For Sandji's Sake. [Daclusia]

Sa seule voie était une mort lente et douloureuse, c'était certain. Jamais un tel crime ne pouvait être pardonné. Culpabilité et peur étaient les seules choses encore présentes, le reste n'était plus qu'un amas de futilité qui avaient encombré sa vue trop longtemps, aveuglé par son ego et ses propres desseins, en oubliant l'essentiel que son esprit avait dû égarer.

Jamais, pas même elle, ne pouvait lui pardonner ça. Il allait être puni, sévèrement, et il ne s'en remettrait pas. Comment avait-il pu l'égarer... La seule chose qui la rattachait à elle, l'éternel souvenir de son passé et dernier souvenir de Maman, l'objet le plus précieux qui l'avait si longtemps protégé, comme si elle contenait son âme... La perdre était le pire des crimes.

Un amas de souvenirs perdus, enterrés, signes de diverses existences passées dont personne n'y prenait attention, voilà où elle avait atterri. Communément nommé "décharge"... Des tas, des montagnes d'immondices et de ferraille en principal, de l'éléctroménager... Que des choses oubliées ou perdues, qui ne méritent plus d'attention. Mais ici, c'était le centre de toute ses attentions.

" NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON !! "

Un cri inhumain sorti de sa gorge en faisait frémir les plaques de tôle, impregnés de peur et de rage, le cri fut suivi d'une espèce d'explosion... Des machines à laver, des ordures et même une turbine d'avion vola dans les airs, atterrissant ça et là... D'ailleurs, un objet brillant fendit le ciel, et alla se planter à côté d'un amas rouge a l'aspect écoeurant....

Une pelle à côté de ce qui restait du corps du gardien de cette déchetterie. Démembré et eviscéré, à main nue, sous la colère.

Souvent, les hommes passent, hautains, et le considérant comme négligeant, sur le nounours d'un petit garçon. Grave erreur. Surtout si c'est un cadeau d'une mère à son fils. Voilà ce qui avait attiré Daclusia en ces lieux, lui qui n'était que simplement de passage sur Terre. Aujourd'hui, il portait des vêtements complètement noirs, hormis pour le t-shirt, qui était blanc. Sur le dos de la chemise, noir de jais, on pouvait voir une spirale ailée, rappelant une moitié de papillon.

Les pleurs d'un enfant réclamant sa mère.

Tout d'abord, les yeux bleu turquoise du vendeur furent attiré par ce tas de chair rose qui devait être vivant il y a à peine quelques minutes. Se penchant légèrement, les yeux clos, pour souhaiter une bonne après-vie à cet homme, il observa assez longuement Sandji une fois sa courte prière terminée.
Il était triste de voir ce que pouvaient faire la folie humaine. Connaissant son autre lui, il pensa un instants aux expériences de celui-ci. Au moins avaient-elles un sens. Au moins étaient-elles là pour une raison précise.
Alors que Sandji, lui, était une victime des conséquences de la théorie de Darwin.

Cependant, Daclusia prévoyait d'agir prudemment. Ce garçon avait été débridé, au moins en partie. Et du peu qu'il avait pu voir, il était également instable. Il fallait trouver un moyen pour le calmer et pour engager la conversation. Même si il ne savait pas encore pourquoi...

Puis ce fut autre chose qui capta l'attention du JYL. Une pelle. Mais pas n'importe quelle pelle. Elle était imprégnée de souvenirs tristes, de beaucoup de mélancolie, mais surtout d'amour maternelle. Cette pelle conservait en elle un morceau d'âme. Peut être même était-elle la demeure du spectre de la mère de Sandji.
Se doutant de la valeur que celui-ci devait y accorder, le vendeur préféra ne pas y toucher. Il se contenta de passer sa main autour, d'agiter l'air pour en capter les remous.

Se penchant, souriant, face à la pelle cette fois-ci, il murmura un "Enchanté madame", et entreprit de lier le contact avec Sandji.
Pour ce faire, il fit tourner son doigt, en spirale dans l'air autour de la pelle, pour l'imprégner de l'aura de ce sacro saint ustensile. Puis, soufflant doucement pour le bercer au gré de la brise, il expédia ce résidu d'aura sur le grand enfant.
Ce n'était rien d'énorme. Mais si ce gosse aimait autan sa mère que ça, alors il devrait la sentir. Au moment où ce fut le cas, le vendeur, à une bonne demi-douzaine de mètres de ladite pelle, pointa en direction de celle-ci, l'autre main dans la poche, souriant à Sandji pour bien lui faire comprendre qu'il était amical.

"Je crois que vous tenez à elle..."

Se contenta-t-il de formuler. Il était inutile de fioriturer les phrases. Pas avec lui.

Quel désespoir et quelle déception. Déception de son échec à sa tâche principale, sur laquelle il n'avait visiblement pas accordé assez d'attention... Etais-ce là l'échec de la raison de son éxistence? Sa punition était-elle sa disparition ? Pourtant Maman avait toujours été si miséricordieuse... Mais cette faute était impardonnable, non ?

A nouveau, ses mains soulevaient des tonnes d'objets et de déchets d'un seul mouvement de bras, déplacant ces montagnes d'ordure à la manière d'une tornade qui avait frappé la déchetterie. Non seulement c'était dangereux, mais tenter de l'arrêter l'était tout autant: il suffisait de voir l'état du gardien de la déchetterie pour se rendre compte à quel point le dicton "ne jamais contredire les personnes légèrement différentes" était affreusement vrai.

" MAMAN !! "

Un cri hystérique et plein de désespoir sorti à nouveau de la bouche du jeune homme blond, qui avait l'air miteux avec ses vêtement troué par l'environnement assez peu praticable et une odeur de déchet était impregné dans les tissus et ses cheveux, accentuant encore son air différent. Mais peu importait son apparence: il avait senti sa mère l'appeller. Et il la vit: juste devant elle, à l'attendre sagement près de l'entrée, comme une mère attendant son fils égaré aux caisses d'un magasin.

Fonçant à travers la montagne de déchet, il glissa une pente remplie d'éléctroménager défoncés et se rua vers le plus précieux objets du monde, en l'attrapant il roula au sol, se retrouvant avec la pelle entre les jambes, il se pencha en avant de manière à former un espèce de cocon autour de la pelle, s'ensuivit des sanglots bruyants et des marmonnements inaudibles, qui semblaient être des excuses. Et ce manège dura au moins dix bonnes minutes, avant qu'il ne commence à relever la tête et passer ses mains sur ses yeux, pour essuyer ses larmes. Jusqu'alors, il n'avait même pas remarqué l'être vivant à côté de lui.

Ce grand gamin était bien étrange. Et surtout ingrat. Comme tous les enfants en fait. Mais bon, un enfant qui retrouve sa mère est toujours un spectacle attendrissant. Surtout quand on est celui qui a envoyé le déclic pour les réunir. Même si il n'avait pas formulé de vœu, il avait tout de même une dette envers le vendeur...
Celui-ci soupira, extirpa de sa poche une friandise au chocolat, qu'il engloutit d'une bouchée, et en envoya une deuxième pile dans la bouche de Sandji. Pour le calmer d'une part, et pour attirer son attention d'autre part.

"Pour toute chose reçue, il faut donner quelque chose de valeur équivalente... Tu m'as déjà payé pour ce que je t'ai offert."

Il pensait bien sûr à l'indication donnée à la tête blonde concernant la position de sa pelle-mère. Mais il se retint bien de le dire. Que ce garçon croit où pas que ce soit le chocolat le cadeau, il avait payé dans les deux cas.
Ceci fait, Daclusia se laissa tomber en arrière, assez négligemment, sur un fauteuil déglingué et mité se trouvant sur le tas d'ordure juste derrière lui. Il s'étira quelque peut, et resta là, à fixer le ciel.