Partout où se posait ses prunelles, la veuve ne voyait que des femmes légèrement vêtues qui aguichait les hommes de passage. Elle n’avait pas choisi la bonne rue pour se rendre en ville, et elle s’en apercevait à présent. Elle était en plein dans le quartier de la Toussaint, lieu de villégiature des putes, des voleurs et autres criminels. Détournant le regard d’une femme affairée à genoux dans une ruelle, la brunette passa devant d’autres professionnelles en ignorant les remarques désobligeantes.
« On vient chercher du frisson, hein sale pute, lançaient certains.
— On veut pas de toi ici, étrangère, lançaient d’autres.
— Ouais, on veut pas de concurrence, salope. Vas faire le trottoir ailleurs, revenait souvent aussi. »
Mais elle passait outre, pour l’instant. Elle continua son chemin, ignorant les remarques grivoises sur sa tenue. Elle était en effet un peu déplacée ici, où les filles étaient vêtues de mini-jupes ras-les-fesses, de collants déchirés et de bustier outrageusement petits. Plus d’une taille en-dessous de leur taille réelle, songea Catalina en pinçant les lèvres. Elle aimait s’habiller sexy, elle aussi, mais pas aussi vulgaire. D’ailleurs, c’était plutôt soft ce soir. Elle avait enfilé un petit jean noir, moulant, avec un effet huilé du tissu, avec un débardeur pâle. Pas tout à fait blanc, mais plutôt d’une teinte écru ou beige. On ne voyait ainsi pas les motifs noirs de la dentelle de son soutien-gorge, par transparence. Par-dessus, elle portait un perfecto de cuir noir, et elle avait chaussé des boots de style motard, avec un talon de sept centimètres.
Trébuchant sur la jambe d’un clochard, qu’elle n’avait pas vu (ou qui avait tendu la jambe juste au moment où elle passait, la brunette en fit tomber son sac à main, qui se renversa sur le sol. En jurant à mi-voix, elle se pencha pour ramasser le contenu, laissant apercevoir la naissance de son tanga de dentelle noire alors que son perfecto et son débardeur remontait sur son dos.
Elle grimaça en voyant que l’écran de son smartphone présentait une fêlure en haut de l’écran, et s’empressa de le fourrer dans le sac en avisant le regard envieux du clochard. Elle le foudroya du regard, ramassant également son portefeuille, son rouge-à-lèvre et ses clés d’appartement. Résistant à l’envie de mordiller sa lèvre inférieure, peinte en rouge, la brunette se releva en adressant un regard dédaigneux aux prostituées qui se moquaient ouvertement d’elle, avant de reprendre son chemin. Elle n’avait plus que quelques centaines mètres à faire pour sortir de la rue mal famée, et elle pourrait à nouveau relâcher la tension de ses épaules.
Ramassant sa crinière sombre sur son épaule droite, elle ne fit pas attention à l’homme qui s’arrêta à son niveau jusqu’à ce qu’il baisse la vitre.
« Tu prends combien pour te faire défoncer par trois mecs, lança-t-il d’un ton graveleux.
— Plus cher que ce que tu peux payer, connard, répondit-elle sans prendre le temps de s’arrêter. »
Elle jurait presque toujours en anglais, n’ayant pas assez confiance en son appréhension du japonais pour utiliser autre chose que les jurons les plus courants. L’homme, dans la voiture, sembla peu apprécier qu’elle le rembarre de la sorte. Il lâcha une bordée de jurons en japonais, dans laquelle elle ne comprit que gadji et pute. Mais elle l’ignora superbement en continuant son chemin.