Tretogor Il y a plus de dix ans, l’infâme Empire de Nilfgaard échoua à conquérir les Royaumes Nordiques. Ces derniers mirent de côté leurs afflictions pour former une grande alliance, qui réussit à repousser l’impérial empire sudiste. Vaincus, les Nilfgaardiens retournèrent chez eux, mais n’oublièrent jamais l’humiliation qu’ils avaient subi. Parallèlement à cela, un sorceleur, Geralt de Riv, rencontra la mort, lors des festivités d’après-guerre, lors d’une émeute dans un village, où la fourche d’un paysan le transperça. Une mort qui chagrina ses plus proches amis et alliés, comme la sensuelle Triss Merigold, magicienne de son état, et qui avait toujours été amoureuse de Geralt. Mais le monde ne s’arrêta pas pour autant de tourner.
Les années passèrent, et Nilfgaard entama sa revanche, en commanditant une série d’assassinats. Les grands Rois du Nord furent tués les uns après les autres, déstabilisant les régimes monarchiques, et facilitant l’invasion nilfgaardienne. Demavend, roi d’Aedirn, Foltest, roi de Témérie, et même le redoutable Roi de Kaedwen, Henselt... Mais les tueurs de l’Empereur de Nilfgaard échouèrent dans leur dernière tâche : supprimer le Roi de Rédanie, le plus dangereux de tous les rois, le redoutable Radovid V, dit « Radovid le Sévère ». Radovid n’avait jamais aimé les magiciens, qui n’avaient pas hésité à trahir en grande partie les Rois nordiques pendant la deuxième guerre, et s’était lancé dans une chasse aux sorcières après avoir appris l’existence de la Loge, une congrégation magicienne occulte. Alors que son hostilité envers les mages aurait pu lui être fatal, elle constitua au contraire le terreau nécessaire pour affermir son emprise. Avec le soutien de puissants ordres et groupuscules religieux, Radovid profita du vide politique laissé par la mort de ses principaux rivaux pour annexer à son territoire Kaedwen, et déploya de vastes armées croisées contre les Nilfgaardiens.
Et, aussi improbable que cela soit, Radovid remporta la guerre. Les Nilfgaardiens furent vaincus, et la Rédanie continua à s’étaler, s’emparant également de la Témérie, et lançant ensuite ses forces sur Skellige, occupée par les Nilfgaardiens. Le monde entier tremblait sous le règne de Radovid Le Sévère, tandis que les bûchers et les autodafés se multipliaient, la magie disparaissant au profit de technologies futuristes, d’armes de siège améliorées.
C’est dans ces circonstances que Radovid mit la main sur l’une des dernières représentantes de l’ancien monde...
Massif et impressionnant, le Palais royal de Tretogor, capitale de la Rédanie, était à l’allure du reste du pays. Un bâtiment très austère, mais en même temps composé de vastes halls. Des armées entières s’y rendaient pour écouter les discours enflammés de Radovid, qu’on appelait maintenant « Radovid le Pieux ». Converti à la Foi de Flamme, une nouvelle religion, Radovid était auréolé par les bardes et par les contes, faisant de lui un héros qui avait su sauver les Nordiques des vils Nilfgaardiens en déjouant les complots de la Loge, et en mettant fin à l’emprise légendaire des magiciennes sur les monarques. D’ores et déjà, les historiens s’efforçaient de réinterpréter l’Histoire, expliquant les impossibles ententes et querelles du passé entre Royaumes nordiques par les manigances des magiciennes, ces pècheresses usant de leurs formes langoureuses pour duper les gens, et rester éternellement jeunes.
Ce soir, dans la plus grande discrétion, Radovid attendait l’arrivée de chasseurs de sorcières. Au cœur de Tretogor, ses espions avaient su déjouer une tentative de putsch menée par des sorcières, dont la légendaire Triss Merigold en personne. La Treizième ! Depuis des années, elle lui glissait entre les doigts. Radovid avait ensanglanté Novigrad pour elle, enflammé l’université d’Oxenfurt pour la retrouver, et c’était finalement sous on nez qu’il lui avait mis la main dessus. Elle s’était battue comme une diablesse, bien sûr, mais, après avoir passé des années à chasser les magiciennes et leur sortilège, ses hommes savaient déjouer leurs tours. Ils utilisaient du dimeritium, un cristal rare qui permettait d’annuler la magie en l’absorbant. Radovid avait dépensé une fortune colossale pour doter ses corps d’élite de cristaux de dimeritium, qu’ils portaient sur eux, et avait lancé une production massive. À terme, le Roi voulait éradiquer la magie, non seulement pour repousser les magiciens, mais aussi les monstres, qui étaient bien plus faciles à tuer sans magie. Sa politique implacable produisait des résultats, et c’était tout ce qu’on lui demandait.
Ses hommes avaient combattu Triss et les insurgés, et, si plusieurs pertes avaient été déplorées, ils ramenaient Triss en vie. Enchaînée, la sorcière était traînée dans les couloirs par des fanatiques religieux qui la traînaient sans ménagement, la frappant à plusieurs reprises quand elle faisait mine de les ralentir.
Puis ils rejoignirent finalement le bureau du Roi, et entrèrent.
«
Majesté ! Voici Triss Merigold ! »
Ils jetèrent la femme au sol, et Radovid, qui avait le dos tourné, mains joins en arrière, observant la ville par la fenêtre, se retourna lentement. Il observait une grande place où un énième bûcher avait été organisé.
«
On entend parfois les cris, d’ici, quand on ouvre les fenêtres. Tends bien l’oreille, Merigold. »
Radovid lui en fit la démonstration, ouvrant la fenêtre de son bureau.
«
Ce sont tes camarades et tes élèves, celles que nous avons capturé sur place. Officiellement, tu es morte... À nouveau. Il n’a pas été difficile de trouver une prostituée, de lui mettre une perruque, et de l’attacher au bûcher. »
Le Roi se retourna ensuite vers elle. Triss avait encore du mal à se relever, d’autant qu’elle portait un cristal en dimeritium sur son collier, et avait de lourdes chaînes.
«
C’est fini, Merigold. Tu étais la dernière représentante de la Loge. Toutes les autres salopes comme toi sont mortes. »
Restait dans ce cas une question essentielle : pourquoi l’avait-il épargné ? Le pire était à craindre, car il était connu que Radovid aimait torturer en personne les magiciennes de prestige, et qu’il était particulièrement doué en la matière. On se souvenait encore des longues semaines d’agonie de Francesca Findabair quand ses balistes incendiaires, nouvelle invention redoutable de ses ingénieurs, avaient ravagé Dol Blathanna, incendiant la légendaire forêt sans la moindre pitié.
Triss avait donc tout à craindre, car Radovid avait maintes fois su prouver que le bûcher était une douce punition par rapport à tout ce dont il était vraiment capable...