Il y a quelques siècles, Sha avait été scellée. Son culte avait été ébranlé par la montée en puissance de l’Inquisition, par la chasse aux sorcières. Des milliers de femmes avaient été torturées, brûlées, spoliées, massacrées, et, si, dans el tas, il y avait beaucoup de simples femmes innocentes qui n’avaient rien demandé à personne, Sha avait perdu énormément de sorcières, chaque mort venant de plus en plus l’affaiblir... Jusqu’à ce qu’on finisse par la sceller. Les raisons profondes de son échec étaient encore floues dans sa tête, et Sha, scellée dans sa prison, avait progressivement réussi à sortir grâce aux conflits mondiaux qui avaient ravagé la Terre... Et probablement aussi grâce à l’action d’une autre Déesse, une Olympienne qui avait usé du pouvoir de l’Olympe pour créer une réalité alternative, ce qui avait eu pour effet de perturber les frontières dimensionnelles, multipliant les brèches... Autant de phénomènes qui avaient permis à Sha de se libérer, et de reconstituer son culte sur Terra. Malheureusement, sa puissance était bien moindre que celle qu’elle avait eue jadis. Son culte avait été laminé, et beaucoup de ses sorcières avaient, de même, disparu, ou ne la servaient plus, ne sachant même pas qu’elle existait. Sha avait réussi à reconstituer son culte en se dotant d’un temple, ce qui était une évolution par rapport à avant, où elle avait toujours été contre l’idée d’avoir une structure centrale. Elle était favorable à un culte décomplexé et décentralisé, mais l’Histoire lui avait montré toutes les faiblesses d’un tel culte.
Elle se trouvait maintenant sur Terra, et, peu à peu, son influence d’antan revenait, entraînant avec elle un accroissement de ses pouvoirs magiques. Son nombre de sorcières se multipliaient, certaines allant l’invoquer de temps en temps. Sha sentait son pouvoir revenir, et, avec lui, les souvenirs revenaient... Les souvenirs sur la manière dont elle a été scellée, et sur les véritables raisons de son bannissement... Sur l’origine du sceau infernal qui l’avait piégé. Sha méditait pendant de longues heures pour tenter de le comprendre, et c’est lors d’une de ces séances de méditation qu’elle sentit une femme tenter de l’invoquer.
En soi, invoquer une Déesse comme un vulgaire démon était totalement voué à l’échec. Sha hésita un peu... Pour l’invoquer, il fallait la prier, en récitant de vieux rituels et de vieilles litanies propre aux sorcières, mais ces mots étaient maintenant méconnus, perdus avec le temps. Sha, en d’autres occasions, aurait pu répondre en invoquant elle-même un démon, mais elle choisit, après quelques hésitations, d’accepter.
*Cette sorcière est puissante... Et je ne peux pas me permettre de la snober juste parce qu’elle a oublié que j’étais une Déesse...*
Néanmoins, un peu de leçon d’humilité n’était jamais de trop chez les sorcières, leur vénalité et leur luxure les amenant parfois à se croire invincibles. Sha décida donc d’y répondre... Et, dans la petite pièce de l’invocatrice, le vent se mit soudain à souffler, de manière de plus en plus violente, soufflant les bougies tracées autour du sceau censé la retenir et protéger l’invocatrice.
« QUI OSE ?!!! » tonna alors la voix désincarnée de Sha.
La craie blanche tracée sur le sol fut soufflée, et des vibrations commencèrent à traverser la pièce. La magie de Sha déferlait à la vitesse d’un ouragan, et des ombres se matérialisèrent, assombrissant la pièce. Des ombres tentaculaires, tandis que, au milieu, l’Ombre apparut, ses yeux blancs, immaculés, jaillissant comme deux lampes dans l’obscurité. Depuis sa longue chevelure, des tentacules jaillissaient tout autour d’elle, glissant le long des murs, formant presque comme une forêt autour de Sha, des multitudes de griffes prêtes à se refermer sur le corps de la femme.
« Aurais-tu commis cette folie de m’invoquer comme on appelle son chien, sorcière ? As-tu donc oublié QUI JE SUIS ? »
Un peu d’intimidation, ça ne faisait jamais de mal.