La dernière bretelle du soutien-gorge céda et Voodoo l'enleva sans se presser ; elle savourait cet instant, sentant les regards braqués sur elle à ce moment précis. Attente douloureuse et délicieuse où l'on entraperçoit, durant un laps de temps à la fois très long et très court, comme un fragment d'éternité...
Cachant ses seins de son bras droit, elle fit tournoyer la précieuse pièce de lingerie de son bras libre et, après quelques secondes, le jeta à travers la salle.
Le temps sembla suspendu quand le sous-vêtement vola à travers les airs pour aller atterrir sur une table où se tenaient trois solides gaillards qui n'avaient pas vraiment le physique type de la clientèle habituelle.
La mutante se raidit alors qu'elle allait dévoiler ses appas plus qu'opulents : son ouïe surdeveloppée entendit les deux détonations sèches de l'extérieur et un sorte de signal d'alarme retentit dans son esprit. Quelque chose de grave allait se produire !
Elle rebroussa chemin, sous les regards interloqués des clients et du speaker ; elle n'avait pas fait la moitié du parcours que le bruit de rafale du pistolet-mitrailleur retentit dans la salle, provoquant une véritable vague de panique. Ce ne fut plus que cris et hurlements de terreur pure, couvrant la voix de Tina Turner...
Voodoo fut prompte à réagir : elle sauta de la table, évitant in extremis une volée de plomb, et se réceptionna au sol, derrière une table renversée, avec la grâce d'un félin. Le chaos et la confusion étaient à son comble mais elle remarqua, de sa cachette, l'un des trois individus qu'elle avait vus tout à l'heure riposter aux attaques des agresseurs. De toute évidence, ces derniers n'avaient pas choisis le bon moment pour s'attaquer au Dahlia Noir...
Un tueur passa non loin d'elle et, avant même qu'il ait pu recharger son arme, elle bondit sur lui et sectionna sa carotide en un éclair, après avoir transformé sa fine main gauche en griffe redoutable. Le sang jaillit à flots de l'ouverture béante pratiquée et le malheureux tenta vainement d'endiguer ce Niagara. Voodoo était déjà loin quand il rendit l'âme.
Alors qu'elle se rapprochait de la scène, elle vit le type de tout à l'heure tendre la main vers elle, lui faisant signe de s'approcher. Obtempérant, il lui demanda :
- Venez, ne restons pas là. Connaissez-vous une sortie qui soit dégagée ?
- Ouais, le rideau rouge : il mène aux coulisses puis à l'entrée des artistes. Le problème est qu'il faut grimper sur la scène et on ferait une cible facile. Ou alors il y a la sortie de secours a fond de la salle, près du couloir menant aux WC mais faut traverser toute la salle...
La situation n'était pas encourageante mais nullement désespérée : ce type savait se défendre, ainsi que ses deux acolytes ; par ailleurs, un groupe de quatre russes, menés par un type qui ressemblait un peu à Vladimir Poutine, en plus jeune, avait instantanément réagi dès les premiers coups de feu, renversant les tables et sortant leurs automatiques.
- Hum, l'entrée des fournisseurs peut également faire l'affaire : elle se trouve dans la remise, derrière le comptoir...