Une rencontre inattendue (Leafa)

Assis à-même le sol près de son maître, Nic triturait du bout des griffes le collier d'esclave qui entravait son cou, et lui faisait de profondes marques à vif. Il poussa un soupir dégoûté: il était tenu en laisse, tel un animal.
Bien sûr, il n'avait pas honte d'être un Terranide, il était fier de ses oreilles, de sa queue et de son agilité. Non, ce qui le dérangeait, c'était la façon dont les autres traitaient les gens comme lui.
Réfléchissant au moyen le plus rapide de s'enfuir, il regarda autour de lui. Peut-être que déclencher une catastrophe serait efficace ?
A sa droite se trouvait un maraîcher, dont les fruits et légumes étaient disposés dans de grands pots en argile.
Un sourire espiègle naquit sur les lèvres de Nic, et il ramassa discrètement une pierre qui se trouvait à côté de lui.

Qu'est-ce que tu fous ? aboya son maître, qui n'avait pas vu ce que Nic tenait dans sa main.

Rien. mentit ce dernier en se redressant. Je m'étirais, c'est tout.

Avec un grognement dubitatif, son maître retourna à son activité; à savoir, lire son journal.
Quant à lui, le maraîcher était en pleine négociation avec un client.

C'est le moment. songea Nic.

Prenant une grande inspiration, il lança le caillou dans un gros pot contenant des pommes, qui se déversèrent partout, créant un joyeux chaos ambiant dont Nic profita pour s'enfuir sans regarder derrière lui.
Il traversa toute la place, sautant les obstacles, grimpant les murs et contournant les autres personnes.
Alors qu'il avait atteint une ruelle entièrement vide, un obstacle totalement inattendu vint entraver sa course. Nic n'eut pas le temps de ralentir sa course, et se télescopa brutalement dans ce qui (il ne s'en rendit compte qu'une fois l'avoir faite tomber et être tombé sur elle, bien entendu) s'avéra être une jeune humaine.

Nexus, un des premiers paysages de Terra parcourus par Leafa. Cette ville était finalement assez semblable aux villes terrestres avec de grandes avenues et places bondées de commerce en tout genre, des petites ruelles peu accueillantes, etc. Mais ce que la terrienne voulait voir, ce n'était pas l'architecture ni les commerces. Elle voulait rencontrer les créatures uniques à ce monde.


Elle fut percutée à la sortie d'une ruelle par une personne courant dans sa direction. Après avoir rapidement repris ses esprits, la première réaction de Leafa fut de s'énerver :

Non mais ça va p... ?! Elle s'arrêta en plein milieu de sa phrase lorsqu'elle aperçut les oreilles de chat du jeune terranide qui venait de la percuter. Un terranide ! Enfin ! Le coeur de Leafa s'emballa à l'idée de rencontrer un terranide après plusieurs années d'attente.

Mais cette joie fut de courte durée car elle prit fin lorsque des cris retentirent. Attrapez-le ! Il s'est échappé !

Leafa était au courant de l'esclavagisme intensif envers les terranides et comprit donc rapidement les intentions de ces personnes envers le terranide qu'elle venait de rencontrer. La jeune femme avait attendu des années pour en rencontrer un alors personne n'allait la séparer de sa découverte.
Son visage se figea en une expression de rage animale et la guerrière repoussa rapidement le terranide. Elle se plaça ensuite entre lui et ses poursuivants. Armée de ses couteaux, elle leur cria :

Si vous tenez à la vie, ne vous approchez pas !

Merde. pensa Nic en voyant la jeune fille dégainer ses armes pour le défendre.

Il n'avait pas prévu ça.
De bout en bout, cette situation était surprenante. Déjà, il ne pensait pas foncer dans cette fille, alors que cette ruelle était habituellement déserte. Il ne pouvait pas se douter que ladite fille serait une humaine; une Terrienne qui plus est. Et, comble du comble, elle le défendait.
Il n'avait connu la pitié des autres à son égard qu'une seule fois dans sa vie. Cela lui semblait toujours étrange.

Il arracha un des couteaux des mains de la jeune fille, et le lança en direction d'un homme. Ledit couteau s'enfonça dans son ventre gras, projetant des gerbes de sang sur ses partenaires, qui s'empressèrent de l'aider.

Ca devrait les occuper un moment. Maintenant, on cours ! lança-t-il en attrapant sans ménagements la main de la fille, avant de l'entraîner dans une course folle à travers les ruelles, renversant les poubelles, bivouaquant dans des petits détours, tandis que certains reprenaient sa poursuite.

Nic ne s'arrêta que lorsqu'il fût sûr d'avoir semé ses poursuivants. Essoufflé, il s'appuya contre un mur et se laissa tomber au sol. Puis, il regarda sa petite justicière, qu'il avait traînée à bout de bras dans toute la ville.

C'est sympa à toi de m'avoir défendu. lâcha-t-il, à bout de souffle. Mais... juste pour savoir: t'es qui ?

Leafa mit quelques secondes pour reprendre ses esprits. Une fois cela fait, elle regarda sa nouvelle connaissance un instant. Il est vraiment tout mignon avec ses oreilles de chat. La jeune femme était attendrie, ce qui est assez rare pour être signalé.

Je m'appelle Leafa. Et toi ?

Avec un couteau en moins, la guerrière préféra vérifier ses armes, au cas où d'autres pépins surviendraient. Elle sortit donc ses deux pistolets et vérifia les chargeurs. Elle s'adressa au terranide en même temps.

Tu veux mon avis ? Pour s'enfuir, on aurait dû passer par les toits. Ils nous auraient sûrement pas suivi.

Pour appuyer ses dires, Leafa entama une escalade du mur sur lequel était adossé le terranide. Elle sautait d'une prise à l'autre avec une légèreté surprenante. Elle donnait l'impression de ne pas peser plus lourd qu'une plume.
Elle arriva vite en haut du bâtiment et se retourna, attendant que son partenaire félin la rejoigne.

Nom d'un chien, mais qui est cette fille ? se demanda Nic, un peu amusé, en levant la tête pour la regarder faire.

Mine de rien, elle lui plaisait bien, cette petite brunette aux yeux violets. Elle était moins farouche qu'elle n'en avait l'air. Ses aptitudes au combat en faisaient une guerrière redoutable.
Et puis, elle était prête à risquer  sa vie pour lui alors qu'elle ne le connaissait pas, bordel.
Oubliant toute méfiance, il finit par grimper pour la rejoindre. A vrai dire, il ne s'était jamais vraiment méfié d'elle; sinon, il ne lui aurait pas pris la main pour qu'ils fuient ensemble.

Je m'appelle Nic. lâcha-t-il en s'asseyant à ses côtés. Au fait, qu'est-ce que tu fais ici ? Ce n'est pas un endroit pour une Terrienne...

Leafa observa le jeune terranide en train de grimper. Il faisait honneur à sa condition d'homme-chat, grimpant avec aisance et grâce. Il rejoint l'humaine et s'installa à côté d'elle. Il lui demanda la raison de la présence d'une terrienne en ces lieux et Leafa lui répondit sans détour :

Ça fait des années que je cherche à rencontrer un terranide. Votre race me fascine. Et ça explique aussi pourquoi je t'ai protégé.

Elle fixa un instant ses yeux gris-verts et s'y perdit. Il était décidément hyper mignon avec son visage d'ange et ses oreilles de chat. D'ailleurs une demande vint aux lèvres de Leafa avant même qu'elle y réfléchisse.

Je peux toucher tes oreilles ?

Je peux toucher tes oreilles ?

Nic sursauta à cette demande, et lesdites oreilles en frémirent d'embarras. Le rose monta aux joues du jeune Terranide, qui se remémora alors le vieux pédozoophile qui prenait son pied en lui caressant les oreilles.
La jeune fille qu'il avait en face de lui n'y ressemblait en rien. Elle semblait vive, curieuse, mais en même temps, empreinte d'une naïveté touchante: les Terranides ne l'effrayaient pas, mais la fascinaient, et faisaient naître en elle des instincts protecteurs. C'était vraiment rare que ce genre de chose arrive ...
Elle le fixait intensément de ses grands yeux mauves, et semblait hypnotisée par lui. Même la famille qui l'avait accueilli n'avait pas présenté un si grand intérêt pour sa condition, le considérant davantage comme un enfant normal.
Nic ne savait pas si il devait être flatté ou embarrassé (ou les deux !), aussi laissa-t-il la jeune humaine caresser doucement ses petites oreilles duveteuses, sa longue queue (de chat, hein !!!) se balançant et ondulant timidement . Mais, il apposa une condition:

Et toi, tu me laisserais t'... (il se maudit d'avoir pu penser à dire "t'embrasser", et tenta de se rattraper du mieux qu'il pouvait) tester tes armes ?

Quand Leafa approcha sa main de la tête de Nic, ce dernier se mit à trembler et son visage vira au rouge. La terrienne se rendit compte que sa demande était sans doute un peu gênante pour lui. Elle hésita donc un instant avant de se décider á finalement lui gratouiller les oreilles doucement comme elle le faisait à son chat. La sensation au toucher était identique. Douces, duveteuses, ces oreilles étaient vraiment comme celles de son chat. Ces terranides étaient vraiment fascinants.

Je peux t'... tester tes armes ?

Leafa avait senti que la fin de sa phrase n'était pas celle qu'il voulait dire. Cela amusa la terrienne puis elle se demanda surtout ce qu'il voulait dire. Elle hésitait à embêter le jeune terranide afin de savoir ce qu'il voulait lui demander puis se retint finalement.

T'es sûr ? Elles sont assez dangereuses alors il faut les manipuler avec précaution.

Il faut les manipuler avec précaution. prévint Leafa en acceptant de prêter ses dangereux joujoux à Nic, qui, lui, haussa les épaules avec un air de connaisseur.

J'ai déjà fait mes preuves avec ton couteau, non ?

Nic examina l'arme. C'était pas de la gnognotte. Cette fille s'y connaissait, c'était certain; et elle n'aurait pas eu de mal à buter Nic si elle en avait eu envie.
Toutefois, elle avait ce petit quelque chose qui inspirait confiance, tellement confiance que Nic, dicté par ses pulsions animales,  avait failli lui demander si il pouvait l'embrasser. Il passa sa langue sur ses canines pointues, se demandant si cela gênerait Leafa si ils s'embrassaient. Puis, il se rappela qu'embrasser une quasi-inconnue était plus ou moins mal vu. Alors, il lui rendit ses armes et lui proposa:

Si tu veux, on se pose un peu ici le temps de se remettre de nos émotions. Après, on pourra aller voler quelques vêtements. T'en veux ? ajouta-t-il en vidant ses poches des pommes qu'il avait chipé dans sa fuite. Et, ah, au fait, si tu pouvais m'aider à enlever mon stupide collier d'esclave, ça m'arrangerait beaucoup...

Il secoua la laisse qui pendouillait autour de son cou d'un air gêné.

J'ai déjà fait mes preuves avec ton couteau, non ?

C'est vrai, ce terranide savait manier un couteau et il savait peut-être aussi manier un pistolet. Mais ce n'était pas le fait de tirer des balles de métal propulsées par de la poudre qui rendait ces armes dangereuses. Elles renfermaient un pouvoir bien plus destructeur qui se devait d'être bien contrôlé.
Ainsi, lorsque demanda à Leafa de lui retirer son collier, elle décida de lui montrer ce pourquoi elle ne laissait jamais personne les manier à sa place.

Alors montre-moi ton cou et ne bouge surtout pas d'accord ?

Le terranide fit un signe de tête pour montrer son accord puis se figea.
Leafa prit un couteau qu'elle pointa en direction de Nic. Ce dernier remua, logiquement intimidé. L'humaine le rassura et commença à libérer la puissance de son arme. Une lueur bleutée avait commencé à parcourir la lame de plus en plus vite. La lueur s'intensifia et se concentra sur la pointe.
Soudainement, un rayon lumineux très fin se dirigea vers le collier du terranide. Lorsque le rayon toucha le collier, ce dernier fut vaporisé. Le terranide était libre.

J'ai concentré la puissance de ma lame en un point. Si je ne la maitrisais pas assez, on aurait tous les deux été soufflés.