Compte rendu n°001, projet de création d'une entité égale à 37-C-Delta :
Cela m'a pris de longues heures, et plusieurs ré-évaluations de mon travail pour comprendre comment cette peau pouvait être vivante auparavant. Ni trace de terminaison nerveuse mineure,ni trace de capillarité sanguine, ni trace d'activité cellulaire. Pendant un long moment, j'ai crû faire face à de la pierre, et si ce n'était pour la confiance que j'ai dans les professionnalisme de notre directrice, j'aurais pu me poser la question d'une quelconque farce de la part de cette dernière. Je me devais de chercher un autre moyen d'observer cet élément.
Détection laser, observation au microscope nucléaire, étude de la composition chimique, ces éléments me permirent de commencer à approcher un peu plus de la vérité : il n'y avait tout simplement rien à observer sur cette peau, et pourtant celle-ci se trouvait en parfait état. Deux possibilités s'offraient à moi, soit ce que j'observais n'existait pas, soit c'était composé de matériaux et d'une énergie que nous, Tekhanes, n'avions encore jamais observé dans l'univers. Le projet commençait à devenir de plus en plus complexe à mesure que j'obtenais des résultats.
Le jour arrivant, je ne pouvais continuer mes recherches aux yeux de toutes, j'ai donc pris le temps de ranger l'échantillon, d'éteindre la moindre machinerie, et d'aller boire quelque chose pour me réveiller un peu. Tout ce mystère ne me donne que plus envie de m'attarder sur ce projet, et je pense qu'il va devenir de plus en plus nécessaire que nous lui trouvions un nom complet, quitte à ce que cela soit un peu imagé, ou alors bateau, mais simplement pour pouvoir classer ces enregistrements, que je compte faire de manière régulière, pour garder une trace de nos avancées.
Aujourd'hui, je dois trouver les personnes capables de m'accompagner dans ce travail. Je ne sais encore combien en sont dignes, ou même ont la connaissance suffisante pour s'attaquer à ce morceau. Quel dommage que nous n'ayons pu engager la cadette Mueller, je ne doute guère que cette femme nous aurait été d'une grande aide.
Fin de l'enregistrement, Alexandra Purelle, Chef de projet de la compagnie d'armement Tekhan Firmament.
Compte-rendu n°003, projet de création d'une entité égale à 37-C-Delta :
Il est clair que nous ne pouvons tout simplement pas obtenir de résultats avec nos moyens traditionnels, mais je crois pouvoir être certaine que les échantillons commencent à évoluer, à changer, ce qui commence légèrement à m'inquiéter quant aux résultats éventuels d'une reconstruction physique, ou d'un clonage. Notre directrice souhaitait un résultat optimal, et si les éléments primaux commencent à différer, à évoluer, il n'est que concevable que nous allons nous écarter de l'entité de référence, 37-C-Delta.
En revanche, les équipes ont été mises sur pied. Nous sommes donc une vingtaine, chefs de projet comprises, à travailler sur la mise en place de ce clonage, et si chacune y va de sa théorie, nous n'en sommes encore qu'aux balbutiements de ce travail de longue haleine, et au deçà du moindre petit avancement. J'enverrai un premier compte-rendu écrit à madame Morovik une fois que l'intégralité de nos membres aura pu comprendre l'ampleur du projet, et j'espère que nous aurons déjà quelques avancées à soumettre.
Un détail toutefois me paraît important à soulever avant que je ne coupe cet enregistrement. Alors que j'étais encore à l'observation des différents fichiers contenus dans la carte magnétique qui m'a été confiée, j'ai crû remarquer que le projet 37-C-Delta était accompagnée d'armes, armes ayant la capacité de converser avec le projet. Peut-être est-ce trop demander, mais je crois sincèrement qu'un échantillon de celles-ci saurait être d'une grande aide pour l'approfondissement de nos travaux, voire pour sa progression. Une demande officielle sera faite sous peu vis-à-vis de ce besoin, et j'espère qu'il trouvera un écho positif. Après tout, nous cherchons des armes, il est normal que nous nous intéressions à l'équipement de 37-C-Delta ! Je pense même que cela serait parfait pour dissimuler nos véritables travaux.
Fin de l'enregistrement, Alexandra Purelle, Chef de projet de la compagnie d'armement Tekhan Firmament.
Compte-rendu n°006, projet de création d'une entité égale à 37-C-Delta :
Nous avons obtenu, tôt ce matin, les échantillons de K'leir, et de Ter'er, les deux armes utilisées par le projet 37-C-Delta, et il faut l'avouer, ces objets sont tout aussi fascinants que peuvent l'être les échantillons de leur utilisatrice. Tantôt leur masse est nulle, tantôt il devient impossible de déplacer leurs échantillons, à tel point que nous avons été obligées à un moment d'en laisser un au beau milieu de la pièce, le temps que celui-ci puisse de nouveau être soulevé pour qu'on l'amène en analyse. En revanche, une fois cela réussi, les résultat furent tout aussi clairs que ceux obtenus avec mes premières observations, résumés dans le compte-rendu n°001.
Pas de conceptions remarquables, matériaux parfaitement inconnus, et aucune trace de micro-composant une fois mis à l'observation cellulaire ou atomique. Ces choses ne sont pas existantes, ou elles ne possèdent pas d'éléments contenus sur Terra. L'idée de la magie, utilisées dans d'autres pays, nous a été apportée par une personne ayant voyagé jusqu'à l'Empire Ashnard, avec lequel nous entretenons un pacte d'alliance plus ou moins agréé, mais le fait est que nous n'avons pour l'instant personne pour évaluer une telle possibilité, nous forçant à laisser de côté d'éventuelles observations sur ce point.
Je commence à croire que nous ne parviendrons guère à faire de réelles avancées sans un miracle, ou sans l'évolution du groupe D dans leurs recherches, ceux-ci s'étant attardés sur la conception de nouveaux outils de mesure, plus généraux, qui auraient potentiellement une chance de réussir. Je dois pour cela échanger avec madame Jeruss, qui dirige cette partie de notre travail. J'espère qu'elle saura nous assurer de l'avancée de leurs propres travaux, ou je crains de ma prochaine rencontre avec madame Morovik.
Fin de l'enregistrement, Alexandra Purelle, Chef de projet de la compagnie d'armement Tekhan Firmament.
Compte-rendu n°007, projet de création d'une entité égale à 37-C-Delta :
Il nous fallait un coup de génie, une surprise magistrale, quelqu'un qui ait eu l'incroyable idée de produire l'inconcevable alors même que nul autre n'en avait eu l'idée. Finalement, cela nous parvint du groupe B, et je dois avouer que je ne m'attendais guère à voir l'un des membres débarquer dans mon bureau en début de soirée pour me demander immédiatement de l'accompagner, mais sentant le parfum de l'évolution, je n'ai eu guère le choix que d'emboîter son pas, afin de rejoindre le reste de l'équipe dans la salle d'observation. Toutes étaient en transe, commençaient à aller de droite à gauche en enchaînant les recherches et les observations, et je ne sus m'expliquer telle effervescence... C'est là qu'on me présenta l'événement miraculeux :
L'une de nos chercheuses, relisant un rapport sur 37-C-Delta, eut cru bon de cesser d'observer les deux éléments séparément, mais en symbiose, prenant en présentation le fait que d'apparence, l'entité inconnue ne vivait qu'en compagnie de son armement, et ne les abandonnait jamais. Le résultat fut splendide, car l'un comme l'autre révélèrent dès lors à l'observation l'une des choses les plus importantes pour notre projet : un génome. Celui-ci n'était clairement pas humanoïde, et ne permettait guère de s'imaginer le degré évolutif de l'humanoïde considéré 37-C-Delta, présentant un ensemble de 207 chromosomes différents.
Le chiffre est tout simplement faramineux, une telle quantité d'informations sera non seulement difficile à décrypter, mais surtout fastidieux. Toutefois, je pense que nous allons au moins pouvoir nous pencher dès maintenant sur un éventuel clonage, une première tentative d'observation, de création, et éventuellement en tirer des conclusions pour nos futures évolutions. L'équipe B, forte de sa découverte, sera assignée à la lecture du génome. L'équipe C, encore non-assignée à une tâche claire, se trouvera désormais à la partie technique et mécanique, permettant la liaison entre l'équipe B et D. Enfin, l'équipe A, ainsi que moi-même, engagerons les travaux de clonage dans la semaine, une fois l'information pleinement analysée.
Enfin, nous avançons.
Fin de l'enregistrement, Alexandra Purelle, Chef de projet de la compagnie d'armement Tekhan Firmament.
Compte-rendu n°032, projet renommé *37-prime, Sang-Clair* :
Il est difficile d'appeler cela un échec. Tant de travaux, d'évolutions, de résultats, nous n'avons fait que progresser, mais il est de mise d'accepter cette triste vérité : notre première forme de vie clonée est un vaste échec. Nous avons pu créer une cellule souche, mais sa division archaïque, sa lente transformation, son point vital étant inconnu, notre tentative de faire accélérer sa croissance nous a mené à quelque chose d'immonde, dont nous ne sommes même pas sûres de l'humanité, de la conscience. Cette chose n'est qu'un amas de chair noire, au sang vitreux, et à la dangerosité bien trop élevée pour que nous nous en approchions sans risque.
Une membre de l'équipe A s'est trouvée absorbée par 37-prime il y a deux heures, et nous n'avons rien pu faire pour empêcher sa destruction, ne faisant finalement que grossir l'entité de trois centimètres général de diamètre. Ayant contacté l'équipe D, nous avons pu nous assurer de la création d'un outil de destruction pour ce modèle défaillant, même si cela nous fait mal d'imaginer que tant de travail finisse ainsi. Toutefois nous ne pouvons concevoir que cet être puisse continuer d'exister, sa libération étant un risque potentiel pour le labo, et la ville alentour. Nous espérons que l'arme soit bientôt opérationnelle, et pour éviter tout soucis, nous avons clos complètement l'étage inférieur, gardant l'espoir que cela soit suffisant pour qu'en cas de brèche, 37-prime ne puisse se libérer.
Tant de mois pour un tel résultat, je ne peux m'empêcher de ressentir un pincement au cœur, mais il va bien falloir que nous l'éliminions. Dès que sa destruction sera accomplie, nous retenterons le projet, les observations de l'équipe B sur le génome de 37-C-Delta en renfort. Avec un peu de chance, ceci suffira à nous donner les clés de sa maturation, et le contrôle de son évolution, pour ne pas nous retrouver à nouveau face à de tels problèmes.
Fin de l'enregistrement, Alexandra Purelle, Chef de projet de la compagnie d'armement Tekhan Firmament.
Compte-rendu n°094, projet renommé *37-prime, Sang-Clair* :
Nous parvenons enfin à obtenir autre chose que des fleurs de chair, mais le travail que nous parvenons à mettre en place reste pour l'instant peu fructueux en terme d'esthétique Tekhan. Je parle d'esthétique d'ailleurs parce qu'autrement, nous commençons enfin à atteindre un degré fonctionnel dans ce que j'appellerais la puissance brute de notre création. La force y est, l'endurance aussi, et il est vrai que si nous n'avions créé dès le départ le sérum de cristallisation, il nous serait sûrement bien complexe d'éliminer les créatures que nous parvenons à constituer. Mais encore une fois...
...Il reste que leur apparence actuelle ne plaît pas beaucoup à madame Morovik. Et je peux la comprendre, les unités font plus de deux mètres, tiennent plus du monstrueux que de l'humain, et présentent surtout une forme s'apparentant grandement à ce que nous définissons comme étant insectoïde. Je dois avouer que cela rend le tout un peu délicat, car si nous présentons finalement des soldats qui ressemblent à nos ennemis, je nous vois mal réussir à obtenir facilement l'approbation du plus grand nombre. Et si nous ne voulons pas nous faire questionner sur l'origine de nos « armes », il va être nécessaire que rien de ces dernières ne puisse créer le doute, ou l'inquiétude ! Et pour l'instant c'est loin d'être le cas.
Mais je n'ai pas bien peur, le groupe B avance de plus en plus rapidement, notamment grâce aux différents extraits que nous parvenons à récupérer sur les quelques fleurs de chair que nous gardons en culture, et ainsi nous parvenons de plus en plus à nous rapprocher d'un hybride de type humanoïde. Une fois cela fait, nous pourrons progresser encore un peu pour parvenir à stimuler l'évolution de notre sujet, et, je n'ai aucune inquiétude à ce propos, finir par concevoir une soldate pleinement fonctionnelle, et digne de la grande supériorité Tekhane. Finalement, nous avons tant et tant progressé, je ne vois guère ce qui pourrait nous arrêter désormais en si bonne marche... D'un projet fou, nous atteindrons bientôt un miraculeux succès, et avec, les honneurs qui nous sont dus !
Fin de l'enregistrement, Alexandra Purelle, Chef de projet de la compagnie d'armement Tekhan Firmament.
Compte-rendu n°117, projet renommé *37-prime, Sang-Clair* :
Suite à l'élimination de 37-prime-16, un élément curieux nous est apparu, et cet élément, aussi aléatoire peut-il être, va sûrement devoir nous forcer à accélérer un peu plus les choses, ou du moins à cesser de faire des tests à tout va et nous concentrer sur la création d'une entité viable d'ici peu de temps, au risque de rendre notre travail bien plus complexe. Le sérum de cristallisation commence à perdre de son effet. Ou plutôt devrais-je dire que, naturellement, les projets 37-prime ont commencé à synthétiser quelque chose pour s'en défendre.
De peur de faire une erreur, nous avons préféré observer les différents résultats obtenus lors de la cristallisation des sujets, afin de ne pas faire la moindre erreur, et nous avons malheureusement eu la bêtise de ne pas remarquer plus tôt ce fait grave, du moins jusqu'à aujourd'hui, où la différence fut telle que nous ne pouvions passer outre son observation. Le premier projet avait mis trois secondes à se cristalliser entièrement afin d'être ensuite évacué, le second aussi... mais nous n'avions guère pris le temps de regarder l'évolution de cette courbe. Trois secondes, puis quatre, puis cinq... les sujets prenant de la masse, il n'était que logique que le temps s'allonge un peu...
Mais là, il lui a fallu plus d'un quart d'heure. C'est trop, bien trop, et il devient donc absolument nécessaire que nous trouvions une forme viable, intelligente dans les prochains tests, sinon je ne doute guère de la difficulté que nous allons devoir considérer pour les éliminer. Je compte diminuer dès maintenant la fréquence de nos test de création, tant pis si nous nous éloignons un peu du sujet par moment, mais il faut absolument que nous endiguions cette capacité protectrice. Par souci évolutif, nous ne récupérerons aucun élément de 37-prime-16, c'est malheureux en un sens mais je préfère être prudente.
Fin de l'enregistrement, Alexandra Purelle, Chef de projet de la compagnie d'armement Tekhan Firmament.
Compte-rendu n°145, projet renommé *37-prime, Sang-Clair*, Seconde étape :
Aphrodite et Bételgeuse. Elles sont les premières à enfin avoir une forme humaine, et le sérum de cristallisation a prouvé une efficacité de quelques secondes sur un morceau de leur chair, les rendant viable au niveau du contrôle de masse, si on décide d'en faire la production. Je dois avouer que la curiosité m'étreint un peu quand je pense au travail fourni jusqu'ici, et il m'arrive parfois de repenser à ce projet 37-C-Delta, à me demander à quoi elle ressemble désormais, pour savoir à quel point mes propres « filles » lui ressemblent.
A. et B. sont jumelles, nous n'en avions que peu conscience lors de la phase de création, mais le passage embryonnaire n'a laissé aucun doute quant à leur maturation simultanée. N'ayant guère envie de perdre à nouveau quelques semaines de production, nous avons continué de les faire grandir sans nous impliquer dans le projet, essayant même de voir s'il n'y avait pas un moyen de leur offrir un lien symbiotique particulier de par leur liaison naturelle, avant de finalement abandonner l'idée pour nous rattacher à une simple observation. Parfois, elles semblent se parler depuis l'intérieur de la cuve, et je me demande toujours ce qu'elles peuvent échanger...
Mais au delà de toutes ces considérations je me permets tout de même de souligner encore un peu plus à quel point nous avons progressé ! Nous atteignons bientôt les deux années de travaux, et il est à noter toute l'évolution de notre compréhension de ce génome, de cette entité qui est apparue en Tekhos Metropolis, et de ses capacités. Nous somme passées d'un stade d'évolution purement embryonnaire à la création d'une entité humaine complexe, de deux entités même... Et surtout, nous voyons enfin le résultat de nos efforts. Je ne sais guère si Aphrodite et Bételgeuse seront notre projet final, mais en tout cas, je ne peux plus douter un instant que nous ne puissions parvenir à sublimer leur être au bout de quelques autres tentatives, afin d'obtenir enfin notre ultime soldate.
Fin de l'enregistrement, Alexandra Purelle, Chef de projet de la compagnie d'armement Tekhan Firmament.
Compte-rendu n°176, projet renommé *37-prime, Sang-Clair*, Seconde étape :
Aphrodite et Bételgeuse : une entité faible, une entité puissante. Présence d'une harmonie lors de la présence de l'une auprès de l'autre, mais la moindre séparation les rendaient instables, non sans parler de leur langage, qui n'a jamais pu être élucidé. Éliminées.
Céleste : Entité puissante, capable de se défendre, mais à la forme instable, dégradée. La première mutation ne fut pas dangereuse, et même vue comme une potentielle forme adaptative de notre projet. Celles qui suivirent rendirent Céleste impropre à la création en masse. Éliminée.
Diane : Entité puissante, incontrôlable. Elle eut l'intelligence d'attendre la fin de sa maturation pour briser le verre de sa cuve, et chercher à s'attaquer aux différentes membres de notre groupe scientifique. Désormais toutes nos cuves se verront renforcées lors de la mise en culture d'un embryon. Éliminée.
Eris et Firmament : Puissance colossale, présence d'une harmonie, action en symbiose. Elles auraient pu être le sujet d'une étude plus poussée, mais tandis qu'elles ont atteint le stade adolescent, leur langage s'est adapté au notre, et ce que nous avons pu comprendre nous força à arrêter le projet les concernant. Éliminées.
Gorgonea : N'a pas survécu à l'apport constant des enzymes pour accélérer sa croissance. Confirmation que son sang ne possédait pas l'aspect vitreux découvert chez tous les autres sujets. Nous ne savons encore s'il s'agit d'une erreur de création. Morte.
Heracles et Ikarus : Respectant le sexe de ces jumeaux, nous leur avons offert des noms masculins. Pour autant, ils prouvèrent être tout aussi belliqueux que les autres jumeaux que nous avions élevés, nous laissant comprendre que nous ne pouvions tout simplement les laisser évoluer ainsi. Éliminés.
Jerrah et Kornephorros : Nous avions déjà choisi de ne plus faire de test sur les jumeaux, mais apparemment une cuve était déjà en production alors que nous étions en train d'essuyer le dernier échec, avec Heracles et Ikarus. J. et K. prouvèrent que nos doutes étaient fondés, et ont tenté de mettre à sac l'intégralité du laboratoire. Éliminées.
La Superba : Entité à la puissance phénoménale. Elle semblait viable, divinement agréable à l’œil, et surtout possédait enfin la capacité d'échange et de compréhension que nous souhaitions. En d'autres circonstances, elle aurait pu être notre projet final, mais l'action d'une de nos consœurs à valu l'élimination de L. et l'éviction d'une des membres du groupe A, que les événements n'avaient que trop affectée. Éliminée.
Nous espérons de tout cœur que le prochain projet soit aussi satisfaisant que La Superba, et ferons tout pour que ces dernières années n'aient pas été que des recherches sans fondements.
Fin de l'enregistrement, Jolyne Desrepand, Membre du groupe A.
Compte-rendu n°179, projet renommé *37-prime, Sang-Clair*, Seconde étape :
Nous savions déjà que toutes les potentielles créations du projet 37-prime allaient avoir des caractéristiques similaires. Toutes ont eu les cheveux d'un rosé étrange, chose provenant d'une décoloration dans les premiers jours de vie d'une abondante chevelure rouge, que semblait posséder le projet 37-C-Delta. De la même manière, toutes les entités ont connu une certaine forme d'attachement envers un des membres du labo, celui-ci devenant soit une personne privilégiée, soit la cible d'une haine tenace, nous obligeant à tenir le personnel éloigné de la cuve le temps de la maturation. Ajoutons à cela une force physique démentielle, et surtout une sensibilité accrue aux échantillons de K'leir, et de Ter'er, produisant des effets allant de la violence à l'apparition d'un certain nihilisme dans la manière de penser (voir la suite de rapport 153 à 156).
Myriade... possède tout cela, et plus encore. Elle parvient à déjouer certains de nos tests avec une aisance qui frôle l’insolence, elle commence dès son plus jeune âge à accepter des aspects du combat et des techniques de défense tekhanes qui sont pourtant d'une grande complexité. Elle est parfaitement stable, et même si elle n'est pas encore poussée à maturation, n'ayant encore que 8 à 9 ans physiquement, elle semble être capable de comprendre et d'interpréter de bien nombreux sujets sans faire part d'une vicissitude extrême dans l'esprit, contrairement à certains de ses prédécesseurs. Plus, elle semble déjà si jolie pour une petite demoiselle de son âge, il n'est à n'en pas douter tout à fait envisageable qu'elle devienne une bien charmante jeune femme, exactement le genre de personne que nous pourrions souhaiter dans les rangs de l'armée.
Nous sommes encore en phase d'observation, mais si le sujet semble être en parfaite condition d'apprentissage et de préparation, nous ne tarderons guère à cesser l'évolution accélérée pour nous laisser plus de temps pour lui offrir les informations nécessaires pour faire d'elle une parfaite tueuse, l'exemple de la soldate Tekhane. Je ne saurais décrire la hâte que je ressens à l'idée de voir ce projet se concrétiser... Je n'ai finalement plus qu'un désir, pouvoir la présenter à notre directrice, en tant que grande réussite de notre projet de soldate améliorée.
Nous n'avons plus qu'à confirmer nos espoirs.
Fin de l'enregistrement, Alexandra Purelle, Chef de projet de la compagnie d'armement Tekhan Firmament.
. . . . .
La cuve. Elle n'avait jamais connue que celle-ci. Cette cuve froide, épaisse, dans laquelle elle nageait plus ou moins, sans jamais en toucher les bords, sans jamais en atteindre le plafond, sans jamais parvenir à mettre pied à terre, et à se déplacer par ses propres muscles, par ses propres forces, toujours obligée de se laisser flotter avec, sur elle, cette batterie d'équipement qui n'avait pourtant aucun attrait à ses yeux. Elle avait bien tenté de les ôter, quelques fois, quand ces femmes n'étaient pas là pour l'observer, et que la caméra qui filmait les lieux se tournait juste assez pour ne plus faire attention à elle, mais l’électricité qui s'en était échappé lui avait grillé le corps, l'obligeant finalement à se défaire de cette idée, et de continuer à jouer le jeu de la bonne petite fille silencieuse, docile. Elle avait cru comprendre qu'elle n'était pas la première à s'être trouvée ici, elle avait remarqué les autres cuves, celles qui portaient des lettres, celles qui n'en portaient pas, mais jamais elle n'avait vu d'autres personnes qu'elle en ces hautes jarres de verre sans ouverture. Parfois, elle écoutait les femmes parler entre elle, comme si elle n'était pas là, découvrait que certaines avaient peur d'elle, et que d'autres étaient plutôt curieuses, intéressées, cherchaient avant tout à la comprendre, malgré son masque qui lui permettait tout autant de respirer, que de rester parfaitement muette, bien malgré elle. Parce que oui, entre le fait que cela coupait le son de ses termes, et que le liquide autour d'elle déformait ses dires, il devenait complexe pour ces scientifiques de voir autre chose que ses lèvres bouger.
Et elle ne leur en voulait pas de ne pas chercher à la comprendre, encore une fois elle s'en accommodait, elle l'acceptait, elle se disait même qu'un jour, peut-être, elle sortirait de la cuve, comme avait l'air de l'avoir fait les autres avant elle, et d'ainsi pouvoir s'exprimer avec ses propres termes auprès de ces femmes qu'elle n'aimait pas, mais qui auraient peut-être la capacité au moins d'essayer de la comprendre. Elle se sentait seule aussi, terriblement seule, elle aurait bien aimé s'attacher à quelqu'un, pouvoir vraiment s'approprier une personne pour que ce soit une femme « à elle », une amie, une mère, mais malheureusement personne ici n'avait la moindre valeur à ses yeux, ou ne lui permettait de se sentir mieux. Alors elle s'en accommodait, encore une fois, elle faisait surtout cela aussi d'ailleurs, elle considérait qu'en « s'en accommodant », elle serait capable de prouver qu'elle pouvait faire ses propres choix, qu'elle était, en soi, une entité vivante, même si elle ne ressentait pas, même si elle ne touchait pas, même si elle ne sentait pas, même si elle ne vivait pas. Oui, elle avait du mal à se croire vivante, à rester là, aussi nue, aussi statique, incapable de baisser la tête à cause des longs tubes placés autour de son crâne et de son cou, mais elle faisait tout pour l'être, et sûrement serait prête à tout pour l'être, quitte à ce que cela fasse sa tristesse, ou sa colère. Parce que c'est ainsi qu'on vit non ? En exprimant des sentiments, et prenant parti ? Du moins, c'est ce qu'elle comprenait du flot d'informations qu'on lui envoyait directement dans son esprit, et elle comptait s'y accrocher, pour vivre !
Et puis... Elle commença à les entendre parler d'une libération, d'une mise à l'étude. L'idée était salvatrice pour elle, une véritable promesse de vie, de liberté, quelque chose qu'elle n'avait jamais connu, elle fut tant et tant intriguée qu'elle essaya, par tous les moyens, de lire sur leurs lèvres si elles avaient le malheur de prononcer une date, ou une durée, ou moins de quoi lui confirmer que cette idée n'était pas simplement quelque chose d'évoqué par l'une de ces femmes dans un cadre hypothétique, mais bien une possibilité future ! Et elle crut même comprendre que cela n'allait pas tarder, ce qui fit toute sa joie, l'amenant à vouloir se montrer d'une exemplarité totale dans le seul et unique but de quitter cette cuve froide, vide de sensation, et d'enfin toucher la terre ferme. Bon apparemment elles avaient encore quelques essais à faire, quelques tests, qu'elle n'eut aucun mal à accepter et à traverser, malgré la douleur. La pression ? Elle sentit bien un de ses os se disloquer lorsqu'elles parvinrent à solidifier le liquide dans lequel elle avait vécu jusqu'ici sous une force de plusieurs dizaines de tonnes, mais qu'est-ce que cela était en comparaison de son besoin de quitter cette prison de verre ? La force ? Elle n'eut guère à leur prouver sa valeur quand elles commencèrent à l'envelopper grâce à ces espèces de tentacules mécaniques, et les brisa même une fois qu'elle fut complètement étreinte par ceux-ci, afin de montrer à quel point ces choses étaient insignifiantes pour elle. L'obéissance ? Rien ne vint la faire osciller, même pas les pires preuves de sadisme de la part de ces scientifiques abominables. Les connaissances ? Toutes leurs questions furent répondues rapidement grâce à l'écran de la cuve, sans qu'elle n'ait à hésiter.
Tout ce qu'elle voulait, c'était sortir.
Alors elle eut bien du mal à comprendre lorsque qu'elle ne vit soudain plus personne. Pas la moindre femme ne passait désormais les portes de cette salle, les grésillements des différentes machines se turent lentement, et seule resta la lumière légère de sa cuve dans le noir. Du jour au lendemain, elle se retrouva seule, terriblement seule, et alors qu'elle espérait toujours entendre le fin chuintement des portes coulissantes venir faire réagir son ouïe, elle n'eut que le droit à l'écho pesant d'un silence parfait, qui ne révélait finalement quelques brins de son qu'à l'instant où elle cherchait à se déplacer un peu dans sa cuve, par inconfort. Elle ne comprenait pas, elle avait tout bien fait, elle avait respecté les ordres qui lui avaient été donnés, elle avait fait absolument tout ce qui était en son pouvoir pour s'assurer que chacune de ses réponses, de ses propos, de ses actes soit porteur de sa volonté de découvrir le monde extérieur... Que faisait-elle donc alors à être encore dans cette cuve, à attendre inlassablement qu'une douce âme ne vienne l'en libérer ? Elle ne savait pas quand c'était le jour, quand c'était la nuit, aussi elle ne tarda pas à cesser de dormir, se posant simplement dans sa prison, les genoux ramenés contre son corps encore bien juvénile, et continua tranquillement de revoir les différentes informations auxquelles elle avait encore accès via la base de données, y trouvant sa seule voie de sortie. Elle y trouvait les plaines, les villes, les gens, et au dessus de tout cela, les étoiles dans le ciel, scintillantes formes qui n'exprimaient que des découvertes, lointaines, si lointaines... Et pourtant qu'elle souhaitait tant découvrir, elle qui se trouvait encore sous terre.
Depuis combien de temps se trouvait-elle seule, ici, dans le noir et dans le silence ? Elle ne savait guère, pour elle cela ne lui semblait pas très long, mais elle ne doutait pas qu'au vu du nombre de « leçons » qu'elle était allée quérir dans le serveur central, il n'y avait pas de grands doutes à avoir, elle avait dépassé depuis bien longtemps les deux semaines d'attente, et commençait à se demander si quelqu'un passerait désormais les portes de sa captivité un jour. Mais peut-être qu'il y avait d'autres solutions que de simplement attendre en se languissant de la présence d'autrui, peut-être qu'il était nécessaire qu'elle fasse désormais ses premiers pas par elle-même ? Dans le fond elle avait peur. Peur que tout cela ne soit qu'un autre test, et que sa tentative de sortir de la cuve soit perçue comme un acte belliqueux, une rébellion qui ne finirait que par lui faire outrage dans sa bonne volonté et son désir de suivre les ordres pour enfin découvrir un peu de liberté, un peu du monde dans lequel elle a vécu jusqu'ici sans avoir le droit de le côtoyer. Elle avait peur que, sitôt sa sortie, les femmes rentrent d'un coup, et lui tombent dessus pour la ramener en captivité, ou pire encore, la neutraliser. Elle avait entendu une scientifique en parler, elle savait que quelque part dans la structure se trouvait un objet capable de la tuer d'un coup net, et ne voulait absolument pas avoir à souffrir de ses effets. Elle voulait vivre ! Et avec cette envie de vivre, elle avait bien compris à quel point elle avait peur de mourir, de n'être rien d'autre qu'une forme absente, abandonnée, loin de tout, dans le noir et le si...
Se pensées la menèrent à cette conclusion. Si elle ne résistait pas maintenant, elle n'était pas différente d'une personne déjà morte, attendant passivement qu'on la « mette au monde » sans qu'elle ne fasse le moindre effort, alors qu'il était peut-être justement temps qu'elle fasse preuve d'un peu de personnalité, d'un peu de force, de montrer qu'elle était un être en lui-même, une entité vivante, pas une simple petite chose qui obéit sagement. Elle regarda tranquillement le verre qui se trouvait face à elle. Quelle épaisseur faisait-il ? Elle ne pouvait clairement pas le voir, mais elle ne pouvait pas savoir s'il résisterait à un de ses coups tant qu'elle n'essaierait pas de le mettre au « défi ». Elle leva sa main lentement, puis serra son poing, fort, extrêmement fort, avant de commencer à bander les muscles de ses bras, et de projeter le tout avec force contre la paroi devant elle, ne cherchant clairement pas à faire preuve de la moindre retenue vis-à-vis de sa puissance : ce coup était le signe de son désir de liberté, son désir d'exister. La vitre ne sembla pourtant guère frémir au premier abord, elle resta droite, insensible, jusqu'à ce qu'un premier craquement se fasse entendre au niveau du poing encore engourdi de la jeune femme, et que celui-ci se propage en de nombreuses fissures dont le nombre augmentait en permanence, jusqu'à ce que deux de celles-ci se rencontrent, et entraînant l'explosion de sa prison de verre, le tout volant en éclats, tandis que le liquide étrange se vidait à toute vitesse. Sentir de l'air contre sa peau nue, quelle sensation étrange, quelle incroyable et divine caresse, quelle douceur... Le froid qui fit frémir sa chair un instant, elle le vécut comme la plus réconfortante des sensations : elle ressentait.
Et ressentir autre chose que de la douleur l'amena à s'éveiller, enfin, à se trouver pleine de forces, de capacités, de compréhension, qu'elle n'avait guère eu la chance de ressentir jusqu'ici, elle se sentait entière, elle se sentait vivante, et elle ne comprenait pas comment, pendant tant de temps, elle n'avait pas eu la présence d'esprit de comprendre que tout ce qui l'entourait, ce carcan, n'était rien d'autre que quelques vaines limitations qu'elle aurait dû ôter depuis bien longtemps. Suspendue par les tuyaux qui se trouvaient autour de sa tête et de son cou, elle commença à les arracher, à les détruire, comme s'il s'agissait de constructions de papier, se libérant définitivement de cet amas lugubre de fer et de plastique, pour finalement les rejeter dans la pièce, la gravité finissant son travail quand, finalement, son poids devient trop important pour le reste de la machinerie, et qu'elle s'arrache alors d'elle-même pour concéder sa victoire à la jeune femme désormais au sol. À moitié dans l'eau, à moitié à l'air libre, les fesses écrasées sous son propre corps, elle découvre, et pendant un instant elle se perd en d'étranges expérimentations, plaçant le reste du liquide sur son visage pour sentir à quel point la fraîcheur l'affecte dans ce genre de situations, ou attrapant un bout de verre pour l'écraser dans sa paume, ressentant dès lors le mélange de douleur et de plaisir destructeur... Elle n'a que grand mal à se rendre compte de son état, de cette liberté, mais elle sait désormais qu'elle n'a plus à s'en faire, qu'elle va pouvoir agir comme elle le désire. Et plus rien ne lui fait peur, absolument plus rien !
Elle se releva au bout d'un moment, ivre de bonheur. Sautant de la cuve au sol, évitant dans son bond particulier les bouts de verre qui tapissent le dallage métallique, elle se rattrape sans le moindre problème, et se pose donc avec légèreté dans les lieux avant d'observer les alentours sous un autre angle, curieuse de découvrir à quel point le monde peut être autre chose que la même vision en permanence, les mêmes tubes, les mêmes machines... Et justement, la jeune femme se trouve intriguée par un petit morceau de fer en bas de sa cuve, un petit écriteau, sur lequel semble se trouver inscrites quelques lettres dont elle se demande l'utilité, même si rien ne lui permet de le lire à cette faible distance. Elle a encore de l'eau plein les yeux après tout, normal que ce soit compliqué pour elle de voir loin. S'agenouillant, après avoir viré une partie des bouts de verre d'un revers de sa main blessée due à ses expérimentations, la demoiselle aux cheveux roses se penche en avant pour continuer de réduire la distance avec les inscriptions, jusqu'à avoir enfin la possibilité de les traduire malgré sa vision affaiblie. Encore une fois, elle devait plutôt se reposer sur ce qui lui avait été transmis par les machines plutôt que sur ses propres expériences, si bien que ce ne fut pas sans mal pour la jeune femme qu'elle parvint peu à peu à identifier les différentes lettres, puis à les accoler les unes aux autres pour commencer à identifier les mots. Et pourtant, s'aidant à haute voix, elle parvint tout de même à recoller les morceaux, finissant par se reculer avec un sourire satisfait, se mettant à s'exprimer par la même, découvrant enfin sa douce voix sans que celle-ci ne soit déformée par la cuve et son contenu :
«
Myyyy...Myyyrrrraaaa....Myriaaaa...de ? Myriade, prrrooo...projet... trois et sept... trente-sept pri-me. Myriade, projet 37-prime. Sanegue Clahir? Non ça ne peut pas être ça. Sang ? Sang-Clair ?...Hummm »
Elle se releva lentement, et se tourna vers la porte.
«
Myriade Sang-Clair, c'est pas mal quand j'enlève le reste. Je suis Myriade Sang-Clair, je suis libre, et je vais désormais sortir ! »
Un autre petit bond, et la voilà en direction des lourdes portes automatisées qui servaient d'entrée au lieu. Pas d’électricité toutefois, ou bien trop peu, elle imaginait bien qu'elle ne parviendrait pas à passer normalement par celles-ci, mais à mesure qu'elle s'approchait, elle faisait jouer sa mémoire, cherchant avant tout à se rappeler de l'épaisseur du double-battant pour imaginer si elle avait la capacité de les passer par la force brute. Finalement point de réponse une fois qu'elle se trouva en face, hormis le fait d'essayer, afin de voir si elle était en effet aussi puissante que les scientifiques pensaient l'avoir créée, et soufflant encore longuement, elle prit un grand élan en arrière, avant de se projeter en avant avec violence, fichant son poing dans la porte, puis continua d'un trait, sans cesser de forcer, déformant le métal sous l'impact, puis rompant les quelques contenus offrant à ces portes leur résistance si particulière... Jusqu'à ce qu'elles volent en éclats, s'écrasant dans la pièce avec un fracas terrible qui se répercuta dans le silence du bâtiment. Il faisait toujours aussi sombre, mais l'absence de fenêtre en était sûrement la cause, ainsi que la coupure en énergie qui ne permettait donc guère de nourrir les différentes lampes de manière suffisante pour offrir un peu de clarté. Elle fit avec, passa par dessus les lourds pans métalliques avec un certain dédain, et continua de se faufiler dans des couloirs vides, et des salles tout autant vivantes, tout en se questionnant de manière ininterrompue : Comment cela était-il possible que personne ne se trouve dans les environs ?
Elle n'avait guère de réponse, mais au point où elle en était, elle n'avait pas de grande raison de rebrousser chemin face à ce mystère, si bien qu'elle progressa sans le moindre doute, cherchant à se repérer dans ce flot de nouveautés qu'elle ne comprenait guère. Passant à coté d'un sandwich emballé dans un film plastique, elle s'en approcha lentement, curieuse, mais ne tarda pas plus dessus en décelant l'apparence grisâtre de ce dernier, comprenant par là que celui-ci n'était clairement plus propre à la consommation. Elle avait faim pourtant. Alors elle chercha un « distributeur », en ayant eu quelques informations par le biais de ses leçons, et surtout sachant pertinemment qu'il devait y en avoir dans la bâtisse, ayant déjà remarqué que certaines des femmes qui s'approchaient de sa cuve avait parfois une de ces choses appelées canette, ou sachet, et que ces éléments contenaient normalement quelques denrées qui ne sauraient sûrement que satisfaire son appétit. Finalement, la jeune demoiselle trouva les deux objets de sa recherche en même temps, une échappatoire, sous la forme d'un escalier qui semblait se diriger vers les strates supérieures du bâtiment, et un distributeur, juste à coté, qui semblait encore avoir en son sein quelques éléments comestibles, malgré la difficulté à les différencier à cause des ténèbres environnantes. Seule une vitre la séparait de l'objet de son désir, et comme jusqu'ici la violence avait toujours fait ses preuves, elle se concentra et vint mettre un petit coup rapide dans celle-ci pour la réduire en morceaux, s'offrant dès lors l'accès à une foule d'éléments qui ne saurait que combler ses besoins !
Un sachet, puis deux, puis de quoi boire, puis à nouveau de quoi manger. La gourmandise eut tôt fait de lui faire consommer bien plus qu'elle n'avait normalement besoin, mais elle avait tellement soif de cette découverte que la moindre chose qui pouvait satisfaire sa curiosité venait immédiatement finir dans son gosier, du moins jusqu'à ce que sa satiété s'exprime par de léger grondement de la part de son ventre appréciant peu le soudain bourrage. Elle se redressa alors et repartit rapidement, grimpant les escaliers avec un certain empressement, se dirigeant immédiatement vers l'étage, et ne fut pas surprise de découvrir que les lieux étaient dans le même état de déperdition que les sous-sols, comme si soudainement la présence humaine avait disparu des environs, emportée par une tornade qui avait fait le choix de laisser intacts les meubles, mais de prendre une à une chacune des scientifiques du labo pour ensuite s'éloigner en la laissant en bas, seule et obéissante. Pour elle, c'était une bonne nouvelle dans le fond. Personne envers qui obéir, personne à satisfaire, Myriade allait pouvoir vivre pour elle-même, et donc s'offrir la joie de connaître ses expériences sans avoir à subir les lourds regards de toute une équipe prête à lui faire comprendre que le moindre de ses gestes pouvait être lourd de conséquences ! Filant hors des bureaux, rapide, agile, bondissant parfois par dessus une chaise renversée, ou les restes d'une table aux pieds brisés, elle parvint enfin auprès de la large porte à double-battant, et parvint par le plus grand des bonheurs dans le haut hall vitré qui servait d'entrée à l'ancienne compagnie d'armement. L'air frais arriva des vitres brisées, et elle en inspira une grande bouffée revigorante...
Elle y était, la vie au dehors. Il faisait toujours aussi sombre quand elle regardait au dehors, mais elle n'avait pas la moindre crainte quant à ces ténèbres-ci ; ces formes étranges qui s'y déplaçaient lentement, ces êtres vivants qui y riaient avec la plus grande des honnêtetés, ces lumières au dehors qui avaient légèrement tendance à l'éblouir étant autant de signes d'une vie belle, d'une vie qui allait la changer, lui offrir enfin un renouveau, loin de sa cuve, loin des tests. Sautillante, la jeune demoiselle s'approcha de l'entrée, et vint à y remarquer une étrange couche de résine sur les premiers mètres, lui permettant enfin de comprendre pourquoi les lieux étaient vides et froids, privés de toute vie. Le bâtiment entier avait sûrement été vidé à la hâte, et ensuite il avait été bloqué, « muré », mis en quarantaine par quelques forces de la loi Tekhane, lui offrant dès lors toute possibilité pour se libérer, elle qui se trouvait dans les tréfonds de cette institution militaire. Pour le coup, elle aurait bien pu les remercier, mais se doutait que si les lieux avaient été ainsi mis à l'écart, ce n'était pas foncièrement pour qu'une expérience puisse de nouveau sortir, lui laissant à l'occasion quelques instants de réflexion pour se poser une importante question : si elle osait passer cette gangue de résine, allait-elle être poursuivie ? Il y avait des chances, la demoiselle expérimentale avait crû comprendre de ses apprentissages que Tekhos Metropolis était une ville fortement surveillée... Mais finalement peu lui importait, tout ce qu'elle souhaitait était de partir, de découvrir, de vivre. Et cette résine se trouvait entre elle et son idéal.
Un coup, pour que la double-porte bien sommairement résistante vole en éclats, puis un second qui vint fragiliser l'épaisse couche désormais solidifiée de résine claire. Le troisième vint définitivement créer une brèche, par laquelle elle s'engouffra sans attendre, se faufilant sans la moindre hésitation, avant de débarquer de manière un peu maladroite dans la rue à cause de son empressement, enchaînant deux petits bonds pour tenter de garder son équilibre avant de rouler en avant, sur la route.
Lentement, elle rouvrit les yeux, qu'elle avait bien étrangement fermés instinctivement quand elle était venue perdre l'équilibre, et ce qui vint capter son attention fut dans les plus grandes et inconcevables hauteurs de ce monde. Que connaissait-elle du monde ? La guerre, l'armement, le militaire, le scientifique... Bien des choses dont on lui avait bourré le crâne pour que Myriade devienne la meilleur arme de Tekhos Metropolis, et même la petite expérience acceptait le fait qu'elle serait tout à fait capable d'éliminer le moindre danger sans grand souci. Mais là, ce qu'elle avait devant les yeux, c'était autre chose que tout cela. Ce n'était ni la ville froide, ni les terres désolées qui entourent les environs, ni même la plus petite chose qu'elle avait vu dans ses rapports. Elle ne parvint à comprendre qu'en se rappelant à partir de quelles données ses prédécesseurs et elle-même avaient été nommées. Ce qui se trouvait actuellement haut dans le ciel, bien trop loin de sa portée, bien trop loin de toute tentative d'entravement, d'appropriation, ce qui brillait si haut au dessus de sa tête, c'étaient des étoiles. Et elle les aimait. Ces formes fantastiques, brillantes comme des joyaux, petites comme des têtes d'aiguille à cause de la distance, mais qui étaient si libres, intouchables, c'étaient des étoiles... Et elle, toute nouvelle vie en cette terre, les contemplait avec le besoin inhérent de graver en sa mémoire l'instant même où sa première erreur lui offrit son premier soupçon de beauté naturelle. La petite expérience, confuse, charmée, ne sachant plus quoi faire, restait là, au milieu de la route, contemplant ces petits points brillants dans le ciel...
Et quand elle reprit contact avec la réalité, ce fut avec un crissement de freins, et l'éblouissante lumière d'une paire de phares.
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Chapitre 3 : Les deux têtes du projet OESA
Luxienne n'avait pas cherché à calculer le temps qu'elle passait au chalet. Elle avait un soutien financier personnel, elle avait de quoi tenir longuement grâce à l'approvisionnement constant en nourriture, et surtout elle pouvait passer du temps avec une personne de confiance quand elle n'avait plus la tête à travailler, même si de nombreux sujets restaient souvent orientés autour des nouvelles technologies, et de ses projets en terme de recherches. Kirosu n'était pas foncièrement plus intelligent qu'elle, plus doué, ou plus malin, mais il possédait nombre de connaissance qui lui avaient échappé de prime abord, et qui s'étaient révélées particulièrement utiles lors de ses propres tentatives d'amélioration de ses travaux. Finalement, il lui avait dit un jour qu'elle « possédait l'esprit pour voir au-delà de bon nombre de problèmes, mais les bases, si importantes, te manquent pour concevoir ». Et ce n'était pas faux, à tel point qu'elle fut grandement étonnée que les dites bases ne lui aient jamais été inculquées lors de son apprentissage, lors de ses écoles, laissant finalement la femme sur la touche lors de ses premiers mois de triturations intellectuelles, le temps qu'elle puisse quérir de son ami de tous les jours le savoir suffisant pour prendre ses travaux sous un autre angle, progressif, et compréhensible. Et la plus grande des différences avait été énergétique, la menant à faire de nombreux calculs pour transposer cela sur un schéma Tekhan, la façon de procéder selon les Terriens étant tellement différente qu'elle s'était parfois casser la tête sur des semaines pour avancer une simple ligne d'équations...
Mais, des années plus tard, son projet était viable. Elle ne l'avoua guère au vieil homme, mais elle avait en main tout ce qu'il lui était nécessaire pour pouvoir quitter le chalet normalement, et usa de quelques moments supplémentaires auprès de lui pour l'accompagner sur sa propre tentative de création technologique supérieure, lui offrant le tout de son savoir pour faire avancer ses hypothèses, ses recherches, au delà de son propre possible. Finalement, en quelques mois, elle lui offrit ce qui lui permis de retourner chez lui, et la soirée qui vint à préparer son départ fut des plus amusantes pour la jeune femme, un peu trop d'alcool peut-être, une crise de foie en plus, mais en tout cas, ils fêtèrent en grandes pompes leurs résultats, chacun profitant des clairs derniers instants qu'il leur restait avant de se séparer définitivement, eux qui s'étaient tant plus dans la compagnie de l'autre, par un esprit identique, et une volonté de savoir qui dépassait les espérances de chacun. Si Luxienne était plus mesurée sur l'éventualité d'ailleurs qu'ils ne puissent se revoir, au vu de son avancée, elle joua tout de même le jeu, se permit d'accorder à l'homme un sourire sincère, une discussion soulignée d'émotions, mais surtout de nombreux remerciements pour tout ce qu'il avait pu lui offrir, socialement et scientifiquement. Elle s'était attachée à cet homme dans le fond, et se dire qu'elle n'aurait plus d'occasion de le revoir était en soi source de grandes difficultés, mais elle faisait preuve d'une certaine résilience. Si elle ne pourra désormais lui reparler, elle gardera toutefois en tête sa personne, douce, et à l'écoute, qui avait tant permis à la femme de progresser...
Et vinrent alors les adieux. Kirosu disparut grâce au portail de son invention en un instant, comme si il n'avait jamais existé, et Luxienne prit soin de venir quérir l'une des parties de la machine pour s'assurer que le portail ne puisse se rouvrir, ou que personne ne vienne en faire usage depuis les contrées de Tekhos, afin d'éviter toute forme de choc culturel entre deux mondes particulièrement différents. C'était la dernière demande que lui avait fait son ami, et elle comptait bien s'y tenir, n'imaginant pouvoir décevoir celui qui lui avait tant offert sur leurs années de colocation. Puis la scientifique commença à empaqueter ses affaires, à vider les lieux, à procéder à un nettoyage méthodique pour offrir au chalet sa pleine beauté, rendant les lieux dans l'état dans lequel le vieux couple de Tekhane le lui avait loué, pour finalement se diriger lentement hors de cet abri de bois et de chaleur avec un certain pincement au cœur, se rappelant encore de l'époque où elle s'y était installée, si innocente, si différente. Aussi étrange que cela puisse paraître, cette maisonnée lui évoquait désormais l'une des plus grandes évolutions de sa vie, un apprentissage de tous les jours qui l'avait changée, lui avait permis de trouver sa place, socialement. Désormais, elle retournait à Tekhos avec un projet, mûrement réfléchi, maîtrisé, elle ne comptait plus agir comme un simple rat de laboratoire... Non désormais, alors que ses pas se marquaient encore légèrement dans la neige perpétuelle des lieux, et que son sac volait au travers des airs pour atterrir lourdement à l'intérieur du véhicule adjacent, Luxienne faisait une croix sur le reste de son passé scientifique, et rentrait dans son outil de locomotion avec un léger sourire aux lèvres : elle avait le projet de devenir l'une des prochaines forces technologique de Tekhos, et seuls les kilomètres la séparaient désormais de son but.
Elle déposa ses clés chez le vieux couple, et aussi étrange cela fut, l'étreinte que toutes deux lui offrirent fut pour le coup particulièrement difficile à supporter moralement. Elles aussi, il y avait des chances que la femme n'ait plus l'occasion de les revoir, et il était difficile d'accepter que des personnes aussi tendres, aussi agréables, soient ainsi laissées en arrière de sa part pour nourrir son besoin de vivre non pas comme une simple aide laborantine, mais bien comme la directrice d'un Empire technologique. Pourtant elle fit l'effort de leur offrir une accolade sincère, essayant de leur exprimer par celle-ci combien elle tenait à elles, qui avaient été si bienveillantes à son encontre, puis quitta les lieux pour se diriger le plus rapidement possible en direction de la capitale de son pays, voulant non seulement y retrouver sa sœur, et lui exprimer le tout de son idée, mais surtout s'installer une bonne fois pour toutes, et clouer le bec à tous les serpents qui n'ont sûrement pas chômé durant son absence pour la rabaisser cruellement, en partie grâce à son absence imprévue. Dans le fond elle jubilait un peu. Imaginer ces langues de vipère, ces idiotes, ces imbéciles, ouvrir leurs mirettes assez grand pour avoir l'air de poissons décérébrés devant l'excellence de son projet, de son travail, c'était une idée tellement plaisante, tellement satisfaisante pour la femme, elle n'espérait qu'être là pour l'observer de ses propres yeux. Mais pour l'instant, son regard était adressé à la longue route qui défilait devant elle, et aux sombres échos qui apparaissaient au loin, premiers signes d'une nuit rapide, pleine d'étoiles... Et elle avait encore beaucoup de chemin à faire.
Dans le fond, quelle tristesse d'avancer de manière horizontale quand elle savait que le vertical était si proche d'elle, quasiment à sa portée...
Quand elle entra dans Tekhos, la nuit était déjà tombée depuis un moment, et seuls ses phares éclairaient la route, ne lui offrant que bien peu de vision, l'astre nocturne étant quasiment absent en cette soirée, et les étoiles à peine suffisantes pour offrir un brin de lumière. Mais cela ne lui déplaisait pas, elle avait presque l'impression de se cacher de ses consœurs pour revenir, de fomenter un mauvais coup, c'était amusant. Elle laissait ses pensées se balader un peu en sus, n'ayant guère de crainte maintenant qu'elle ne se trouvait plus dans les grandes steppes arides qui environnent le territoire Tekhan et sa capitale, et si cela influait un brin sur sa concentration, elle n'en ressentait pas le moindre danger, les rues de la ville étant toujours sûres, et les accidents inexistants. Non, à la lumière des lampadaires, encore rares aussi bas dans la grande cité, mais tout de même suffisamment présents pour lui permettre de distinguer au loin les embranchements lui permettant de rejoindre le cœur de la ville, elle profitait encore autant que possible de sa solitude, et ne voyait pas ce qui pourrait l'empêcher, de quelque manière, de rejoindre dans les minutes qui suivent son objectif premier. Et pourtant, alors qu'elle tourne à gauche de manière tout à fait mécanique, innocente, suivant le traceur GPS munit avec l'automobile de location pour lui permettre de rentrer, la voilà qui débarque dans un lieu dénué de tout éclairage urbain, une longue route sombre en plein milieu de la cité. Surprenant, mais elle ne va pas rebrousser chemin sans raison, n'est-ce pas ? Elle progresse un peu plus lentement, seulement, par simple prudence, et ne saura que louer pareille prévention durant le reste de sa vie...
Une forme, au beau milieu de la route, au beau milieu des ténèbres ! Elle pile, paniquée, écrase violemment le frein sous son pied, braque le volant pour tenter de se décaler de cette présence diaphane allongée au sol. Elle prie de ne pas la toucher durant les quelques instants où elle voit son véhicule s'approcher dangereusement, sans vouloir faire mine de cesser son mouvement meurtrier.
Et elle s'arrête, sans un choc... Elle ne voit plus rien, le capot l'empêchant d'avoir une ligne de vue suffisamment correcte pour vérifier qu'elle n'ait pas touché ce qui se trouvait au sol. Sur son siège, le souffle chaotique, elle tente pendant un instant de reprendre son calme tandis qu'elle se pose encore la question de ce qui se trouvait en face d'elle, et qui ne semblait pas avoir fait preuve de la moindre réaction alors que le véhicule s'était apprêté à lui fondre dessus avec une vitesse qui n'aurait eu comme résultat que de réduire n'importe qui en bouillie. Il n'y a plus un bruit, il n'y a de lumière que les phares, et Luxienne ne remarque même pas le reflet miroitant de la résine à gauche de son véhicule, tant elle manque de clarté d'esprit face à la situation... Puis, incapable de rester une seconde de plus sans rien faire, elle ouvre vivement la portière, et saute de l'habitacle avec un empressement tout compréhensible, se rattrapant un peu maladroitement sur la route pour avancer rapidement en direction de l'avant du buggy pour s'assurer qu'elle ne vient pas de tuer quelqu'un dès son retour en ville. Bon dieu, elle revient avec une idée géniallissime, capable de changer définitivement le visage de Tekhos Metropolis, et elle se retrouverait immédiatement en tribunal pour avoir manqué de prudence, et ainsi d'avoir écrasé une innocente qui avait fait un malaise ? Elle ne pourrait jamais assez s'en vouloir si c'était effectivement la vérité. Alors elle se presse, elle craint ce qui pourrait se révéler à ses yeux, mais elle ne se laisse pas plus de temps pour réfléchir, ayant horreur de ne pouvoir sauver la victime de son manque de précautions si elle perdait trop de temps...
Et elle se fige. Devant elle se trouve une adolescente, dénuée du moindre vêtement, mais surtout pleinement consciente, et attentive, relevant lentement les yeux pour que ses prunelles turquoises se posent droit dans le regard affolé de la conductrice tremblante d'émotions, s'imaginant déjà constater une charpie sanguinolente devant le pare-choc de son moyen de locomotion. Luxienne est... paralysée. Aussi étrange soit-elle, cette rencontre presque inconcevable la déstabilise, elle qui pourtant à fait tant d'efforts pour pouvoir agir normalement en société, mais elle ne s'était clairement pas préparée à une telle rencontre, et ne peut que rester là, interdite, muette, complètement désarçonnée, alors que la jeune femme allongée sur la route roule lentement, se plaçant sur le ventre pour ensuite commencer à se lever. Et finalement, la scientifique parvint à se faire un peu violence en voyant la demoiselle aux cheveux décolorés se déplacer, se remettant un peu en tête le fait que malgré l'aspect si étrange de la situation, elle avait tout de même manqué écraser cette « enfant », et qu'il était de son devoir de s’enquérir de son état, même si la honte étreignait son cœur à l'idée de lui avoir potentiellement fait du mal. C'est donc d'une voix mal assurée, difficilement maîtrisée, bégayante, et manquant clairement d'une intonation adulte que Luxienne tenta vainement d'échanger avec la figure pâle, en pleine quiétude, de l'accidentée, qui quant à elle se trouvait désormais bien campée sur ses deux jambes, droite, et le regard placé de manière toujours aussi directe dans celui bien moins à l'aise de la conductrice.
«
B-b-bonsoir... Je m'appelle Luxienne, pardon de... d'avoir manqué de vous écraser, je... Vous allez bien, je ne vous ai pas blessée ? -
Luxienne ? Je m'appelle Myriade... Myriade Sang-Clair »