Après une journée harassante, Raven n’avait pas demandé son reste. Lorsque la cloche de l’école avait sonné, annonçant de ce fait la fin de son cours d’arithmétique, elle avait fourré ses affaires pêle-mêle au fond de sa besace et avait quitté le lieu d’enseignement d’un pas rapide. Ce soir là, pas de détour par le parc. Elle rentrerait directement chez elle. Heureusement, elle avait su prendre de l’avance dans ses devoirs et pouvait donc passer la soirée à ne rien faire. En rentrant, elle s’arrêta dans un fast food pour emporter de quoi se nourrir ce soir là, quelque chose de bien gras, trop sucré et trop salé, histoire de faire monter en flèche son taux de cholestérol, de réduire sa durée de vie de quelques années mais surtout de se faire plaisir. La nourriture descendait dans l’estomac, mais passait d’abord par le cœur pour y mettre du baume. C’est bon pour le moral comme le disait une célèbre Compagnie de gens des îles, la Compagnie Créole. Ce soir là, ça serait jus de mangue, nouilles sautées, soupe chaude, makis et brochettes de viande. Que du bonheur.
Des sacs dans les mains et sa besace sur la fesse, elle eut du mal à rentrer sa clef dans la serrure de son petit appartement de centre ville. Néanmoins, c’est un soupir de soulagement qu’elle poussa lorsqu’elle posa ses sac sur la table de la cuisine et qu’elle se laissait tomber mollement sur son canapé. Flemmarde, elle prit la télécommande de la télé et alluma cette dernière avec, zappant de chaînes en chaînes un long moment avant de se décider à s’arrêter sur un téléfilm. Ca parlait de fantômes et de ce genre de choses, c’était plutôt sympa. Mais elle délaissa ce programme hautement culturel pour aller faire chauffer ses plats et préparer sa soupe. Comme ce devait l’être, son repas fut un régal, pour son estomac mais aussi pour sa tête. Elle était toujours étonnée de voir comme un petit rien pouvait vous procurer autant de satisfaction.
Après son copieux repas, la jeune femme retourna s’avachir dans son canapé, dos appuyé contre l’accoudoir et pieds repliés sur les coussins, et prit l’un de ses livres favoris. « Le Songe d’une Nuit d’Eté » de William Shakespeare. Evidemment, elle ne pouvait dire aux gens qu’elle aimait cette œuvre. Ca dégoulinait d’humour et de bons sentiments, avec un Happy End si magique que même le gratin du tout Hollywood n’aurait su égaler la poésie, rendre la richesse des émotions et sentiments, dégagés dans cette œuvre. Alors forcément…
Fatiguée cependant et l’esprit embrumé par les fastes de son repas, Raven sombra dans le sommeil… Un peu plus tard, son corps s’éveillait, et Raven se retrouvait comme spectatrice. Elle était comme un passager dans une voiture, voyant à travers le pare-brise quand c’est quelqu’un d’autre qui conduit. Ses pas la conduisirent jusqu’au miroir. La passagère fut horrifiée, alors que le conducteur souriait. Dans la glace se reflétaient quatre yeux rouges…
Le lycée, un moment plus tard. Le corps de Raven passa la porte. Sur ses bras, ses jambes… Des symboles rouges, brillants comme des néons. Sous une capuche, les quatre yeux de Raven semblaient chercher quelque chose. Un soubresaut l’agita. A l’intérieur de la tête de la jeune femme, le chaos régnait. La passagère tentait désespérément de reprendre le volant de son corps et de sa vie à son homonyme. La lutte était serrée, c’était l’ombre d’un corbeau contre le rejeton d’un démon.
Un cri strident donna finalement l’avantage au corbeau, qui reprit le contrôle de son corps. Les quatre yeux rouges ne redevinrent que deux, brillants d’un blanc pur, alors qu’elle flottait à quelques centimètres du sol. Les symboles en revanche étaient encore présent sur son corps.
Plus loin, elle vit un jeune homme galbé comme une allumette vouloir tenir tête à des bêtes bien plus redoutables que lui. Dans l’instant qui suivit, ils étaient repoussés par le corps astral de Raven qui cherchait à les lacérer, les poursuivant sans mal dans l’ombre des corridors. Flottant toujours, silhouette mobile enveloppée d’une cape telle un fantôme, Raven s’approcha du corps étendu d’Hirano. Il était sain et sauf. Elle le délaissa pour aller voir la jeune fille qui avait crié. Elle était simplement évanouie. Commençant par elle, la jeune femme se servit de ses pouvoirs télékinétiques pour mettre le corps de la demoiselle en sûreté, à l’extérieur de l’école. Le jeune homme quant à lui… Fut saisit par le col et secoué comme un bout de chiffon par une Raven qui se savait effrayée, mais qui pour rien au monde ne l’aurait laissé supposer. Un « s » lumineux, rouge, luisait au milieu de son front, son dessin se confondant avec son chakra. Sur le reste de son corps, les suite de « s » s’enchaînaient, formant des motifs et lignes étranges.
-Qu’est-ce que tu as fait ?