Posant ses mains sur le fauteuil, Rachel le poussa. La boucle était bouclée. Elle n’était plus au lycée Mishima, mais dans les profondeurs du bunker militaire d’une base américaine, recommençant à tirer un fauteuil. Cependant, il y avait assez peu de risques que le bunker soit attaqué, cette fois-ci. Elle s’avança dans le couloir, tout en esquissant un léger sourire devant la première remarque de Drake.
« Mon père fait le coup à tout le monde, ne t’en fais pas. Ça doit être sa manière de me montrer qu’il tient à moi. »
Chez les Hawkes, on n’était pas très doués pour ce qui était de dévoiler ses sentiments. Ce n’était pas l’habitude de la maison, et les Hawkes avaient une longue tradition de mariage arrangé. Les genres de points noirs qu’on évoquait pas vraiment à Thanksgiving. Rachel savait que son père avait rencontré sa mère à West Point, dans des circonstances qui étaient encore floues. Rachel n’avait vraiment réussi à en savoir plus, car elle soupçonnait que, pour la voir, son père avait du s’asseoir sur quelques règles disciplinaires, comme faire le mur en douce pour aller voir sa bien-aimée. Le genre d’informations qui auraient tout à fait pu finir dans People, et qui expliquaient sans doute pourquoi son père éludait la question, de même que sa mère. Pour autant, Rachel était convaincue qu’ils s’aimaient... Mais, après tout, les enfants pensaient toujours que leurs parents s’aimaient profondément, et Rachel n’était pas très maligne sur ce point.
Le duo s’avançait dans un couloir. Les bunkers étaient des endroits assez déprimants, avec une succession de couloirs aux murs gris et nus. Il y avait des lignes de couleur différentes filant le long des murs, menant à différents secteurs, et, dans certains couloirs, on avait installé des plantes vertes, des téléviseurs à écran plats, afin d’essayer d’égayer un peu l’ensemble. Les rares fenêtres visibles, comme dans le complexe hospitalier, donnaient sur les épaisses grottes dans lesquelles le complexe avait été construit, peu après la Seconde Guerre Mondiale, afin de soutenir la reconstruction du Japon. Seikusu Base Camp était bâti sur une ancienne base militaire japonaise datant du Moyen-Âge. Il n’était donc pas rare de croiser des Japonais dans le bunker.
« C'est gentil, ce que tu as dis sur moi dans ton rapport. Est-ce que si je t'invite à bouffer sous couvert de remerciements, tu accepteras ?
- J’ai été objective, tout simplement... Même si je me rends subitement compte que j’ai oublié de mentionner certaines œillades, précisa-t-elle alors, en souriant légèrement. Tu as su rester calme, c’est ce que j’ai indiqué, tout simplement. »
Elle continuait à avancer le fauteuil, saluant de la tête quelques individus qui passaient par là.
« Quant au repas... Bien que ça ressemble fortement à un rendez-vous, je vais prendre le risque d’accepter. »
Les dîners, c’était une tradition, après tout. Elle reprit ensuite sur les premières questions de Drake, revenant à celle qui l’avait marqué : Barbara. Rachel pouvait comprendre son émoi : voir une femme en fauteuil roulant lors d’une réunion d’une agence paramilitaire, ce n’était pas courant.
« Barbara est loin d’être une secrétaire, sourit donc Rachel. Elle vient de Gotham City, et elle a... Une longue histoire. C’est un externe. Elle ne travaille pas directement pour le SHIELD, mais nous rend service, alors elle assiste à ce genre de réunions, et à certaines opérations spéciales. »
Rachel connaissait le dossier de Barbara, pour l’avoir lu, mais les deux femmes ne travaillaient pas vraiment dans les mêmes services. Rachel était envoyée pour faire le ménage, pour casser des mutants, alors que Barbara traînait plutôt auprès des agents spéciaux du SHIELD, les « inspecteurs du paranormal ». Spécialisée dans la lutte contre la cybercriminalité, Barbara, sous le surnom d’Oracle, n’avait pas fait qu’aider Batman à arrêter des criminels dans les rues de Gotham, elle avait aussi soutenu le FBI à plusieurs reprises, ainsi que d’autres polices connues, comme Interpol.
« Et elle agit aussi sur le terrain. Son cas est un peu plus compliqué que le tien, mais je pense que le mieux est que tu lui en parles directement. »
C’est probablement ce qui amena Drake à se décider à la voir, puisqu’il lui lâcha :
« Je vais aller voir cette Barbara. On verra bien ce qu'elle pourra me dire sur le handicap au sein du SHIELD ! Chauffeur, conduisez moi à elle, je vous prie ! »
Elle sourit, et le tapa gentiment sur la tête.
« Attention, je pourrais réclamer un pourboire. »
Barbara aurait sûrement suivi Cunningham vers la partie scientifique. N’étant pas agent, elle n’avait pas un bureau attitré, ce qui, de toute manière, lui aurait été bien inutile. Barbara disposait, chez elle, d’un ordinateur perfectionné, mis au point par le service technique de Wayne Enterprise. Un appareil dernier cri, flambant neuf. Rachel s’avança donc vers la partie scientifique, et apprit que Barbara Gordon se trouvait effectivement dans l’un des laboratoires, faisant des recherches informatiques sur un ordinateur.
La porte du laboratoire, comme dans un film de science-fiction, était une porte vitrée qui s’ouvrit en coulissant. Barbara se retourna lentement.
« Navrée de te déranger pendant ton travail, Barbara, mais j’avais quelqu’un qui voulait impatiemment te regarder. »
Barbara cilla brièvement des yeux, avant de rehausser d’un doigt ses lunettes, et d’hocher lentement la tête.
« Ah, Drake. Bonjour. Et bien, entrez donc, je lançais juste des diagnostics informatiques. »