Comme un putain de cliché, le chevalier Siegfried était dans un fauteuil style Louis XV (dit « Siège Proutprout » sur le catalogue Ikéa), devant une grande cheminée en marbre noir, avec tentures rouge écarlate et statuettes de bronze figurant les stars les plus pimps du Reich. Un verre de Dead Nazi dans la main, il patientait en matant l'âtre, croyant que le fixer intensément pendant des heures ouvrirait ses chakras, son troisième œil, ou autre connerie new age, mais au final, il ne faisait que détourner le regard toutes les cinq minutes pour essuyer ses larmes.
Et en plus, il avait chaud à la gueule, et suait du cul. Oui, il était à poil sur son trône, parce qu'il trouvait que ça lui donnait un genre de classe rustre et primitive assez élégante au vu du cadre somptueux dans lequel il se plaçait.
La large porte derrière lui s'ouvrait dans un léger grincement. Aux claquements réguliers des talons, il savait qui c'était.
Scarlett. Scarlett Johansson.
SCARLETT. FUCKING. JOHANSSON.Quand on s'appelle Siegfried, on ne s'entoure pas de laideron, aussi, il était évident qu'il ne pouvait avoir dans son entourage que le tip top du top. Dommage qu'elle ne soit pas une si bonne aryenne que ça : Un quart de sang hébreu. Purée... Comme quoi, même elle ne peut pas être parfaite.
Ca ne rassure pas sur le reste de l'humanité les mecs.
« Maître ? »Il prenait son temps avant de la regarder. Il faut se donner un style, v'voyez. Il constatait qu'elle était fringué dans son bel uniforme SS, le tailleur militaire qui donnait envie à Siegfried de la démonter direc' contre le mur, entouré du choeur des Jeunesses qui entonne avec entrain un chant des Panzertruppen.
« Oui, beauté ? »Elle roule des yeux, comme si elle trouvait le compliment pathétique de sa part. D'ailleurs, son ton se fait exaspéré.
« Pourquoi êtes-vous encore nu ? »
« Pour te plaire, ma grande. »Elle pousse un long soupir, avant de le regarder de nouveau, les lèvres pincées, retenant visiblement une quelconque remarque désagréable.
« Le Seigneur Prime a proposé une paix aux rebelles. »Le SS se redressait sur son siège, saisissant le dossier qu'elle lui tendait avec diligence et raideur. Comme il aimait cette attitude pleine de rigueur et de discipline. Il feuilletait les pages une à une avec rapidité, perplexe.
« Ça ne lui ressemble pas. Pas du tout. Soit c'est une manœuvre politique... Soit c'est une manœuvre guerrière. Au mieux, il leur présente des conditions impossibles à accepter pour les Chevaliers-Plats, comme un SMIC (Stature Minimum Imposée aux Courbures), au pire, c'est un piège pour les exterminer. Dans tous les cas, ça pue sévère. »
« Je suis arrivé aux mêmes suppositions. »Il la regarde, et sourit. En plus d'être bandante, elle en avait dans le crâne. Pas comme l'autre gourdasse avec la bave qui lui coulait des lèvres qui lui servait de secrétaire. Mais au moins, c'était une pure allemande. Mouai... Là encore, c'était pas rassurant.
« Julia ! »
« Ouiiii ? »De sa petite voix aigüe, elle se rameutait,
les deux bras à l'horizontal s'agitant au rythme de ses pas, cruche qu'elle était. Elle rit comme une pétasse en voyant Scarlett, puis se penche vers le Chevalier du Reich.
« Hihi ! Vous voulez que je vous s... »
« Non ! Interrompit-il bien vite, devant le regard réprobateur de Scarlett.
Tu vas faire préparer mon uniforme, et tout mon attirail. Ca va chier. »« Hihi ! Vous voulez de nouveau utiliser votre robot de combat pour m'enc... »
« Non plus ! Je vais me battre. »
« Hooon ! Contre qui ? »Siegfried, l'air grave, se tourne aussitôt vers Scarlett, qui le regarde par-dessus ses lunettes, affichant un air des plus compatissants.
« Il va falloir faire un choix, Maître. Opter pour un camp... ou pour l'autre »
« Tu sais vers quoi mon cœur penche. »Elle fait une moue, puis baisse les yeux, contrite. Julia, cruchasse qu'elle est, fait voguer ses iris vers l'un, puis l'autre, sans rien piger.
« T'es encore là, salope ? »
« Oui Maître ! Hihi ! Ca vous dit que je vous br... »Tarte dans la gueule de la part de Scarlett, qui la prend par les cheveux pour la faire voler avec brutalité vers la porte. Couinant comme un canari qu'on égorge, la secrétaire fonce préparer l'attirail du Boss.
« Scarlett. Je ne peux pas te demander de risquer ta vie pour moi, mais... »
« Si, vous le pouvez, et vous vous apprêtez à le faire. »
« Tu le ferais ? »
« Tant que vous me donnez ce que je demande. »
« Ah. J'espérais un truc à base d'amour, d'attachement patron/employée, de grandeur d'âme, etc... »
« Vous rêvez, Maître. »
« Ca t'émoustille de m'appeler maître, hein ? »
« Non. Je suis payée pour ça, je vous le rappelle. »Claquement de talon, remise de casquette, et elle file.Une escouade de Ritter arrivaient sur le One Shot, transporté par un croiseur stellaire avec croix gammées peintes en gros sur les ailes. Ils transportaient une caisse de combustible nucléaire destinée à la revente, comme c'était de coutume dans le coin : Faire quelques affaires de contrebande, vite fait. Les autorités ne disaient rien, puisqu'ils croquaient dans le fruit aussi, les administrateurs locaux recevant quelques discrètes subsides mensuelles et autre largesses de Siegfried en échange de leur silence. Ah, la liberté de commerce, quel bonheur, n'est-ce pas ?
Du coup, la venue du nazi et de sa troupe armée passait inaperçu. Son lieutenant allait rencontrer quelques administrateurs, pendant que Scarlett, grimée en vagabonde, large pèlerine masquant son corps de déesse, capuche et foulard pour occulter son beau petit minois. Siegfried la regarde s'éloigner, puis se dirige vers ce que ses renseignements lui ont indiqué être la salle de réunion entre les deux ennemis jurés. Ils ne sont apparemment pas encore là. Tant mieux. Cape rouge volant derrière lui, armure assistée marquant par des bruits sourds ses pas métalliques dans la station, il attendra discrètement devant, lui, le non-rallié, celui qui, pense-t-il dans un délire d'orgueil, fera pencher la balance en faveur de celui en qui il se ralliera.
Désolé, Scarlett. Il a choisi les flats.
Allons, ne sois pas triste, tu n'as pas de si gros seins. Forcément, avec le bon soutif, la perspective change, hein. Non, au naturel, tu as la taille juste bien. Pas trop. Oui. En revanche, ses autres amazones SS sont des plates, sans courbes exagérées, et c'est ce qui lui plaît.
Le Chevalier du Reich pose sa main sur son épée lourde. Il compte assister à la réunion et ne rien dire, jusqu'au moindre mouvement de l'une des parties, le moindre geste brusque, pour aussitôt afficher son obédience, et défourailler des culs impériaux et découper des nichons par paquet de dix.
Ca va chier, putain.