Même en ayant de l’argent, revenir à la vie pour une femme forte et potentiellement traquée par l’une des plus grosses agences d’espionnage du monde n’était pas chose aisée. Flora avait découvert, en consultant les documents et notes laissées à elle par son ancien amant, feu le Docteur Gero, divers cadeaux. Des relevés comptables et des documents lui permettant d’avoir accès à des comptes bancaires bien garnis. Aussi dément ait-il pu finir, celui qu’elle avait jadis cru épouser avait en tout cas réussi à obtenir beaucoup d’argent vers la fin de sa vie. Avec cet argent, Flora avait pu voyager jusqu’à Seikusu, et trouver un appartement ouvert à la location. Un endroit mal famé dans le quartier de la Toussaint, déconseillé aux touristes, réputé pour sa dangerosité. Un quartier populaire qui avait beaucoup souffert de la crise financière. Beaucoup d’usines avaient fermé, conduisant au cercle vicieux habituel : hausse du chômage, fermetures de commerces secondaires, d’épiceries, etc… Une hausse croissante de la paupérisation et de la criminalité dans ce quartier longtemps utilisé pour accueillir les migrants. En quelques jours, Flora avait compris qu’elle n’était pas au meilleur endroit possible. Les Yakuzas contrôlaient de vastes parties du coin, car ils étaient les propriétaires terriens de bien des terrains, sur lesquels ils avaient fait édifier des immeubles destinés à la location, extorquant leurs locataires, contrôlant l’ensemble à travers leurs sociétés de gestion, leurs sociétés civiles, les syndics de copropriété délivrant des charges de copropriété exorbitantes… La police fermait volontairement les yeux sur ce vaste trafic amélioré.
En un sens, tout cela arrangeait Flora, qui avait pu trouver un logement sans difficulté, et vivait de ses subsides, tout en ayant réussi à décrocher un petit boulot ingrat dans une agence d’intérim. Elle avait essentiellement fait valoir sa plastique, et était, depuis lors, une agente de surface, traînant un chariot de nettoyage dans divers entreprises. Pour elle, il s’agissait de s’insérer, et de comprendre ce qui se passait à Seikusu, ce qui justifiait la présence du S.H.I.E.L.D., et éventuellement de retrouver des informations sur le Projet Cell.
Ce soir, la jeune femme sortait des bureaux d’une entreprise située près du port, et rejoignait la station de tramway pour retourner chez elle.
*Dire que j’ai été une chercheuse de pointe au S.H.I.E.L.D… Moi, Flora Delacroix, une Delacroix !*
C’était une chute, mais surtout une couverture nécessaire le temps pour elle de se refaire, de se reconstruire, et de reprendre du poil de la bête. Flora attendait donc le train lorsqu’elle entendit des bruits dans son dos. Des sifflements moqueurs, suivis de ricanements, tandis que trois individus hirsutes approchaient. Celui du milieu, singé en parodie de biker japonais, arborait des lunettes de soleil noire, une affreuse moumoute formant une sorte de champignon torsadé sur sa tête, et une veste noire en cuir.
« Hey ! Hey ! Matez-moi ça, les mecs !
- Bonsoir, Mademoiselle, glissa l’autre sur un ton français en s’approchant trop près d’elle, son haleine fortement alcoolisée venant lui agresser les narines.
- C’est dangereux de se promener seule le soir, vous savez… Mad’mee-zeelle ! » renchérit un autre.
Flora se recula prudemment en fronçant les sourcils.
« Laissez-moi passer, vauriens !
- Oh, mais c’est pas gentil, ça, Mam’zzzzelle ! C’est qu’on cherche juste votre bonheur, nous, votre protection…
- Le coin est pas sûr le soir… Y a des types dangereux, franchement… ‘Faut pas vous promener seule…
- Eh bien, je prends note de vos remarques, et… »
Au loin, le tramway approchait, et, alors que Flora s’éloignait, une main s’empara de son épaule. La jeune femme fronça les sourcils devant ce contact :
« Lâchez-moi immédiatement, glissa-t-elle sur un ton sec.
- M’avez pas l’air très japonaise, vous savez…
- Nope… Point du tout ! » gloussa un autre.
Flora se pinça les lèvres, sentant un excès d’irritation la traverser. Elle tenta de se débattre, mais l’homme insista, la serrant encore. Flora fronça à nouveau les sourcils, et le visage du biker se rapprocha d’elle. La colère s’empara alors d’elle, et Flora le repoussa sèchement, renversant l’homme au sol.
« Putain ! Mais elle est pas gentille, la gaijin !
- Allez vous faire foutre ! »
Les malandrins ricanèrent encore, et l’un s’approcha d’elle, l’air menaçant. Flora tenta de se contrôler, fermant les yeux… Mais, quand elle les rouvrit, ceux-ci avaient pris une teinte rougeâtre, et ses cheveux se mirent à blanchir.
« Je vous ai dit… DE ME LÂCHER !! »
Le poing de Flora s’abattit violemment contre une poubelle métallique à côté, accrochée à un poteau. La poubelle, broyée sur place, s’effondra violemment sur le sol, les clous de fixation arrachés sans la moindre douceur. Les yeux écarquillés, les malandrins partirent sans demander leur reste, et Flora prit alors conscience qu’un halo enflammé recouvrait sa main.
« Merde... »
Se pinçant les lèvres, la femme secoua nerveusement la tête.
*Contrôle-toi, putain !*
Flora ne pouvait tout de même pas tout casser comme ça... Mais, au moins, elle avait fait fuir ces lourdauds imbibés d’alcool.
Elle ne se doutait toutefois pas qu’il y avait quelqu’un d’autre près d’elle...