Kiyomu avait été embauchée par Youko Onno il y a de cela quelques années. Cette simple employée avait commencé à l’accueil, puis avait ensuite, progressivement, gravi la hiérarchie. La tâche n’avait pas été difficile, car, à l’époque, l’entreprise de Youko était naissante, et il était donc plus facile de s’y élever. Maintenant, la société était en pleine expansion. Youko était une femme d’affaires assez douée, qui avait su faire de bons placements, et ce récent contrat était très prometteur pour la suite. En conséquence, Kiyomi comprenait qu’elle se mette à boire. Youko n’avait pas vraiment eu d’adolescence. Elle avait eu Daichi très tôt, et les problèmes de couple avaient vite surgi. Elle avait divorcé quand Daichi était encore jeune, et avait dû renoncer aux fêtes, aux soirées, aux sorties, pour éduquer son fils. Maintenant, elle se rattrapait, et Kiyomi y avait beaucoup contribué. Discrète et efficace, l’assistante et secrétaire était un soutien de choix, mais aussi une amie intime, comme elle le prouvait en ce moment, en ramenant sa patronne bourrée chez elle.
Daichi finit par ouvrir la porte. Comme toujours, tant que sa mère n’était pas rentrée, le jeune homme était incapable de dormir. Un lien très fort s’était développé entre eux deux. D’extérieur, Youko pouvait apparaître comme une femme dure et autoritaire. Elle était chef d’entreprise dans une société qui était encore très sexiste, et où la femme célibataire, et mariée, était encore vue avec un peu d’infamie. Pour s’imposer dans le monde des affaires, elle avait dû taper du poing sur la table, mais Youko, en réalité, était profondément aimante. Et elle était aussi très protectrice envers son fils.
«
Me... Merci, Daichi. Aide-moi à coucher ta mère sur le canapé, s’il-te-plaît... »
Youko dormait à moitié, et, quand les deux arrivèrent enfin à la coucher sur le canapé, ce fut pour la voir s’endormir rapidement. Kiyomi était bien placée pour savoir qu’une Youko endormie sous l’effet de l’alcool ne se réveillerait pas si facilement. La pauvre, elle avait toujours aimé boire, mais elle était incapable de tenir l’alcool... Néanmoins,
la voir dormir ainsi, avec sa belle robe de soirée, était très excitant... Ce qui amena Kiyomi à se mordiller les lèvres.
Daichi lui présenta ses excuses, et Kiyomi lui sourit alors, en haussant les épaules.
«
Oh, allons, ce n’est rien, voyons ! Ne juge pas trop durement ta mère, nous avons réussi à obtenir notre contrat, elle voulait absolument fêter ça. »
Youko n’avait rien caché à Daichi des problèmes qu’elle avait avec son père, Kenji Onno. Et ces problèmes étaient récents. Kenji était, comble de l’ironie, un ancien alcoolique notoire, un père démissionnaire qui avait connu une longue phase dépressive liée à son enfance. Mais Youko avait cessé d’être une béquille pour lui, car Kenji, outre son addiction à l’alcool, adorait aussi les jeux en ligne, les paris et ce genre de choses. Il avait dilapidé la fortune de Youko, et, quand elle avait appris ça, elle qui voyait l’argent comme une nécessité absolue, car venant d’une famille relativement modeste, avait réussi à obtenir le divorce pour faute, aux torts exclusifs de Kenji.
Cependant, depuis quelques mois, Kenji s’était réveillé, et souhaitait maintenant revoir son fils. Il avait saisi la justice pour forcer Youko à lui accorder des droits de visite et d’hébergement. Ça, Daichi le savait, et, de ce que Youko lui disait, Daichi n’avait surtout pas envie de voir son père, étant très bien avec sa mère.
«
Il serait plus prudent que je reste ici un peu. Si jamais Kenji arrive, et constate que ta mère dort sur le canapé à cause de l’alcool, il pourrait utiliser ça contre elle. »
Pour Kiyomi, c’était aussi un très bon prétexte, et elle sourit encore à Daichi.
«
Alors, comment ça se passe à l’école ? Ta mère m’a dit que tu avais eu de très bonnes notes, dernièrement. Tu dois être la coqueluche de la classe... »
Traduction : Kiyomi voulait savoir s’il avait une petite amie...