Elles sont longues les journées en Enfer. Hadès lui a toujours dit de ne pas y aller pour des raisons évidentes… Il a toujours aimé le perturber dans son travail, l’emmerder salement, foutre en l’air chacun de ses plans… Depuis combien de temps ? Ça devait faire une centaine d’années qu’il venait l’emmerder. Observer les esclaves être libérées, ou, au contraire, soumettre les démons les plus farouches, inverser les rôles juste pour apercevoir cette haine… Cette haine dont il se nourrit. Et la haine d’un dieu est un met délicieux. Fouler les terres démoniaques est un privilège et une malédiction, tout dépend du point de vue, tout dépend...de quel côté de la barrière on se trouve. Lui? Il n’est d’aucun côté, il marche sur le fil et observe les gens hurler de douleur, de plaisir. Hadès le hait. Lui, il hait le monde. Les Enfers… Un endroit détestable en somme. C’est amusant. Alan est sans cesse amusé ici. Peut-être est-ce parce qu’il s’ennuie à mourir, qu’il ne fait que zieuter avec envie de jolies hanches, qu’observer avec impassibilité le monde se détruire petit à petit. Un nom lui revient en tête et, soudain, le dieu sent son esprit vriller. Depuis tout ce temps, il marchait sur ce sol poussiéreux. Tout est détestable chez les démons. Tout. Les pensées. Les gestes. Les corps. Ne serait-ce que… Leurs regards. Alors que fait-il ici, ce dieu ? Il s’ennuie et s’il y a bien une chose que les démons savent faire… C’est s’amuser. En haut ? L’Olympe ? De toute façon, il ne peut plus s’y rendre. Non, la compagnie des mortels et des raclures, c’est bien mieux. Compatir ? Laisser des pauvres ordures avoir ne serait-ce que son attention ?
Dieu bien paradoxal, n’était-ce pas toi qui venais te perdre dans les bras de Lilith, te perdre entre les mains des succubes lorsque tu as perdu la raison ? C’est sans doute pour cela que tu ne souris plus que de façon mauvaise. Depuis que tu as eu cette révélation, depuis que tu l’as vue, depuis lors tu te sens si faible. Mais pourquoi exactement ? Arès faible ? C’est exactement pour ça que tu fais intervenir Ainsley et Alan, tu te voiles la face avec des personnages que tu contrôles avec des jouets, des apparences, des masques. Comme toujours. Le masque de l’oubli. Combien de temps vas-tu le revêtir ? Combien de temps ? Un millier d’années ? Pourquoi n’arrives-tu pas à passer outre ? Pourquoi donc ? Arès… C’est sa voix que tu entends, ses cheveux que tu vois, pourtant c’est bel et bien une succube qui se trouve face à toi, devant ce bar. Elle te sourit, pourtant ce n’est pas elle que tu vois. Alan étire un sourire léger, imprévisible, il détourne sa route de la demoiselle. Il n’a pas envie de quelque chose de facile. Non. Il veut jouer avec les nerfs de quelqu’un. Quitte à se faire détester. De l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas… Qui a un jour pensé cela ? Des conneries. Hm.. Certainement un humain. Oui.
Foulant ces terres désolées, à travers les rues des cités, par cette chaleur étouffante, Alan s’avança en silence vers des rues plus sombres encore. Il s’amuse à lancer une petite balle noire en l’air et à la rattraper pour passer ses nerfs. Alan est nerveux, Arès est plus du genre à concentrer sa haine et sa nervosité très rare au creux de ses reins… Sous cette forme humaine masculine, il ne peut pas se contenir, il faut qu’il extériorise sa violence, cette haine, ce stress, cette… ces… ce… lui. En marchant silencieusement, Staine entend quelques pas rapides qui se rapprochent. La balle disparaît. Lui qui s’apprêtait à rentrer dans un bar, voilà quelqu’un qui vient d’en sortir et qui… Vient de se prendre son bras dans la gueule. Mh... Oups. Il ne l’a même pas senti tant sa force divine opère. Quelle idée de mettre un bras en travers des portes… C’est comme ça. En tournant ses beaux yeux cruels vers lui, il hausse un sourcil léger… “... tiens… Bonne nuit, pourriture.” De jolies jambes semblent s’avancer vers lui ou plutôt, vers le rat qui est devant lui, à moitié sonné de s’être quasiment pris une porte de 287 kilos droit dans le crâne. Peut-être plus ? Hm certainement. Il serait ridicule qu’il soit plus léger que Loki. Cette pensée le fait rire, ce qui, de l’extérieur, semble montrer un sadisme particulièrement singulier envers la victime qu’il observe. En reportant son attention sur les jolies jambes, il détaille avec langueur l’étrange créature devant lui… “Tiens… Tiens… Tiens… J’ai comme l’impression que je ne vais pas regretter ma venue.” Son âme… Elle est étrange. Crépusculaire. Torturée? C’est possible.
Alan fait un pas sur le côté, marche sur l’être au sol qui grimace et émet un cri étouffé par sa cage thoracique broyée froidement. Tiens… Un craquement sinistre. “... J’imagine que... cette ordure est pour vous.” Il passe derrière la jolie brune, frôle à peine le bas de son dos sans lui faire l’affront de descendre plus bas, là où d’autres démons ne se seraient pas gênés de le faire. “... Je reste ici, vous savez où me trouver si vous voulez vous amuser après avoir… Ramassé la dépouille de ce cloporte.” Il plisse les yeux. Alan ne lui a pas laissé le loisir de croiser ses yeux, il est passé, à présent, il monte sur une table et va s’asseoir sur la banquette noire dans le coin, attrapant au passage un verre de mauvais alcool démoniaque. En s’asseyant il observe le dos de la belle créature, ses yeux se ferment, il pose sa tête sur le haut du cuir noir qui flatte son dos… Puis, il croise les jambes, sur la table en buvant d’une traite cette mauvaise liqueur qui imprègne son foutu gosier à présent. Il ne sait pas vraiment si elle est partie ou si elle est toujours là et à vrai dire, il s’en fout. Les yeux clos, il s’amuse à fredonner une mélodie humaine… Les côtoyer le change, c’est vrai.