La nuit tombait doucement sur l'étendue rocailleuse qui se perdait désespérement à l'horizon, grapillant les derniers degrès chaleureux d'un soleil qui avait cogné comme un sourd sur le désert tout au long de la journée. Bientôt, la nuit étendrait son manteau glacial et endormirait le pauvre paysage sous une chappe de froid mordant. Les petits insectes et autres bestioles s'étaient déjà faufilées sous les rocs pour y trouver un endroit où passer la nuit et la vie -bien que le terme revête ici un sens tout relatif- avait quitté la lande.
Où presque, puisqu'une silhouette encapée avançait d'un pas décidé, probablement à la recherche d'un abri de fortune où elle aurait pû se protéger de la rigueur des nuits désertiques.
Lamento, car c'était lui, avait fait une erreur de débutant. Entamer une route peu sûre sans provisions et sans même l'esquisse d'une carte... Non, vraiment, il avait été bête. Trop heureux de pouvoir arpenter une voie qu'il ne connaissait pas, le vagabond avait laissé ses pas se perdre dans ce désert de roches arides. Retourner en arrière n'aurait servi à rien, aussi le borgne avait il préféré avancer bille en tête, persuadé qu'il ne pourrait pas se faire surprendre par la nuit. Quelques rochers en saillie auraient suffit à constituer un abri, mais là encore il avait joué de malchance.
Fort heureusement, notre aventurier été parvenu à tuer deux serpents, ce qui l'assurait d'un repas, voir même deux en se rationnant. Du bois pour le feu ? Il en gardait quelques brindilles dans la sacoche qu'il portait généralement à la ceinture, même si il n'aurait pas rechigné à enflammer quelques bûches. La magie l'aiderait, de toutes façons... Pour ça, il ne s'en faisait pas. La question de l'abri en revanche était plus inquiétante car déjà le froid lui cinglait la peau.
Trouver un endroit pour se réchauffer durant la nuit devenait vraiment urgent.
Grelottant, emmitouflé dans sa cape pourtant relativement épaisse, le borgne réalisant que ses mains étaient trop engourdies pour lancer seulement des sorts. Le feu magique ? A oublier ? L'abri aussi, visiblement. Mince... Il allait risquer de mourir de froid... Dans le désert ? L'ironie avait pour le coup un goût franchement amer. Ses solutions se réduisaient considérablement, comme ses chances de survie. Réfléchir, vite ! Fouiller ses poches sans que ça serve réellement à quelq... Si.
L'anneau magique. Celui qui pouvait ouvrir des portails magiques.
Un portail vers quoi ? La destination l'inquiétait un peu, mais dans ces circonstances ça risquait de ne pas être vraiment pire. Une seconde d'hésitation avant qu'il ne l'active, insufflant un peu de magie à la pierre sertie sur le corps d'argent. Le portail crépita, sorte de fracture de verre dans l'air, de la taille d'un homme.
Le vagabond s'y jetta, espérant ne pas faire l'erreur de sa vie.
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Si l'Enfer était la destination du portail, c'était loin de la vision que s'en faisait le borgne. L'enfer était une pièce spacieuse, sobre et rassurante. Oui, c'était le mot. Elle lui évoqua une sorte de cocon, avec cette grande bibliothèque murale couverte de beaux ouvrages reliés en cuir. Le sol était recouvert d'une moquette épaisse qui étouffait le bruit de ses pas et les murs étaient couverts ça et là de cadres encadrant des diplômes. Lui ne comprenait pas les mots inscrits mais sentait qu'il y avait là quelque chose de prestigieux. Un instant, il s'arrêta devant les fenêtres et marqua un moment d'hésitation. Des tours de pierres illuminées ça et là en petites cases ! Des carosses sans chevaux, plus bas dans la rue ! Drôle de pays... Et pas sur Terra, il en était à peu près certain.
Bon... Le seigneur des lieux semblait absent. Pourquoi ne pas passer lui nuit ici, dans son office ? Lamento aurait disparu au matin par le biais de la bague. Au dehors, la nuit semblait déjà correctement avancée et le vagabond doutait qu'un seigneur revienne consulter quelques grimoires. Alors il s'installa. Prenant quelques magazine posés sur une table basse, il fit un feu sur la moquette sans hésiter, avant de s'installer pour dépecer ses serpents et les mettre à cuir comme il le pût. D'un coup, Lamento planta son épée dans le sol et s'en servit comme dossier pour manger, avant de reperer un meuble qui l'attira tout de suite. Une sorte de divan, quelque chose qui semblait tout désigné pour passer la nuit. Une couche de roi, pour lui !
Repus et rompu par la marche de la journée, Lamento se décida à aller dormir. Otant cape et bottes, il s'allongea sur le divan tout en gardant sa dague tout à côté de lui ,volontairement dissimulée et prompte à être dégainée. Son épée elle dormirait face au feu qui mourrait tranquillement, les flammes se reflétant dans l'acier un peu terni.
Le borgne baîlla largement avant de laisser Morphée l'entourer doucement de ses bras. Il avait bien mérité un peu de tranquillité, non ?