BOURRAGE PAPIER ! BOURRAGE PAPIER ! LE RETIRER !
Oh non, pitié, PAS ENCORE ! Nathan résista à l’envie de frapper la photocopieuse. Quand on pensait à l’activité d’un policier, on avait en tête cette image du cow-boy des séries télévisées. L’homme partant secourir la veuve et l’orphelin, menant des interrogatoires musclés, en planque dans une voiture à se goinfrer de donuts en attendant que leur cible se rapproche pour mener une filature digne d’un épisode de Columbo. Le boulot de flic avait cependant tout une partie cachée, toute une zone obscure, qui tenait en un mot : paperasse. Ainsi, tandis que, ailleurs, Ada pestait sur les papiers qu’elle avait à photocopier, Nathan, lui, était lancé dans une lutte à mort, impitoyable, pour tenter de sauvegarder ses procès-verbaux, que la photocopieuse, vorace et affamée, était en train de déchiqueter à la moulinette. Menant plusieurs enquêtes en même temps, Nathan avait décidé de s’accorder les trois dernières heures de sa journée pour remplir les procès-verbaux, faire son rapport, et ensuite en faire des photocopies pour envoyer des exemplaires aux personnes intéressées : son supérieur, les archives, le bureau du Procureur, lui-même, et les éventuels avocats défendant les prévenus.
C’est ainsi que Nathan se retrouvait à enchaîner les photocopies, et à affronter le bourrage papier, essayant de sauver ses précieux papiers. Il ouvrait alors l’épaisse photocopieuse pour décoincer son papier, et recommençait ensuite. Le service devait se doter d’une nouvelle photocopieuse dans les prochains jours, et notre agent grommelait sur place. Il continua à batailler avec sa photocopieuse, jusqu’à ce que la machine crache ses précieuses copies. Nathan les agrafa promptement. Il était plutôt tard, et les secrétaires n’étaient plus là, ce qui expliquait pourquoi il le faisait. Un policier faisait fréquemment des heures supplémentaires, et Nathan retourna ensuite à son poste. Ce problème matériel l’avait passablement énervé, et il finit par partir, ayant besoin de se détendre.
Or, pour lui, la meilleure manière de se détendre était de rentrer dans un bar. Nathan se rendit vers un bar, et le hasard voulut que ce soit le même que celui où, quelques minutes plus tard, Ada viendrait. Nathan salua le barman. Ce n’était pas la première fois que le flic venait ici. Il s’assit à une table, et commanda un verre, n’ayant pas envie de traîner près du comptoir. Il en profita pour lire le journal local. Dans la partie consacrée aux faits divers, les journalistes parlèrent d’un escroc qui avait été condamné à une peine de prison de six mois. Nathan avait participé à cette enquête.
Il ne vit pas Ada arriver, et le symbiote non plus... Mais d’autres la virent arriver. Une femme avec une belle salopette arrivant à mi-cuisse, qui se mit à enchaîner les verres. Elle attisa bien vite les regards curieux et pervers de quelques clients, et, au bout de cinq minutes, deux s’approchèrent.
« Et ben, ma chérie, on noie un problème de cœur ?
- Encore un gaijin qui n’y comprend rien aux femmes... »
Ils n’étaient pas spécialement beaux, et s’assirent à gauche et à droite de la dame. Dans un coin du bar, le juke-box diffusait une musique de rock japonaise. Nathan pensait surtout à ça en bougonnant. Il aurait aimé entendre du Deep Purple, mais on ne pouvait pas non plus trop en demander. Que ce soit aux États-Unis ou au Japon, on rencontrait les mêmes problèmes administratifs avec ces foutus papiers.
« Une belle femme comme toi ne devrait pas traîner dans ce bar de miteux, continua, pendant ce temps, l’un des deux hommes. Nous, on connaît de bonnes adresses pour se défoncer et s’éclater la tronche toute la nuit...
- De très bonnes places, oh ouais ! Tu peux nous faire confiance ! »
Ces deux losers louchaient sans vergogne sur les seins de la femme. Des pervers de bas étage à qui il manquait juste un peu de cran pour devenir de parfaits petits violeurs en série. Ils tentaient leur chance face à cette femme, sans savoir qu’ils étaient en face d’un véritable volcan, un volcan qui ne demandait qu’un prétexte pour entrer en éruption.
Un prétexte qu’on lui offrait sur un plateau.