Nom : Un artiste ne dévoile jamais son identité.
Prénom : Christ.
Profession : Artiste plasticien.
Âge : 28 ans.
Je ne suis pas d’une beauté étonnante, ni d’une laideur frappante. J’aime beaucoup mes yeux, vert absynthe, et je ne reviendrais pas là-dessus. J‘en profite pour faire peur aux gens, les faire plier, flipper, c‘est excellent. Et sadique, oui. Je suis assez grand, profil d’un européen en pleine santé, avec des cheveux courts châtains, et une petite tresse sur le côté. Je ne porte que des vêtements … recherchés, disons. Et souvent issu d’un ancien temps, comme celui des années Moulin-rouge ( regardez donc ce film, vauriens ! ). Je peux paraître gentleman, j’en suis parfois un, mais chaque homme a ses défauts. Alors il m’arrive de devenir tout, sauf gentleman. Pour le reste, j’ai une voix grave mais pas caverneuse, avec un accent anglais-allemand-belge-français foireux. Je me trompe souvent de mots, d’ailleurs, mélangeant les genres, les langues …
Mon caractère ? … Nihiliste, cynique, parfois compréhensif, parfois emmerdeur. Aimant la bonne nourriture, la bonne musique. Ouvert d’esprit, pas bien méchant, mais me prenant pour un philosophe un peu trop souvent. Rêve de refaire le monde. Devrait fumer moins, parfois, boire moins même. Et arrêter de ne pas s’attacher, et de vouloir tout le temps dégager. Faudrait que je sois moins instable, aussi. Et que je cesse de me croire capable de tout, immortel, parce que ce n’est pas le cas. Enfin, au moins, je ne suis pas nostalgique. Ni imbu de moi-même, non plus. Vu que je ne prend rien au sérieux. Même pas les gens autour de moi, ni mon boulot ... Je ne me rends compte de rien. J'ai ma bulle, et pas d'attaches.
Depuis combien d’années suis-je en vie ? Une bonne vingtaine d’années. Non, davantage. Je dirais, à tout casser, une maigre trentaine d’années. Ce n’est pas très lourd, trente ans. Juste un peu, sur la conscience, de temps en temps, quand on constate ce qu’on laisse derrière soi.
Je me nomme Christ. Je ne sais toujours pas comment prononcer mon prénom. Mon père s’évertuait à m’appeler « Kriss », et ma mère « Krisst ». Comme un nouveau Messie, voyez-vous. Son chapelet devait bien l’étouffer, d’ailleurs, pour qu’elle ait de telles idées. J’ai souvenir qu’elle me lisait la Bible avant que je m’endorme. Diable, que cela était pénible … Je voyais cela comme un conte, au départ. Mais quand je me suis rendu compte de ce que ce « conte » engendrait, je me rendis compte que cela était beaucoup plus dangereux. ( Cette phrase sonne comme un exercice de diction, non ?)
Bref, mon nom est empreint de la candeur et de la naïveté de ma mère. Non, maman, je ne suis pas devenu un grand homme. Je n’en serais peut-être jamais un, mais cela n’est pas pour me gêner.
Mais je vais vous raconter qui je suis, sans doute comprendrez-vous mieux.
Je suis né quelque part au Pays de Galle, dans un village qui suait et respirait la religiosité, le sacré, le mysticisme. Herbe verte, pluie fréquente, longues escapade au creux des lacs et au sommet des monts était mon quotidien. Avec le temps, je pense même ne pas avoir guérit de cet amour pour l’aventure et le recueillement au pied d’un chêne massif. Non sans que cela soit virulent, j’ai toujours respecté la nature. Au moins la seule chose que je respectais, en tout cas. Bref, j’ai passé de ma naissance à mes 10 ans au Pays de Galle, puis deux ans en Ecosse. Une brusque envie de voyage poussa mes parents à … voyager. En Ecosse. Très (peu) dépaysant, en vérité. Mais cela me permit de perdre mes amis et ma première amoureuse. Elle était belle, vous auriez dû la voir. Ma mémoire me permet encore de retracer le contour de son corps pâle, et je revois ses longs cheveux blonds qu’elle essayait de nouer autour de son visage parsemé de taches de rousseur.
Je connus un pâle bonheur en Ecosse. Tout ce que je voulais, c’était ne pas aller en Angleterre. En bon Gallois, puis Ecossais, je n’étais pas attaché au pays qu’était l’Angleterre. Limite, je les haïssais. Tradition familiale, que voulez-vous. Les racines, c’est-ce qui est le plus dur à détacher de la terre.
A 13 ans, ça commença à être sérieux : nous sommes partis en Allemagne. Vers Munich, tout en bas de l’Allemagne, là où se trouvait la « Forêt noire » dans laquelle je me perdais parfois - toujours - avec mes frère et sœurs. Grande famille, oui. Je peux me vanter d’être né pile au milieu : 2 grands frère, 2 petites sœurs. Que je protégeais comme je pouvais. Je dus apprendre à parler Allemand, et de toute façon cette escale fut la dernière que nous fîmes. Munich était la terre d’accueil de mes parents.
Mes études se limitèrent aux Beaux-Arts de Munich, et à quelques cours d‘anthropologie glanés dans une faculté où je n‘étais pas inscrit, durant 6 ans. J’en sortis donc à … 23 ans. Ce fut 6 ans de pure folie : entre mes voyages en Belgique et en France, mes soirées enfumées, mes cours passionnants, mes beuveries sans limites, mes aventures et mes lectures. J‘avais - et j‘ai toujours - la bougeotte, ne supportant pas de rester en place, aussi bien sentimentalement que physiquement. J’alignais un concours pour être professeur, qui ne m’ouvrit que peu de portes. Je terminai donc, pour ne pas changer, professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Munich. Tout le monde partit, autour de moi ; frères et sœurs, et même parents. Je passais donc une bonne partie de mon temps dans mon école, à supporter des élèves hautains ou peu confiants. Je cassais les premiers, sauvait les autres, comme on m’avait appris dans ma bonne tradition.
A 25 ans, je stagnais à Munich. Ma vie amoureuse était quelques histoires sans aucune attache, qui duraient quelques mois, ou des semaines à faire l’amour à des étudiantes qui me séduisait, que je séduisais, sans aucune honte. Je n’eus pas énormément de succès, je vous l’accorde. Enfin, pas tant que ça. Et puis, séduire une élève n’est pas chose compliqué. Je n’aimais pas tant que ça l’idée de les manipuler, mais leur fraicheur et leurs sourires m’étaient une drogue. Donc, à 25 ans, je partis à Paris un an, pour donner des cours. Un échange entre nos écoles. J’y fit quelques bonnes rencontre, et surtout celle qui changea une partie de ma vie. A Paris, j’eus l’opportunité d’exposer, enfin ! Mes installations, mes machines … Je gagnai, en une année, une renommée qui me permit de planter mon boulot de professeur, et de partir à l’assaut du monde. Et de développer mon style, tout comme ma renommée.
Du monde … Disons cela. Les pays asiatiques m’avaient toujours enchanté. Je fis Chine, Taiwan, Vietnam, Thailande, Inde, et finalement Japon, ayant trouvé un job parfait, comme professeur - à nouveau … - dans la meilleure école des Arts, sur une terre fantastique. Tout en continuant à exposer, évidemment … Mon prénom attire mystères et curiosités, je dois l’avouer.
... Tant mieux.