La mandragore n'avait pas été difficile à trouver. Le thym, non plus d'ailleurs. La branche de lauriers avait demandé davantage de recherches. Les feuilles de vignes avaient coutées assez cher. Le sucre de canne avait été vite acheté. Et les écailles de serpent marin étaient maintenues avec précaution dans un sachet de cuir noir. Tous les ingrédients que sa tutrice lui avaient demandé étaient bien là, réunis dans la besace de Sibylle. La liste qu'elle tenaient dans la main était barbouillée d'encre, raturée, pliée mille fois et déchirée par endroit. Sur ce papier usé se trouvait un mot, un dernier, inscrit tout en bas de la feuille. Une méche d'une siréne. La jeune prêtresse ignorait pourquoi ce point était important, au point que sa tutrice l'avait soulignée quatre fois, en quatre trait grossiers et appuyés, trouvant presque le papier. Mais une chose était sûre : Elle ne pouvait pas rentrer au Temple sans cet ingrédient.
Ainsi, sa sacoche solidement attachée à son épaule, Sibylle se rendit sur la plage. Jamais, avant, elle n'avait invoquée une sirène. C'est neuf, tout nouveau, comme un fruit que l'on déguste pour la première fois, avec curiosité & appréhension. Elle s'installa au bord de la plage, dans le courant de l'aprés-midi, vérifiant que personne n'était présent dans les alentours. C'était un recoin rocailleux, où le sable était plus blanc et plus glacé que la neige. Elle retira ses chaussures, vérifiant si sa toge tenait bon, et s'installa au tailleur. Sibylle essayait d'ignorer les grains de sable qui venaient crisser contre sa peau fine, brûlant presque son épiderme. Elle joignit ses mains, et prit une lente inspiration.
Et elle siffla. Un refrain. Un appel. Un sifflement qui mettait des mois à s'apprendre, et que seules les sirénes et créatures marines pouvaient entendre. Il n'y avait pas de vent pour venir la gêner, et sa longue chevelure rousse et bouclée reposait sagement sur ses épaules, durant toute la durée de ce rite.
Le but était de siffler, jusqu'à ce que l'une d'elle n'arrive. La respiration devait être parfaitement contrôlée, afin de ne jamais faire cesser cette mélodie silencieuse. Rien, non, rien ne devait interrompre cet appel. Sibylle, en même temps qu'elle sifflait, s'efforçait de souhaiter en son fort intérieur qu'une de ces superbes créatures aquatiques accepte de l'aider, de lui fournir une méche de cheveux afin qu'elle puisse créer ce philtre qu'elle peinait à aboutir. Un instant, elle cessa, reprenant une lampée d'air, scrutant les horizons avec précaution, avant de siffler à nouveau, pour attirer à elle quelques sirénes.