Il y avait bien des lieux sympathiques à visiter à Seikusu. Alice se tenait justement dans l’un de ceux-là : l’une des ailes de l’un des plus vieux châteaux de Seikusu, Muramasa-jo. Inspiré à l’époque d’Hijemi-jo, Muramasa-jo était un château en bois assez impressionnant, comprenant un donjon central et plusieurs bâtiments annexes. L’un de ces bâtiments était justement un musée consacré à l’histoire de Seikusu, et Alice avait décidé de son voyage sur Terre pour s’y rendre. Elle en avait entendu parler à plusieurs reprises, et voir un musée ne pourrait pas lui faire de mal. Comme il faisait plutôt froid dehors, elle portait une
petite tenue chaude, et observait les vitrines. Le musée comprenait plusieurs parties, et elle se trouvait dans une salle comprenant de nombreuses armes en vitrine. D’autres comprenaient des maquettes, relatant la construction historique de Seikusu, des tableaux, des tapisseries, des statues... Il y avait notamment dans cette pièce une armure ancestrale ayant appartenu à un célèbre
samuraï japonais.
Cet endroit était riche en cultures. Alice avait approfondi ses connaissances sur la Terre, en particulier sur le Japon. Elle avait découvert un pays vieux, aux traditions ancestrales, que les analystes terriens décrivaient comme un pays découpé en deux. Deux Japons se faisaient face : le vieux Japon, traditionnel, respectant des traditions lourdes, et le Japon jeune, moderne, tourné vers la technologie, avec des villes énormes, étouffantes. Un pays fascinant, du point de vue d’Alice, qui observa un curieux objet posé dans l’une des vitrines.
Un
kaïken. Le petit couteau était posé sur un écrin, et elle lut les informations se trouvant près de la vitrine. Le
kaïken était une arme symbolique dans la tradition japonaise. L’honneur avait une place fondamentale dans l’histoire japonaise. Dans le passé, les Japonais tombés en disgrâce pouvaient se suicider. C’était le
seppuku, mais les femmes des hommes déchus pouvaient également se suicider. Inversement, le rituel de suicide pour les femmes s’appelait le
jigai, et s’appliquait traditionnellement avec ce petit sabre. D’après les informations, cette arme avait été utilisée par une lointaine femme de Seikusu, qui s’en était servie pour se trancher la carotide. La Princesse eut un léger frémissement.
*
On dirait des Ashnardiens...*
Cette pratique se retrouvait parfois chez certains Impériaux très extrémistes, quand ils tombaient en disgrâce. Alice était à la fois horrifiée et fascinée par ce spectacle. Se donner la mort en raison d’une disgrâce sociale... Dans une certaine mesure, cette pratique lui rappelait les thèses d’un auteur terrien qu’elle avait lu, Durkheim, un auteur qui expliquait le suicide pour une question d’intégration sociale. Voilà au moins qui lui donnait raison... Alice continuait à observer le
kaïken, s’attendant presque à voir des gouttes de sang dessus... Mais il était nettoyé. La lame était là, propre, tranchante, mortelle.