La boutique était calme ces jours-ci. Trop calmes. Ate et Ade s'épuisaient à maintenir la boutique en place. Tant et si bien que leurs énergies s'épuisaient, qu'ils devaient rester toute la journée à dormir pour économiser leurs forces. D'esprits frappeurs de la boutique, ils étaient passés au stade de simples piles. C'était désolant. Et surtout, ça se répercutait sur l'ambiance générale de la boutique. L'air était moins gai, de par l'absence des piaillements habituels. Moins chaleureux, moins accueillant. C'était clair, un fait qui sautait aux yeux du premier venu qui connaissait l'habituel état des lieux:
Quelque chose n'allait pas.
Pas simplement l'absence des deux jumeaux, non. Mais il faisait froid. Presque glacial même. Le parquet en bois pourtant chauffé était aussi glissant qu'une plaque de glace, et en avait la température. Un peu de poussière s'amassait sur les meubles. Des tâches sur la moquette de la pièce principale. Tâches de quoi? Impossible à dire... La pièce elle même était sombre. Plongée dans l'obscurité. Les bougies étaient éteintes, les paravents fermés. Mais on sentait pourtant un souffle, une respiration, hanter l'endroit tel un fantôme.
Au fond, le canapé-lit n'abritait plus qu'un couverture violette roulée en boule, qui semblait parfois bouger... Dur à dire dans une noirceur pareille.
Le tout faisait penser à une maison hantée.
Finalement, après plusieurs minutes, un borborygme inqualifiable s'éleva de la masse de tissu précédemment citée. Parmi les grognements, on pouvait entendre des mots d'une langue étrange, que peut être on pouvait comparer à des insultes.
L'individu en question affichait une mine déconfite, comme un lendemain de cuite, et alors qu'il s'extirpait péniblement de la couverture pour se mettre en tailleur, on pouvait voir ses longs cheveux châtains, emmêlés en une vraie pelote, et son kimono blanc à motifs de fleurs mauves, ouvert sur son torse nu et maigre, permettant ainsi se faire une idée apparente du personnage.
Son vêtement était bien entendu fermé sous la ceinture, mais dans tous les cas ce n'est pas cet endroit précis que la majorité des gens vont regarder en premier... N'est-ce pas?
Quoi qu'il en soit, alors qu'il émergeait lentement de son sommeil, qui semblait avoir durer une éternité, l'homme dévoila un bref instant ses yeux, avant de les frotter du coin de la paume. Leur bleu habituel était toujours aussi brillant, mais des tâches de rouge, un rouge sang, y flottaient.
Une goutte de sang dans l'océan d'un esprit embrumé.
Après un bâillement sonore, laissant présager qu'il n'avait pas remarqué sa visiteuse, Daclusia se frotta un instant le menton. Il avait une barbe de trois jours. Il massa son ventre. Il avait faim. Il se tint le crâne et serra les dents. Il avait mal à la tête.
Se levant péniblement, il se rendit enfin compte de la présence d'Engel. La jaugea rapidement du regard. Mais, trop fatigué, le JYL se laissa retomber, mollement, sur sa couette. Nonchalamment, il attrapa un paquet de biscuit qui trainait par terre, en avala un en une bouchée, et continuait de fixer la jeune sorcière sans sourciller. Sans mot dire. Peu à peu, le rouge dans son regard disparaissait, pour laisser place au bleu électrique qui le caractérisait. Et au fur à mesure, ses traits se déridaient, et sa moue se transformait en sourire calme et serein. Dans un murmure, il dit enfin:
" Kaleoh. "