Asami avait devant elle une assez grande toile, dans sa main un pinceau recouvert de peinture et aucune idée de ce qu'elle devrait faire. Assez évidemment, elle était en cours de peinture
Elle portait son uniforme comme chaque jour au lycée : Jupe plissée et veste du même bleu et en dessous une chemise blanche dont le col était couronné d'une cravate rouge. Comme à son habitude, cet habit flirtait avec la perfection : Aussi bien était-il impeccablement arrangé qu'il collait à merveille aux formes de la jeune fille : Ses jambes longues, fines et d'un blanc immaculé montraient leur beauté naturelle alors que ses formes, délicieuses sans être opulentes, étaient sublimées sans être révélées - Ce qui de toute façon ne plaisait pas à Asami. Ses yeux eux, plus que de leur vert majestueu et naturel, reflétaient la myriade de couleur qui jonchait la pièce. Sa chevelure, dont la couleur singulière semblait ici presque de ton, au milieu de toutes ces couleurs, était quant à elle libre : Si elle formait sur le front de la lycéenne une frange sur le côté, elle était pour le reste simplement lisse et brillante, se répartissant harmonieusement sur les épaules et le long du dos. Plus exceptionnellement, ses mains étaient par endroit tâchées de peinture : Sans doute car elle tendait à utiliser essentiellement ce type de couleurs, les tâches étaient quasiment toutes vives, bien que de multiples couleurs.
Malgré cette apparence pleine d'ordre et d'assurance, Asami n'était pas du tout à l'aise : Elle n'avait jamais réellement ni aimé cette matière, sans doute car elle n'avait aucun talent et n'y arrivait absolument pas. Cela ne l'empêchait cependant pas d'essayer, aussi gardait-elle la bouche entre-ouverte de concentration alors qu'elle se penchait légèrement pour plus se rapprocher de la toile, alors que son dos s'arquait du même coup légèrement pour que la jeune lycéenne reste tout de même en équilibre sur son tabouret. Lorsqu'elle butait sur quelque chose, elle soupirait doucement, et par de fréquentes pauses lorsqu'elle échouait à faire quelque chose, on pouvait deviner sa détresse, en plus des traces de ses échecs passés que constituaient les multiples tâches sur ses mains.
Après une bonne demi-heure de cours, Asami avait une ébauche d'oeuvre - En tout cas, d'oeuvre de son niveau - et, sans doute par un réflexe on-ne-peut-plus humain, elle voulut voir ou en étaient les autres élèves de la classe. Commençant d'abord par ceux qu'elle pouvait voir sans se tourner, elle finit par partiellement se retourner pour observer les élèves - Et surtout la façon dont ils peignaient, peut-être pour chercher quelqu'un de perdu comme elle - plutôt que les peintures, et finit par poser le regard sur une blonde légèrement derrière elle, sur le côté. Pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, après seulement un peu plus d'une seconde, Asami détourna aussitôt le regard pour se retourner vers sa peinture, la tête légèrement baissée et les joues rougies de ce qui venait de se passer. La jeune fille était troublée : Contrairement aux centaines d'élève du lycée, auxquels elle était plutôt indifférente et qu'elle croisait sans aucune conséquence chaque jour, cette camarade de classe sembla lui laisser une impression réelle. Évidemment, elle était blonde, quelque chose d'assez rare au Japon - Bien que venant d'une personne à la chevelure bleutée, cela était plus qu'ironique - mais ce n'était pas ça. Non, d'elle s'était dégagé une aura : Une image de simplicité et pourtant aussi de singularité, d'harmonie et de bonheur. À vrai dire, malgré le peu de temps passé à la contempler, Asami se souvenait avec une étonnante précision de cette lycéenne : Si elle était d'une certaine façon banale, sans une taille ni des formes hors-norme, cette impression de normalité amenait une grande harmonie dans son corps, comme si changer quoi que ce soit aurait nué à sa beauté. Aussi, cela ne venait pas que de son corps, son attitude ne faisant que renforcer cette impression : Alors qu'elle semblait profondément passionnée par ce qu'elle faisait, quelque chose de toujours appréciable à voir, même si Asami n'en partageait pas le sujet, elle était souriante - D'un sourire plus que ravissant - et détendue, comme si autour d'elle, rien sauf son pinceau, ses peintures et évidemment l'objet de toute son attention, sa peinture, ne semblait exister. Asami, pourtant peu enthousiasmée en général par la vue des peintures des autres élèves - Ni la sienne d'ailleurs, et, dans les deux cas, souvent à juste titre - elle aurait à cet instant adoré pouvoir contempler ce qui pouvait déclencher un regard si passionné chez sa camarade de classe.
Perdue depuis quelques instants dans ses pensées, Asami, encore l'air rêveuse et aux joues rouges, finit par se rendre compte de cette perdition et, maladroitement, retourna à sa propre toile, hésitant plus que jamais quant à quoi faire, et, encore légèrement troublée, séparait légèrement ses lèvres roses nacrées en ouvrant à demi sa bouche.