L'heure est grave.
Hana voyait Dante aussi sérieux de manière assez rare, en réalité. L'italien contrôlait toujours tout, du moins en donnait-il l'impression. Et sa nièce était toujours fascinée - même si elle ne l'avouera jamais - par cette assurance qui caractérisait autant le grand blond. Cependant, aujourd'hui, c'était différent. Ses espions avaient ramenés des rumeurs inquiétantes, et fondées, des jours durant. Un homme pensait pouvoir faire concurrence à son empire - pardon, celui de sa fille / nièce - dans sa ville - enfin, plus ou moins... Et cela, Dante ne l'aimait pas vraiment. Pire que cela ? L'homme, sobrement appelé "Monsieur" semblait y parvenir avec une facilité déconcertante. Il fallait agir, après avoir laissé tout cela mariné des jours durant. D'ailleurs, l'Italien fit quelque chose de totalement improbable : il appela le côté japonais de la famille de Hana. Il fallait savoir que seule la jeune fille liait ces deux clans, qui ne s'appréciaient que peu, voir en réalité, pas du tout. Hana Rachele, elle, était plutôt contente de voir ses oncles japonais, en particulier ce Kotaro, grand oncle, qui tenait davantage du gentil papy gâteau. Difficile de croire que cet homme avait été à ce point un monstre, à une époque, et qu'il était toujours très imaginatif en terme de tortures...
Cependant, l'heure était grave. Le temps qu'ils se décident, Hana décida qu'il fallait que quelqu'un s'occupe de ce Monsieur, et de lui signifier qu'ici, il y avait déjà quelqu'un, et que l'air de la côte lui ferait du bien. D'une autre côte que celle de Seikusu, en tout cas. Revêtant son costume violet, son masque, Hana se faisait déjà une joie à l'idée de la merveilleuse soirée qu'elle allait passer, à castagner du vilain, à briser du sbire. Elle allait s'amuser comme une petite folle, et c'est d'ailleurs en riant qu'elle chevaucha sa moto, et qu'elle parcourut - très discrètement, donc - les rues de Seikusu. La soirée allait être bonne, oui.
- Doucement, doucement... Je viens de passer une heure avec une esthéticienne, et elle a eu un mal de chien à me faire de beaux ongles comme ça...
La belle rousse qui lui faisait face lui caressa la joue avec le manche de sa cravache, dans un geste tendre dégoulinant d'ironie. Un nouveau coup partit, évidemment. Huntress ne broncha même pas, et soupira, juste. Aaah, elle était belle, la soirée ! Hana aurait préféré que cette cravache serve à autre chose, tout comme le fouet et autres joujoux du même acabit que tenait la femme. Hunt' avait voulu se mesurer à Superboy, croyant que Monsieur avait, lui aussi, un champion - quoique la justicière masquée n'était pas vraiment à la solde des Ochinoe / Bertinelli officiellement. Car dans la réalité, Dante voulait faire la peau de "la garce en violet", même si elle protégeait ses dealers. Bref, le beau brun se révélait être, finalement, l'autre comité d'accueil pour Monsieur. En fait, ils s'en rendirent surtout compte quand ils tabassèrent, de concert, quelques sbires venus les arrêter. Ce moment purement jouissif fut trop court, évidemment.
- Merde !
Et voilà. La rouquine était passée aux choses sérieuses. Un coup vraiment mal placé, et Hana sentait que l'auriculaire, l'annulaire et le majeur gauches étaient brisés, au pire. Au mieux, simplement douloureux. "Soirée de merde !" Trop vite submergés, Huntress avait fini par rendre les armes, bien malgré elle. Ce qu'elle pouvait détester perdre ! Et là, sa flamboyante geôlière s'en donnait à coeur joie de la tabasser, de lui faire subir mille supplices qui ne lui arrachèrent que des grognements. "Je devrais lui dispenser quelques cours de torture. Quoique mon oncle serait un bien meilleur instructeur..." Les mains attachées dans le dos, suspendue au plafond par une chaine, Huntress pensa à la douloureuse torture des sorcières, dans un autre temps. On les suspendait ainsi jusqu'à ce que les épaules ne lâchent, et que les bras se brisent et se détachent du tronc.
"Tu es d'humeur rose, ce soir, Hana !
Elle eut un léger rire, alors qu'intérieurement, il fallait le dire, elle douillait sérieusement. Et voilà que la belle rouquine change de stratégie. Un baiser, auquel Huntress répond - hey, faut bien se faire plaisir, non ? Et au moins, pendant ce temps, elle oublie qu'elle souffre la mort - avant de se voir gratifier de quelques explications sur son avenir tout proche. Hou là... Un avenir pas très réjouissant. Prenant un petit air malheureux, Hana murmure :
- Donc si j'y reste, on ne se reverra pas ? Oh, ne t'en fait pas : je viendrai te rendre chaque coup, beauté. Et c'est toi qui sera dans cet immeuble, avec ton patron, pour vous envoyer en l'air lors du bouquet final.
Un dernier coup - Putain, j'ai mal... - et voilà Huntress, le costume en lambeau, suspendue au plafond par une chaine comme un vulgaire saucisson, à gémir, à présent qu'il n'y a plus de témoin, de douleur. Oh, elle ne va pas pleurer, il ne faut pas exagérer. Bon, faut déjà se sortir de là. Et, éventuellement, retrouver le beau brun, bien que ça, ce ne soit qu'une option qui dépendra du temps qu'elle mettra à se défaire de ces chaines.
Bon, déjà, tenter de se redresser, pour avoir les pieds au sol. Son dos est trop douloureux, au point que l'effort lui arrache un grognement un peu plus fort, et - merde... - quelques larmes. Bon, après quelques efforts infructueux pour toucher le sol, Hunt' se tortille pour attraper, des doigts de la main droite, un truc pour crocheter le cadenas. Cela lui demanda encore quelques trop longues secondes, avant que ses doigts encore valides ne l'informent que non, il n'y a pas de cadenas.
- Je déteste les rouquines.
Ca, c'est dit, mais ça ne sert pas à grand chose, sur le coup. Hana se tordit le cou pour voir la chaine attachée à un crochet descendre, lui saucissonner les poignets et la moitié des avants bras, et remonter. La boucle est bouclée, et la justicière est dans la merde. Dans un moment de lucidité incroyable, la voilà qu'elle se met à jurer en italien en remuant dans tous les sens, cherchant à savoir qui, de ses bras ou du crochet, sera le plus solide. Merde, pas question d'être la demoiselle en détresse qui se fera sauver !! Le crochet étant trop solide, Hunt' veut tenter autre chose. Faisant fi de sa douleur, elle commença à se balancer, cherchant à atteindre des pieds la table où sa geôlière a posé ses instruments de torture. Histoire de l'attirer au centre de la pièce, se poser dessus, et se défaire de ces foutues chaines.
Ouais, sauf que le temps d'y arriver, enfin, la porte s'ouvre... Et avant même de chercher à savoir qui c'est - persuadée qu'après tout, la rouquine a décidé de garder son joli petit cul intact ou au contraire, d'y remettre une petite couche de jolies zébrures rouges - Hana appuie ses pieds sur le bord de la table fraichement acquise pour la pousser de toutes ses maigres forces qui restent contre la porte pour la refermer brutalement, beuglant un poétique :
- Casse toi, connasse !!
Ha. Elle est bien bête, là. Va falloir jouer à nouveau à la balançoire pour la récupérer, sa table. J'aurai mieux fait de rester chez moi, tiens.