.
Récemment, un guerrier avait retenu son attention : un homme brave, fort, puissant, le genre de personne qui aurait bien volontiers joué dans la cour des grands pour peur qu’il ait une épée célèbre entre les mains ! mais mourir à cause de celle » ci… ça avait un charme qu’il aimait particulièrement. Une fin stupide, tué par sa propre épée… cela l’amusait. Mais pour cela il fallait la récupérer. Et uk ne savait pourquoi, ce genre d’arme avait tendance à fuir leur créateur… il avait du louper quelque chose…
Le possesseur, la détentrice plutôt, ne fut pas compliquée à localiser ! Bien au contraire, puisqu’il savait où étaient ses armes, non le plus dur serait de l’approcher car l’arme le sentirait sans doute et chercherait à le fuir, au travers d’elle… mais une arme, aussi intelligente soit-elle, ne pouvait pas lutter contre certains dons divins…
Il était le dieu des apparences après tout… il modifia son apparence, jusqu’à ressembler à un vieil homme un peu décharné et se porta à sa rencontre. Il s’agissait d’un petit bivouac de quinze ou vingt personnes à tout casser, sans doute une caravane avec son lot de gens qui gravitait autour… elle était là, atuumken empestait à des lieux à la ronde. Il suffisait de la chercher. Et pour ça, il n’avait pas trente six solutions, chercher à l’ancienne, en posant des questions sans en avoir l’air.
D’un pas claudiquant, appuyé sur un long bâton, il avança vers un feu de camp pour s’y chauffer les mains. Le printemps était doux, mais pas assez pour être à l’aise à la belle étoile. Il s’assit avec les gens, souriant avec les quelques dents qui lui restaient….
« Bonsoir les jeunes ! Alors, pas chaude cette nuit… brrr… »
L’un des hommes éclata de rire, un rire sonore avant de lancer sur le ton de la taquinerie.
« Ben ouais, l’vieux…. Dommage que tu sois plus assez fport sinon t’aurais pu ptêtre te réchauffer avec la donzelle qui s’balade avec nous ! Qui sait, elle aurait ptêtre aimé le vénérable… 'fin bon, contente toi du feu l'ancien... »
Il eut un nouveau rire bien gras, accompagné par les autres avant que l’un des gardes de faction lance :
« Ben tiens, la vla qui r’vient d’son ptit tour dans l’bois ! Alors minette ? On a trouvé que’qu’chose qui t’fasse faire miaou ? »
Nouveau rire de concertt avant que le vieil homme qui dissimulait un dieu se tourne vers la jeune femme et lui lance :
« Bonsoir, jolie jeune dame… quelle drôle de compagnie vous avez là ! »
Il lui fit un sourire bien édenté, il lui en manquait pas mal, d’autres étient pourries et les dernières encore correctes étaient jaunes… quelle apparence détestable…