William se tenait sur le perron d’un petit pavillon de la banlieue de Kyoto. La maisonnée située sous un pont où passait périodiquement le Shinkansen était modeste sans pour autant transpirer la misère. En la regardant on s’attendait à ce qu’une mégère en peignoir et portant une charlotte qui amplifiait le manque d’entretien flagrant d’une beauté inexistante, sorte pour lui demander ce qu’un « bourgeois » comme lui faisait là. Bref, c’était la maison du peuple en apparence. Pourtant, si William était là c’est que cette maison n’était pas si banale que cela.
Le juriste frappa à la porte vitrée et attendit qu’on lui ouvre. Il aperçut alors une petite bonne femme d’une cinquantaine d’année aux joues tombantes et à l’air peu commode qui lui demanda à travers le carreau ce qu’il voulait. Dolan lui expliqua alors qu’il avait rendez-vous avec monsieur Ichida. La petite bonne femme consentie à lui ouvrir sans pour autant lui permettre d’entrer, faisant un rempart de son corps imposant.
-Tomo ! Brailla-t-elle en tournant la tête vers l’intérieur de la maison. Qu’es t’a encore fait ? Y’a la CIA à la porte.
-En fait, je suis avocat, s’empressa de glisser Dolan tandis que la mégère reprenait sa respiration. Votre fils n’a rien fait. Je requiers simplement ses services.
Ce qui semblait être la mère du « très respecté » monsieur Ichida, jaugea Dolan de haut en bas avant de pousser un ricanement désabusée. Elle se poussa tout de même, permettant à l’avocat d’entrer dans la demeure qui sentait les excréments de chat.
-Je me demande bien ce que mon bon à rien de garçon peut offrir comme service, grogna la maitresse de maison. Il est là-dessous – fit-elle en désignant une porte qui descendait vers ce qui devait être une cave –.
Elle s’éloigna ensuite grommelant pour elle-même des regrets et des reproches. William était resté impassible pendant tout ce temps. Il tentait de se persuader que toute cette misère tant intellectuel, qu’esthétique ne le touchait pas, puis il descendit les escaliers qui menaient vers une petite porte où un poster de la guerre des étoiles était fièrement affiché. Derrière, on pouvait entendre ce qui ressemblait à de la techno psychédélique. Après, un bref soupir où William essaya de se convaincre de faire abstraction de ce qu’il voyait, il cogna contre la porte en bois.
-Le code maman ! Le code ! Combien de fois je dois te le répéter ? Tu veux que je fasse bruler mes disques durs pour rien ? Cria une voix derrière la porte.
-C’est William Dolan, annonça-t-il d’un ton morne.
-Ah ! Et ben, entrez !
William ne se le fit pas dire deux fois. Il se retrouva alors dans une cave aménagée. Les murs de ciment gris étaient recouverts de posters de mangas et d’animes en tout genre. Une immense étagère était remplie de figurines de Star Wars et le sol était jonché d’emballage de nourriture. Au fond, un gros japonais d’une trentaine d’année installé sur un pouf et habillé d’un marcel crasseux secouait un joystick devant l’écran d’une vieille télé. Juste à côté un immense ordinateur doté de 3 écrans et d’une multitude de câbles trônait sur un bureau. Et bien ! Il est beau le roi de l’informatique avec ses cheveux en bataille et une réserve de graisse digne d’un ours prêt à hiberner.
Le supposé génie éteignit sa vieille console et se traina difficilement de son pouf jusqu’à son fauteuil rembourré. Sans un mot, il sortit d’un coup de souris, sa puissante machine de sa torpeur. Celle-ci émit un bruit de ventilation de supermarché et s’alluma. Un cliquetis rythmique se mit alors en place tandis que Tomo Ichida parcourait ses bases de données.
-Ca n’a pas été facile à obtenir vous savez, s’exclama le gros bonhomme avec une voix qui transpirait la fierté. Oh, bien sûr, entrer dans le réseau de la CIA était un jeu d’enfant pour moi mais c’est surtout votre demande spécifique qui m’a pris du temps. C’est difficile de naviguer sur le serveur sans se faire repérer et ils ne sont pas vraiment équipés de google. J’ai tout de même réussi à rassembler le plus d’information sur ce que vous m’avez demandé, notamment vos précieuses images satellites. – D’un mouvement de son immense bras, Tomo fit faire un demi-tour à son fauteuil pour se retrouver face à l’avocat – Ces petits bijoux pourraient repérer une goutte d’eau dans le Sahara. Je suis sûr qu’ils utilisent des technologies soutirées aux aliens qu’ils ont capturés dans la zone 51. Enfoiré d’amerloques !
Dolan ne disait toujours rien, persuadé que s’il se taisait, ce moment désagréable allait passer plus vite. Le Hacker retourna sur son PC et sortit une clé USB en le tenant comme s’il s’agissait d’oisillon tombé du nid. Il lorgna l’avocat puis la mallette qu’il portait avec lui. Dolan comprit le message et lui donna ce qu’il convoitait en échange de la clé qu’il fourra dans sa poche. Tomo le sourire jusqu’aux oreilles, ouvrit immédiatement la mallette d’un air surexcité et mit ses mains dans les billets qu’elle contenait. Il en renifla certains, compta le nombre de liasses, puis satisfait, posa son argent sur le rebord du bureau.
-Si ça ne me satisfait pas, je reviendrai te voir Tomo, l’avertit Dolan qui se dirigeait déjà vers la porte.
-Tout y est monsieur Dolan, s’insurgea le hacker en faisant dangereusement grincer son fauteuil. S’il y a bien quelque chose qui peut suivre les déplacements de votre flèche d’émeraude, c’est bien les satellites de ces enfoirés d’amerloques. Ces saloperies ont une résolution de 5mm et peuvent traquer n’importe quoi. En prime, je vous ai aussi mis les rapports de la CIA à propos d’elle. Vous allez voir que vous n’êtes pas le seul qui s’y intéresse.
Dolan acquiesça puis sans un regard en arrière, sortit de cette ignoble bâtisse.
***
Quand on cherche, on trouve. L’aide de ce Hacker avait été précieuse. En effet, les images satellites qu’il lui avait fournies étaient d’une clarté impressionnante. Rien à voir avec les photos de googlemap. On aurait dit que quelqu’un prenait une photo du sol depuis un building. Tomo Ichida – ou la CIA – lui avait bien mâché le travail. Il avait quelques clichés de la flèche d’émeraude sur chacune de ses apparitions, puis son parcours avait été tracé jusqu’à ce que le satellite la perde de vue ; lorsqu’elle entrait dans un bâtiment ou autres. Tous ces itinéraires donnaient des informations très précieuses sur les endroits fréquentés par l’héroïne. Notamment le lycée de Seikusu…
William se rendit donc dans le très célèbre lycée de Kyoto. Célèbre pour ses élèves et ses professeurs tout droit sortis de hentaï. Il n’y avait pas une seule élève qui ne fut pas gâtée par la nature et les histoires de sexe ne semblaient pas déranger l’administration. Dolan avait d’ailleurs entraperçut la directrice de cet établissement… C’est impressionnant comme la fiction peut devenir réalité.
Le juriste franchit donc la porte d’entrée du lycée. C’était presque la fin de journée et les élèves comme les professeurs s’égayèrent dans les couloirs en quêtes d’amis ou d’affaires personnelles. Il croisa plusieurs élèves qui semblaient apprécier sa présence en ces lieux. Rien de très provoquant, juste quelques battements de cils, des sourires mutins et des regards insistants. William ne répondait pas. Les adolescentes n’avaient aucun intérêt pour lui. Il semblait flâner au hasard à travers les couloirs mais il était en fait à la recherche d’un visage familier.
Même les héros doivent s’intégrer et quoi de mieux pour cela que le milieu professionnel et notamment l’enseignement.