Skyfall «
Charmant... Vraiment... Tu comptes m’y ramener pour des vacances ? »
Sélène haussa les épaules, ne relevant pas le ton, sarcastique. Elles étaient très élevées, et, à cette hauteur, le vent faisait remuer leurs cheveux. Elles portaient de solides peaux de bêtes pour se protéger du froid extrême. De la neige tombait encore par intermittence, et le froid qu’il faisait était suffisant pour réfréner les ardeurs de n’importe qui. Il avait fallu à
Sélène et à
Acté plus d’une semaine pour rejoindre ce château planté dans les hauteurs. Maintenant qu’elles étaient face à lui, une impression surréaliste s’emparait d’elles. Les villageois leur avaient dit que Skyfall était un château immense, magistral, une sorte de défi fait à la Nature et aux Dieux. Bien qu’elles se soient mentalement préparées à ce spectacle, Skyfall restait très impressionnant à voir.
On l’appelait aussi «
Le Château par-delà la montagne ». Perdu dans les hauteurs, Skyfall était gigantesque. Ses immenses tours noirâtres se perdaient dans le ciel, semblant ouvrir les nuages, et les rochers qui flottaient au-dessus du château trémoignaient que les sortilèges magiques étaient toujours en vigueur à l’intérieur. Depuis leur position, Sélène et Acté pouvaient voir une série de ponts massifs en ébène, des fortifications qui se mélangeaient à d’énormes pics rocheux, et des flammes bleuâtres, témoins illustres de l’activité magique qui continuait à fonctionner dans ce château abandonné. Le Château par-delà la montagne était légendaire dans la région. Il s’appelait en réalité
Skyfall, mais on lui avait trouvé bien des surnoms. Sa construction était digne d’un conte mythologique, et reposait sur un savant mélange entre architecture et magie gravitationnelle. Les rochers énormes qui flottaient autour étaient des contrepoids magiques pour permettre au centre de gravité artificiel de maintenir Skyfall dans cette position. Les retirer amènerait Skyfall à s’écrouler. Silencieusement, les deux Amazones observaient cette impressionnante structure.
Bien des hypothèses variaient sur les origines de Skyfall, sans qu’il ne soit possible d’y apporter une réponse précise. Certains disaient que Skyfall avait été conçu pour permettre à un tyran despotique d’avoir une vue d’ensemble sur toute la région. D’aucuns affirmaient que Skyfall était une interprétation du mythe de la Tour de Babel, une construction divine ayant eu pour objectif de défier les Dieux. Quoiqu’il en soit, le Château par-delà la montagne restait une structure massive, virtuellement imprenable, mais qui était abandonnée depuis des siècles. Cependant, les sortilèges et les enchantements ayant permis au château d’exister, eux, continuaient à fonctionner. L’endroit était rempli de monstres, et de créatures encore plus effrayantes que de simples monstres.
«
Y allons-nous ? Il fera probablement plus chaud à l’intérieur, suggéra Acté.
-
Remontons le long de ce sentier. »
Acté et Sélène étaient passées par les grottes, par des chemins parallèles, qui avaient fini par les conduire près d’un long sentier qui serpentait au-dessus du vide. Si elles étaient venues jusqu’à Skyfall, ce n’était pas par pur plaisir de la promenade. Andromaque avait eu la rumeur qu’un objet sacré de la Déesse-mère se trouvait probablement à Skyfall. «
Probablement » était un indice suffisant pour convaincre les Amazones d’entreprendre un tel voyage. Il leur avait, en tout, fallu un mois pour rejoindre Skyfall. Elles avaient du explorer une montagne interminable, se reposant chez des trappeurs, dans des grottes, affrontant des loups, évitant de croiser les ours, se nourrissant comme elles le pouvaient, et survivant contre un climat austère.
Dans son dos, Acté sentait
Sparky, le petit Kobolt qu’elle avait récupéré à Micahualca, et qui semblait plutôt bien l’apprécier. Sa fourrure l’avait bien protégé du froid, et il avait été assez pratique, rapportant aux Amazones des fruits secs. Sparky était une aide indispensable, et Acté l’appréciait plutôt bien. La petite tête triangulaire du Kobolt jaillit de sous sa lourde peau, et un flocon se posa sur son nez.
«
Squuuuiiiiiii ! » s’exclama-t-il en retournant dans les interminables cheveux d’Acté.
Les deux femmes marchaient le long du sentier. Des bourrasques manquaient à chaque fois les faire tomber, et, à chaque pas, les énormes murailles de Skyfall se rapprochaient. Le château était vraiment impressionnant. Le chemin, très long, les amena près d’une poterne, mais elle était barrée, murée solidement.
«
Génial, maugréa Sélène.
-
Il va falloir improviser » lâcha Acté.
Les deux Amazones regardèrent autour d’elles. A gauche, un vide sans fin. A droite, un vide sans fin. Il y avait néanmoins d’autres chemins, de petits ponts naturels, des sortes d’attaches de rochers qui permettaient à Skyfall de se maintenir. En descendant par là, les Amazones trouveraient sûrement une entrée. Elles rebroussèrent donc chemin, revenant sur un îlot de pierres, et descendirent dans une espèce de tour de guet taillée dans la roche, avec un escalier en colimaçon. Le vent agressait leurs corps, s’enfonçait dans leurs entrailles. C’était une chance que les Amazones soient habituées à des conditions atmosphériques parfois rigoureuses. Elles avancèrent au milieu du vide, marchant presque à quatre pattes afin de ne pas tomber, et parvinrent à se glisser dans un trou dans la muraille. A l’intérieur, elles sentirent immédiatement la température se réchauffer, et restèrent là pendant quelques minutes, se frictionnant lentement pour se réchauffer. Elles finirent ensuite par se séparer de leurs peaux de bêtes.
«
Il est temps d’y aller, ma sœur. -
Je n’aurais pas dit mieux. »