La réponse de cette cliente en particulier coupa le sifflet de la déesse. Il lui était déjà arrivé de tomber sur des individus surnaturels, depuis le changement d'Elizabeth en Sod-Oni, mais cela restait un événement assez rare pour qu'elle s'en étonne à chaque fois... et quand bien même, jamais on ne l'avait accueillie avec autant de calme, surtout face à toute la divine puissance qui exsudait de chaque pore de sa peau. C'était d'ailleurs une des raisons qui lui avait permis de pleinement accepter sa nature : à ne jamais croiser personne capable de résister à son pouvoir, l'ego creusait son nid pour avoir un plus grand espace dans l'esprit de la femme à peau bleutée. Bien sûr, il n'était pas dit que Tessia puisse résister éternellement à l'influence tentatrice de l'aura qu'elle dégageait, mais Sod-Oni n'en savait rien. Tout ce qu'elle voyait, c'était une femme calme, posée, qui lui demandait de bien vouloir baisser l'intensité de cette aura, tandis que tous les autres clients couraient s'isoler pour mieux succomber, sans jamais savoir pourquoi ils le faisaient. Evidemment, cela avait de quoi piquer son intérêt et, presque aussitôt - et plus par surprise qu'obéissance - Sod-Oni réprima son Aura de Tentation, la comprimant à l'intérieur de son être pour l'empêcher de sortir.
La surprise passée, la déesse détailla son interlocutrice de bas en haut et de haut en bas, bien plus attentive. La nature démoniaque de sa vis à vis lui apparut alors, comme une odeur de souffre, de sexe, un parfum lourd et capiteux qui se dégageait de son corps et qu'il était impossible de trouver sur Terre... un parfum que Sod-Oni avait déjà croisé récemment, en acceptant l'offrande d'une affamée. Il existait quelqu'infimes différences entre cette démone ci et celle qui était montée jusque dans son appartement pour lui offrir son cul, aussi la déesse ne fit pas l'erreur de les confondre. Après avoir jeté un oeil autour d'elle, la déessec croisa les bras, un petit sourire accroché au visage.
" Je ne chasse pas, mademoiselle, je convertis. "
Durant son humanité, on avait souvent expliqué à Elizabeth qu'il ne fallait pas parler aux inconnus. Mais depuis sa divinité, Sod-Oni n'avait que trop rarement l'occasion de parler à cœur ouvert : tous les humains qu'elle croisait se trouvaient soit dégoûtés et repoussés par ce qu'elle était, soit finissaient comme fidèles de son culte. Cela avait quelque chose d'évidemment flatteur, mais il n'y avait dès lors plus personne pour occuper une certaine forme d'égalité sociale avec qui deviser en toute liberté. Aussi, à chaque fois qu'un être surnaturel, un peu plus puissant que la norme, pointait le bout de son nez, Sod-Oni avait la furieuse envie de parler de la pluie et du beau temps.
" Je ne pense pas être comme vous, très chère, même si ce que vous êtes est en partie comme moi. C'est une différence de nature, voire de puissance, mais il faudrait mesurer avec plus de précision... " L'ego divin, une chose également très puissante. La déesse oubliait parfois que certaines personnes n'aimaient pas qu'on se place comme leur étant supérieur. Mais nous pourrons parler plus librement dans un lieu plus privé. Il se trouve que le club privé, au dessus du magasin, est un endroit parfait pour les discussions... et bien privées justement. Levant la main, après s'être assurée de n'être vue par personne et ignorant magistralement les caméras de surveillance, la déesse fit apparaître une carte entre ses doigts, dans un petit nuage brumeux, le tendant à le femme à lunettes. " Présentez cela au vigile, devant l'escalier, il vous laissera passer. Cherchez le petit salon numéro 66. "
La carte en question était une carte de fidélité comme on en trouve dans beaucoup de commerces commerces, avec toutes les cases déjà tamponnées d'un Sodome Company approved. D'après les annotations, ce petit objet de carton donnait un accès illimité au deuxième, troisième et quatrième étage du bâtiment, ainsi qu'une consommation gratuite au bar. Le temps de relever les yeux de ce dit objet et la donzelle à peau bleutée avait disparut de la même manière que la carte était apparue... La déesse s'était directement téléporté là où elle espérait que Tessia la retrouve. Tout le second étage - celui du club privé - était décoré à la mode victorienne, avec du mobilier de bois sombre, des tapisseries, rideaux, coussins et tapis de couleurs rouges, verts et noir. Lorsqu'on sortait de l'escalier, on arrivait directement sur un grand salon qui faisait office de bar, avec plusieurs petites tables agrémentées de chaises, des petits canapés le long des murs, entre des portes menant aux différents salons privés et, évidemment, le comptoirs. Un long, très long comptoirs, à vrai dire, où travaillaient deux barmans et une barmaid, habillés de manière très classieuse, en accord avec le décor, ce qui tranchait largement avec l'espace boutique au mobilier moderne et à la thématique d'Halloween. Chaque porte menait à un couloir, chaque couloir avait d'autres portes espacées à intervalles réguliers, un peu comme dans un hôtel.
Dans le salon 66, Sod-Oni attendait calmement, toujours dans sa tenue de vendeuse beaucoup trop révélatrice. Son apparence faisait tâche avec la décoration : Un canapé en L dans l'angle, entourant une table basse de bois. On trouvait deux fauteuils dans le coins opposé, tandis que le reste de l'espace était agrémenté de quelques étagères pleines de livres aux titres étonnament chastes. La déesse était avachie, les mains croisées derrière la tête, sur le canapé, en face de la porte, patientant avant l'arrivée de son "invitée".