Tu n'avais même pas remarqué que Yoruichi était arrivée à côté de toi. Tu étais de nouveau perdu dans les méandres de tes pensées vaines. Existait-il un moyen de s'échapper de ce labyrinthe composé de souvenirs, d'éthique et de convictions ? Sans doute la jeune fille qui arrivait au loin était ton fil d'Ariane, sans que tu ne le saches. Elle te fit un petit signe de main, tu lui fis un petit signe en retour avec l'un de tes rares sourires. Avec un effort, tu te campas sur tes deux jambes et tu fis un pas en avant pour rejoindre ton assistante qui arrivait au loin. Purity An'Stream, qui n'avait pas la pureté que de nom. Elle était la seule personne qui arrivait à démontrer que ce que t'avait inculqué Hiro Atayoshi était faux : l'innocence existe.
Tu amorçais le deuxième pas vers elle lorsqu'une main prit la tienne. Tu ne pus résister à l'assaut qui t'envoya en arrière à cause de ta jambe ; l’instant d'après, des lèvres s'étaient collées sur les tiennes. Tu étais trop occupé à tenter de ne pas ressentir cette atmosphère négative qui émanait de derrière toi pour savoir ce qui se passait pendant ce temps. Une chose était certaine : quelques instants après, tu sentais une légère douleur sur ton avant-bras droit. Lorsque tu regardas, tu vis un long Y rouge sur ton avant-bras. Une pensée sombre te traversa l'esprit : tu ne connaissais aucun gommeur de cicatrices. Puis Yourichi se détourna, en traversant la route. Elle restait en vue.
Toi, tu te retrouvais pris sous un regard accusateur et furieux. En effet, la belle jeune fille à la chevelure noire parsemée de multiples mèches bleues transperçait ton crâne avec son regard azur, ses fins sourcils étant froncés dans une expression de rage intérieure. Tu n'en devinais pas la raison même si elle était évidente pour quiconque d'autre que toi : jalousie féminine accompagnée de la logique féminine qui s'ensuit : ELLE t'embrasse, je t'accuse TOI. Un silence des plus embarrassants fut brisé par sa voix si mélodieuse, tentant vainement de sembler menaçante.
-C'était qui, elle ?!
-C'est... une longue histoire.
Elle s'apprêtait à répondre tandis que tu te frottais l'arrière du crâne, embarrassé, mais le destin en décida autrement. Une sirène comme tu les connaissais bien s'approchait à grande vitesse de là où tu étais. D'instinct, tu sortis ton Beretta de ta poche intérieure lorsque tu te souvins de qui se trouvait sur le trottoir d'en face. Crissement de pneus. Bruit métallique. Lorsque tu tournas la tête pour voir ce qui se passait, tu vis deux choses à la suite. Le sourire enjoué de Purity, puis la voiture de police près du lampadaire, puis la dague sur le sol. Enfin, lorsque tu relevas la tête, un petit gros pointait une arme sur la tueuse.
Tu t'approchas lentement du flic, et tu t'interposas entre les deux. Purity te suivit, dépitée. elle savait ce que tu allais faire, et à son grand désarroi elle savait aussi que les flics ne pouvaient te le refuser à toi, Lyan Rose le procureur déchu. Tu pris tout ton temps pour toiser le policier, qui ne savait plus trop où se ranger : continuer à braquer la tueuse, ou ranger son arme dans le holster qui dépassait de deux montagnes de graisse ? Ton regard lui indiquait la direction à suivre. Dépité, il rangea son arme, mais sa voix partit avant le moindre coup de feu. Un cri instinctif, signe d'un honneur policier sans pareille. Amusé, tu regardas son nom. L'agent Kimiguri.
-Maître Rose, pourquoi ?!
-La suspecte, Yoruichi Shihouin, est sous ma juridiction. Je vous saurais gré de ne pas tenter d'interpeller une personne déjà interpellée.
-Mais, maître Rose...
-Vous contestez, Kimiguri ?
-Non, maître Rose.
Sur ce, le petit gros repartit dans sa voiture en laissant un rapport vocal à propos de l'arrestation de la tueuse en série. Quant à toi, tu t'étais retourné vers la tueuse et tu la transperçais d'un regard plus noir qu'une nuit sans lune. Ton bras droit se leva lentement, tandis que ton index se dépliait. Finalement, tu la pointais du doigt avec un air des plus accusateurs. Tu pris un peu de temps afin qu'elle reprenne ses esprits et soit capable de te comprendre, ce qui te laissa le temps de préparer dans ta tête ce que tu allais dire. Puis tes lèvres s'ouvrirent, libérant le venin des paroles incendiaires.
-La prochaine fois que nos chemins se croisent, cet index sera sur la gâchette de mon Beretta. Je te laisse la vie sauve pour aujourd'hui.
Puis tu t'en allas, l'air de rien. Purity, elle, resta devant la tueuse, une expression de folie meurtrière ravageant son joli minois. Mais ça, tu n'en savais rien. Tu n'entendis pas non plus les paroles de ton assistante, plus venimeuses encore que les tiennes.
-Je ne sais pas qui tu es, mais ne t'approche plus jamais de Lyan. Il t'a laissée en vie, et je respecte sa décision. Mais si je te revois, je te tue.
Tu ne vis pas non plus ta charmante assistante si innocente cracher juste devant la tueuse allongée, avant de revenir en courant vers toi. En plus de lui avoir retiré un allié, toutes tes actions avaient fait en sorte que Yoruichi Shihouin avait hérité d'un ennemi mortel des plus dangereux. Purity An'Stream, native de la rue elle aussi. On dit souvent qu'un papillon, en battant des ailes, peut créer une tornade. Cela valait aussi pour elle. Avec un petit soupir, tu commentas l'arrivée de ton assistante qui t'avait agrippé le bras et tournait sa tête vers la tueuse en lui tirant la langue.
-Qu'est-ce que tu étais partie faire ?
-Rien de spécial... je vérifiais certaines choses.
Un silence lourd se creusa durant la route vers ton bureau. Seikusu de nuit, malgré toute la dangerosité qu'elle apporte, reste un monument de beauté. C'est ce à quoi tu pensais en regardant rêveusement le ciel et le parc, au loin. Le vent qui passait dans tes cheveux ne t'aidait pas à camoufler les marques de la torture sur ton visage, mais tu t'en tapais. Après tout, la vie est faite pour être vécue, carpe diem, ce genre de choses. Le contact chaud de Purity ne t'aidait pas à chasser ces niaiseries de ta tête : elle était celle pour qui tu vivais, dans l'espoir de pouvoir lui rendre la pareille un jour. Ce silence, ce fut encore une fois Purity qui le brisa. Cette fois-ci, sa voix était douce et calme.
-Lyan ? J'ai quelque chose à te dire...
-Oui ? Je t'écoute.
Un deuxième silence vous sépara du reste de la rue dans laquelle vous étiez, si bruyante. Tu tournas la tête vers Purity, qui te regardait avec un grand sourire. Ce silence, en soi, était l'épilogue d'une après-midi passée à réfléchir à propos de choses qui ne t'avaient jamais fait douter. Tu ne croyais pas en l'amour. C'est pourquoi tu ne pouvais pas interpréter le regard de Purity correctement et que tu haussais un sourcil interrogateur. Tu voulais comprendre, une nouvelle fois. Tu ne pouvais pas comprendre, et ça t'énervait. Elle posa sa tête sur ton épaule encore valide et regarda au loin, ce petit sourire ne dépérissant pas. Finalement, ses lèvres s'ouvrirent et se refermèrent, le temps de deux mots.
-Non, rien...
Tu ne pouvais pas comprendre tout ce que cachaient ces deux mots. Ils étaient le symbole même du sentiment qui était de trop chez toi.