Her blood is poison ( PV )

Otto Von Schirach à Seikusu. Quand Hanna, sa collègue, lui en avait parlé, Kina avait eu peine à y croire. Lui, cette fièvre ambulante, cette électricité statique éternelle, ces basses dévastatrices, était au Japon ? Grands dieux. Elle avait cru entendre son palpitant se fissurer, en entendant la nouvelle. Elle avait loupée Gesaffelstein de peu, la semaine passée. Et voilà qu'une nuit de folie et de perte de toute conscience s'offrait à elle. Aussitôt, elle se fit porter pâle pour le lendemain, et s’éclipsa de son bureau. Prétendre être enceinte, c'était la première fois qu'elle le faisait. Le culot n'était plus qu'une formalité pour la jeune femme. Et puis, il suffisait qu'elle s'abaisse un peu devant son directeur pour qu'il lui pardonne toute erreur. A l'occasion, elle irait remercier Dieu de lui avoir offert une telle poitrine. Nul doute que cela l'aiderait toute sa vie.

S'allumant une cigarette, elle envoya un message rapide à Hanna, la sommant de la retrouver dans la "salle de concert". Une grange abandonnée, en bordure de Seikusu, qui servait à des rassemblements de festivals et autres joyeusetés. Elle sortit une flasque de son sac, grogna en constatant qu'elle était vide, et grimpa dans sa voiture. Une Dacia noire, superbe. Il ne lui fallut qu'une petite dizaine de minutes, la musique hurlant à pleines basses, pour rejoindre sa demeure. Un appartement posey, où elle se changea. Dehors, la tenue de secrétaire parfaite ! Soucieuse de plaire à son idole du moment, elle enfila un bustier de cuir noir, qui dévoilait complètement son ventre, surmonté d'une chemise blanche très longue et transparente, qu'elle laissa ouverte. Un short de jean de la même couleur suivit, et une paire de bas ajoutée à l'ensemble. Du whisky dans la flasque, du rhum au fond du sac, de la verte dans un pacson, des cigarettes dans la poche de son long manteau en cuir, et elle était fin prête. Certes, elle faisait peur - surtout qu'elle s'était dessinée une large ligne noire au milieu du visage, qui englobait ses deux yeux - mais elle s'en moquait pas mal. Ce soir, elle irait voir Otto von Schirach. Le concert débutait dans deux heures.

Et ce n'est qu'une fois en route qu'elle réalisa que tout ne se passerait pas comme prévu. Sur la route qui menait hors de Seikusu, il y avait un pont. Un pont que l'on devait traverser pour aller hors de cette ville, donc. Et à ce point là précis de la ville se trouvait ... une multitude de voitures arrêtées. Un putain de bouchon. La petite brune s'alluma une cigarette, sortit de sa bagnole, les poings serrés. Beaucoup se retournèrent sur son passage, tandis qu'elle se rapprochait au mieux des policiers qui dressaient une barricade.

- Qu'est ce qu'il se passe ?

- Madame, vous ...

- Ma-de-moi-selle, articula t'elle, agacée. Que se passe t'il ?

- Pour votre sécurité, nous ...

- Putain ! Vous vous foutez de moi ?

- Calmez-vous, ou ...

- Vous allez m'embarquez, c'est cela ? Pour la dernière fois : que se passe t'il ?

C'est une adolescente habillée de rose qui lui répondit, sur le ton de la confidence.

- Y'a Nessie.

Kina cligna des yeux, prise d'un hoquet de surprise. Nessie ? Ils déconnent, là ? La jeune brune tira une large bouffée de tabac, avant d'expirer violemment.

- Attendez, dit-elle en s'adressant à nouveau au policier. Vous êtes en train de me dire que vous avez bloqué l'accés au pont parce que le monstre du Loch Ness a décidé de venir à Seikusu ?

- Ecoutez ... Des gens l'ont vu. Il a des photographies, et ...

- C'est la meilleure ! s'exclama t'elle.

- Regagnez votre véhicule.

Elle voulut répliquer, mais ne trouva même pas quoi dire. L'agacement, l'énervement l'empêchaient de s'exprimer correctement. La patience de Kina, c'est comme les crocodiles dans le métro parisien : une légende. Elle tapa du poing contre le capot d'une voiture, et revint s'adosser contre la sienne, sa clope à la main, hésitant pour s'envoyer sa flasque de whisky. Sois sage. En attendant, elle était bloquée. Putain, quelle vie. Elle avait beaucoup de mal à croire que, pour une raison aussi saugrenue, l’accès au pont était bloqué. Nessie avait la même valeur que le Père Noël, à ses yeux. Et cela ne méritait aucunement qu'elle loupe le concert d'Otto Von Schirach.

- Y'a Nessie.

Je restais aussi con que la nana à qui la gamine en rose venait de lâcher l'info. Nessie ? Le foutu monstre du Loch Ness ? Non mais sans déconner, on était à des milliers de kilomètres de l'Ecosse ! Qu'est ce que venait foutre Nessie dans la baie qui bordait Seikusu ? J'en avais vu, des trucs improbables à Seikusu. Croyez moi, Sentinel Prime avait croisé des tas de choses complètement dingues au fil de sa carrière. Mais là, c'était aussi absurde que con à dire. Nessie à Seikusu, même moi je n'arrivais pas à y croire. Abasourdi, je regardais le flic s'expliquer avec la nana qui l'avait interpellé pour avoir des explications. Une superbe fille, me semblait il, malgré l'éclairage le pauvre éclairage public qui nous baignait tous, nous qui attendions dans l'embouteillage. Avec un style vestimentaire...hm...curieux. Mais nous étions au Japon, pas vrai ? A bien y réfléchir, la belle n'était pas si décalée que ça dans le paysage. Et personnellement, avec un cul come ça, j'étais partant pour tout lui pardonner.

J'ignorais pourquoi elle était coincée là, mais pendant qu'elle s'énervait en retournant à sa bagnole, je la matais sans la voir vraiment pour faire le point sur ma soirée. Alors que j'étais tranquillement installé à la maison, la rédaction du journal m'avait appelé pour m'envoyer en urgence sur un scoop qu'on lui avait signalé. Un artiste européen qui se produisait en bordure de la ville, Otto Von Schirach, était soupçonné de...ahem...communiquer avec les Atlantes. Et comme j'étais le plus près des journalistes, c'était à moi qu'il incombait d'aller percer ce mystère à la con. Mais bon, la remise de l'article m'assurerait une petite coquette petite prime sur laquelle je ne comptais pas cracher. Perché sur mon scooter, je soupirais. Je pourrais toujours m'envoler, mais ça ne serait pas discret et SP était censé être mort. Il allait falloir employer d'autres moyens et ce rapidement, parce que je devais arriver avant le début du concert. Lâchant un sourire un peu con à la jeune femme au style particulier qui était stationnée sur ma gauche, je disparaissais dans les environs l'espace de quelques minutes avant de réapparaître. Le temps que je fasse le tour, une idée avait germée et elle allait pouvoir m'aider.

Je quittais mon casque de moto et ouvrait la veste de cuir qui couvrait mon t-shirt blanc moulant. Le jean délavé que je portais me moulait agréablement les fesses et une paire de basket discrète achevait de me vêtir, mes lunettes factices à l'épaisse monture rectangulaire achevant ma tenue du moment. Faisant le tour de sa voiture, je tapais au carreau côté conducteur et pris l'espace d'un instant pour regarder le reflet. Une barbe naissante qui ne m'allait pas trop mal... De quoi faire un carton et j'avoue que je comptais un peu dessus. Les beaux mecs attiraient un peu plus la confiance et j'allais avoir besoin qu'elle m'en accorde au moins un peu.

- Bonsoir, miss. Désolé de vous déranger, mais... Vous n'iriez pas au concert d'Otto Von Cirage ? Si c'est le cas, j'ai une idée pour nous faire passer tout les deux. Mais je vais avoir besoin de vous et surtout de... ça. d'un doigt pointé assorti d'un sourire, je désignais le généreux vallon de ses seins. Ils ont cernés la zone autour du pont et du prétendu Nessie, mais on peut descendre sur le bas-côté. En bas, le passage n'est gardé que par un seul flic, mais il ne sera pas sensible à mes charmes. Aux vôtres, en revanche....

Il n'était pas difficile de comprendre ce que je voulais dire et je ne doutais pas qu'elle avait vite percuté. La proposition était honnête et elle pouvait marcher. Quant à la traversée de l'eau, ça allait constituer ma part du contrat.

- Vous nous arrangez un passage et je ferais avancer la barque qui nous fera passer sur l'autre rive. Et si vous voulez, je vous escorte en prime du côté des loges. Les cartes de journalistes font des merveilles. MAIS ! En échange de ce service particulier, vous m'accordez une faveur... Ménageant mon effet, je dessinais un petit sourire pervers sur mon visage.... Vous me laissez... Photographier le prétendu Nessie. Héhé. Deal ?

Je lui tendais la main. Il ne tenait qu'à elle d'accepter ou de m'envoyer me faire foutre, mais le marché que je lui proposais me semblait plutôt avantageux pour tout le monde. L'union faisait la force et je ne perdrais pas l’occasion de la mater tandis qu'on serait ensemble. Elle serait mon agréable petit bonus de la soirée, qui était pour le moment un tantinet à chier.

Nul doute que cette prétendue Nessie était une invention d’Éléonore. D'ailleurs, si le jeune homme ne s'était pas arrêté pour parler à Kina, il aurait pu la voir passer, amusée des réactions des gens, puis disparaître. Éléonore maîtrisait avec talent les serpents, et donner à tout un peuple l'illusion, via un poison distillé dans l'air, que Nessie existait et venait fêter Noël à Seikusu l'avait amusée ! Mais voilà, elle repartait, décidée à laisser les gens se dépêtrer au mieux.

Quand il s'était approché de sa voiture, Kina avait la flasque au bord des lèvres, et le filtre de sa clope s'était aplatie, à cause de la pression subie entre son majeur et son index. Oui, elle était agacée. Elle commençait à avoir froid, en plus, et elle avait enfilé une écharpe de laine noire de 461786 mètres de long, dans lequel elle engouffrait sa bouche. Chaque expiration, tiède, réchauffait momentanément le tissu. Si bien que ce type, là, elle aurait pu l'envoyer bouler une bonne fois pour toutes. Mais non, elle le laissa parler, encaissant une rasade de whisky au passage. L'alcool tient chaud, les enfants, croyez-moi. Et puis, il était plutôt pas mal, elle devait bien l'avouer. Pas question de l'envoyer paître, non, non. Kina abaissa son carreau, et écouta son discours avec une ferveur presque religieuse. Quoi ? Elle pourrait aller au concert ? Son petit coeur tourbillonna littéralement. Elle remit sa flasque dans son sac, retira prudemment son écharpe pour l'engouffrer dans ledit sac. Et lui serra la main, acquiesçant.

- Marché conclu. Je ferais tout pour ce concert.

Articula t'elle en retirant les clés du véhicule. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, elle fut dehors, veillant à bien fermer son manteau sur sa taille, mais à dévoiler au mieux ses avantages. On sait y faire ou l'on ne sait pas. Et Kina, elle, avait très bien appris à maîtriser ses atouts. Le chemin était tout indiqué, et elle ne put s'empêcher de sortir à nouveau un cigarette. Douce addiction. Elle ne savait même plus faire sans.

- Vous êtes ... Ah, putain de briquet, saloperie de vent. Vous êtes journaliste, mh ?

S'acharnant sur son pauvre briquet rouge, elle tentait de faire un peu la conversation. Bah quoi, il lui sauvait sa soirée, là, ce type, quand même ! "L'amour se nourrit de coïncidences". Ferme-la, Cassel, retourne jouer le fermier sanguinaire chez Kourtrajmé. Le concert commençait dans une heure, le vent se levait, son briquet déconnait. Excusez donc cette vulgarité. Ils arrivèrent rapidement sur le bas-côté. Les bruits des klaxons, des cris, s'estompaient, ne devenant qu'une brume sonore. Elle n'avait même pas encore dansé, et elle était déjà claquée. Quelle histoire. La silhouette d'un flic, plutôt pas laid mais bien trop jeune pour elle, se dessinait face à eux. Kina inspira, bombant élégamment sa poitrine, avant de lui faire face. Sur le coup, elle n'avait pas tant d'idées que ça, sur quoi dire ou quoi faire. Improvise.

- Madame, que faites-vous ici ?

Tiens, elle s'attendait à avoir la première réplique, pourtant. La jeune brune secoua la tête, remettant ses lunettes sur son nez.

- Mademoiselle, mon coeur, Mademoiselle. Je ne suis pas si vieille que ça.

Ceci étant dit, elle retira ses lunettes, pour se mettre à mordiller une de ses branches, son regard courant tout autour du policier avant de lui tomber dessus. Elle planta son regard dans le sien.

- Saurais-tu m'aider ?

- Je ... Que voulez-vous ?

Voilà qu'il bégayait. Bim, c'était dans la poche.

- Il me faut aller de l'autre côté du pont. Mon frère et moi ...

Elle se tourna vers celui qui allait sauver sa soirée, dont elle ignorait foutrement le nom d'ailleurs, et remit ses lunettes, soigneusement.

- ... Devons rendre visite à notre mère, à la clinique. De l'autre côté du pont. Elle est très malade.

Le ton était câlin, le regard, félin. Et la poitrine, bien mise en avant. Ah, si ça ne marchait pas, ça ! Kina pria silencieusement pour que sa mère lui pardonne d'être mêlée à cette histoire.

- Vous, vous ...

- Mmh, s'il te plaît ! Notre yacht nous attend, aux pieds du pont. Tu ne voudrais pas que ...

Comme s'il ne voulait pas entendre la suite, le jeune flic lui fit signe de se taire, et les laissa passer. Elle lui murmura un remerciement, avant de continuer tranquillement à marcher. Pour éviter toute maladie, elle remit tout de même son écharpe autour de son cou, reboutonnant son manteau. Puis elle se retourna vers cet inconnu.

- Alors, où notre "yacht" - elle prononça ce mot avec une certaine moquerie - est-il affrété ?

Comme j'étais en droit de m'y attendre, elle accepta sans hésiter. C'était un arrangement qui nous allait à tous les deux et ce fut donc facilement qu'elle m'emboîta le pas après être sortie de sa Dacia. Une jolie fille -malgré ce drôle de maquillage- qui savait parfaitement comment mettre ses atouts naturels en valeur. J'esquissais un sourire entendu que je partageais avec elle quand elle ajusta son manteau et lui répondit tandis qu'elle se bagarrait avec son briquet tandis que nous descendions vers la rive qui passait sous le pont où nous nous étions rencontrés. Fouillant dans ma poche, je lui proposais mon Zippo. Bien que je ne fumais pas - parfois de la verte, mais ça restait rare - j'avais toujours sur moi ce briquet argenté gravé du sigle qui en temps normal frappait ma poitrine.

- Hm-hm. Pas dans un grand quotidien, mais je saurais vous faire passer à l'arrière d'une façon où d'une autre. Et vous, vous faites quoi, dans la vie ?

Nous y étions. La scène sur laquelle elle allait se produire, le public qu'elle allait devoir convaincre. Je l'encourageais d'un discret clin d'oeil et restais un pas en arrière, assistant au petit spectacle. Et je devais bien avouer qu'avec le numéro que la belle lui lâcha, il y avait de quoi chavirer. Sublime jouvencelle en détresse, qui maîtrisait l'art de l'allumage hormonal masculin sans pour autant se vautrer dans l'étalage vulgaire. Intérieurement, j'enviais le flic l'espace d'un instant. Même si ce n'était que pour de la comédie, se faire alpaguer comme ça était franchement plaisant. L'espace d'un instant, je sentis une pointe de chaleur toute virile m'envahir et m'évertuais à la chasser tandis qu'elle me désignait comme son frère. Pour ne pas la trahir, je fis une mimique presque implorante afin d'entrer dans le jeu.

Et bingo ! De beaux seins pouvaient ouvrir bien des portes, la preuve était faite. Nous filâmes au signal donné par le policier et, en bon frère prévenant, je passais une main sur les épaules de ma "soeur" pour la féliciter en tournant la tête vers l'arrière pour jeter un oeil amusé à l'officier de police. Ses yeux braqués sur le derrière de ma belle comédienne, comme on pouvait s'y attendre.

- Jolie prestation, frangine ! Je lui frottais les épaules pour illustrer l'ironie du terme. Pour le yacht familial, il doit être à quai un peu plus bas. Au fait, moi c'est Kyle !

L'aidant à descendre le chemin légèrement boueux sur lequel nous nous êtions engagés en la prenant par la main, je lui désignais finalement une cabane de pêcheur qui se découpait un peu dans l'obscurité. Un petit ponton de bois y était adjacent, supportant l'amarre de notre moyen de transport... Une vieille barque à rames. Certes, ce n'était pas un bâtiment digne de la dernière star en vue, certes. Pourtant, ça nous amènerait à bon port !
Nous arrivâmes sur le ponton et, tandis qu'elle embarquait avec mon concours, je nous poussais loin de la rive avant de bondir sur la barque. L'air était froid et ce fût donc tout naturellement que j'ôtais ma veste pour la poser sur ses épaules avant de me mettre à la rame, placé face à elle.

- Il y a plus romantique, comme premier rendez-vous, pas vrai ? Ceci étant, je suis sûr qu'aucun mec ne t'as jamais invitée sur une barque pourrie un soir où ça caille sévèrement, hm ?

Le tutoiement était venu naturellement et ce n'était pas plus mal comme ça. En attendant de voir la rive opposée, je scrutais tout de même la surface de l'eau pour tenter d'y apercevoir Nessie où tout ce qu'on avait put prendre comme étant le fameux monstre écossais. Et je vous jure que j'évitais au maximum de mater le décolleté de ma compagne fortuite ! Mais je n'étais pas mécontent que l'effort fasse rouler mes muscles saillants, qui se dessinaient agréablement sous mon t-shirt.

Lorsqu'elle s'installa sur la barque, le bois craqua, en écho aux bouteilles qui claquèrent entre elles, au fond du sac. Kina le plaça à ses pieds, acceptant la veste avec un sourire mutin. Dieu de dieu. Que c'était archaïque. Enfin, tant que cela la menait à bon port, elle ne comptait pas faire la fine bouche. Enfilant ses gants en cuir, elle alluma sa cigarette avec le Zippo qu'il lui avait prêté. La flamme la fit sursauter. La jeune femme se cala plus confortablement sur le banc, son regard oscillant entre les flots brumeux et le dénommé Kyle. Non pas qu'elle se rinçait l'oeil, mais ... Bon, d'accord, elle se rinçait l'oeil. Un peu. Juste ce qu'il faut pour sourire légèrement. Les yeux sont faits pour voir, glissa sa conscience. Elle avait cru comprendre qu'il était journaliste, et qu'il lui avait demandé son emploi. Secrétaire. Ou comment vendre très peu de rêves. Kina secoua la tête, se recoiffant soigneusement. Elle ne répondrait pas à cette question, parce qu'elle exécrait son travail.

- Je m'appelle Kina Mara.

Fut la seule chose qu'elle parvint à dire, avant de sortir sa flasque de whisky de son sac. L'odeur lui donna envie de boire, ce qu'elle fit prestement. Une rasade d'alcool pour une bouffée de chaleur.

- Oh, tu sais, j'ai eu bien pire comme rencard, frangin, glissa t'elle dans un sourire. Tant que l'on est bien accompagné, le reste importe peu.

Une bouffée de tabac. Les petites phrases piquantes, elle adorait. Vite, la jeune femme vérifia l'heure. Dans trois quarts d'heure, le concert commencerait. Une bouffée de joie s'empara d'elle, tandis qu'elle rangeait son téléphone portable dans ...

- MERDE !

... Dans l'eau. Oui. Parfaitement.

- Quelle conne.

Elle regarda l'eau gober son téléphone, sans rien pouvoir faire. Pas question de s'ajouter comme une poule sans tête. Il était foutu. Plus d'heure, plus de moyen de communication. J'aime beaucoup cette soirée.

Bon. Le con qui avait déclaré avoir vu Nessie méritait bien que je lui mette la main dessus histoire de lui balancer quelques baffes bien placées. Pas l'ombre d'une bestiole quelconque à la surface de l'eau, donc aucune excuse qui justifiait le fait que je rame comme un imbécile dans un début de soirée plutôt frais, emmenant avec moi une nana qui m'appelait frangin. Au moins, je ne lui ferais pas le coup de la panne ! On finirait bien par arriver sur l'autre rive et je regrettais d'avoir à me cacher de mes pouvoirs. J'aurais pu l'embarquer pour un passage par les airs, la déposer au concert en lui glissant que si elle voulait me remercier, je ne serais pas contre une petite politesse sous la ceinture. Au lieu de ça, j'allais finir en sueur et la queue sur l'oreille. Sans parler qu'il allait falloir que je ponde un article à propos de cet artiste et de sa prétendue relation avec des Atlantes. Boulot à la con, soirée à la con.

- A s'appeler comme ça, frangine, si on s'envoie en l'air à un moment de la soirée... Ça aura un petit goût d'interdit. J'haussais les épaules en souriant. C'est plutôt excitant, remarque.

La lumière de l'écran de son portable me fit porter les yeux sur elle. Les ombres soulignaient son visage gracile et sa poitrine ferme et le sourire qu'elle dessina me souffla qu'on avait certainement encore un peu de temps devant nous. Je vis aussi arriver le destin funeste du téléphone. Aïe. Kina n'était visiblement pas contente et ça se comprenait, mais une bonne nouvelle se profilait : la berge que nous visions se dessinait enfin de l'autre côté.

- Je te collerais tout le temps que tu auras besoin d'un portable, si tu veux. Si c'est vraiment nécessaire, je te prêterai le mien, frangine.

Nous accostâmes finalement sur un petit ponton sur lequel je sautais pour amarrer le bateau. Saisissant Kina par la taille, je la soulevais avec (trop d') aisance et la déposais sur la terre ferme, l'invitant d'un mouvement de tête à continuer notre route.

- Il va falloir qu'on se trouve un moyen de transport, frangine. Sinon, on ne sera pas à l'heure. Mais franchement... J'ai peur que ça soit un peu juste, quand même. On serait presque mieux à se poser ici pour passer la fin de soirée tranquillement.

Une invitation ? Oui et non. Je me doutais qu'elle comptait aller au concert et je n'attendais pas autre chose. D'un regard, je l'interrogeais pour savoir ce qu'elle voulait faire. 

( Joyeux Noël SP de mon coeur ! <3 )



L'allusion de Kyle à une éventuelle partie de jambes en l'air lui arracha un sourire. Diable, il n'avait pas froid aux yeux ! Habituellement, face à une nana comme Kina Mara, on se la bouclait, parce qu'elle en imposait. Mais lui, avec ses petites remarques osées, plaisait bien à la jeune brune. Elle tapota sa cuisse de ses ongles vernis - du rouge, évidemment, elle ne faisait pas les choses à moitié - tout en regardant la berge s'approcher d'eux. Elle avait hâte de retrouver la terre ferme, mine de rien. Les flots, bien que peu houleux, ne lui inspiraient aucune confiance. Il lui proposa son aide, qu'elle déclina d'un hochement de tête. Pas besoin de compter sur qui que ce soit, pour elle. Son ego de femme-canon-qui-ne-craint-rien-ni-personne lui interdisait de devoir rendre des comptes. Même si, avec lui, elle aurait presque souhaité devoir en lui rendre ... La jeune femme se laissa porter hors de la barque en souriant, sourire qui s'accentua quand ses pieds touchèrent le sol. Ferme. Stable. Elle aurait presque pu s'allonger par terre.

Une mince brume, crémeuse, entourait les lieux, marquant le début de la nuit. Lune laiteuse, vent frais. Kina frissonna doucement, rentrant son visage dans son écharpe.

- ... Se poser ici ?

Son ton était plus amusé qu'autre chose. Elle se frictionna les bras.

- Mais il fait si froid ...

Minauda t'elle, souriante, un peu joueuse. Sacrifier Otto Von Schirach, ouais, ça la faisait chier, parce qu'elle adulait ses sons et l'ambiance qui le nimbait. Mais il était rare qu'elle croise un mec aussi canon et avenant. Mh, ça vaut le coup. Sa conscience opina du chef.

- Même si une petite soirée me tente davantage qu'un concert usant.

Quitte à être usée ... Kina esquissa un sourire. Et ralluma sa cigarette, éteinte par ce vent agaçant.

(A toi aussi ma belle, Joyeux Noel <3)

L'endroit avait un petit quelque chose d'hors du temps. Les lumières de Seikusu était loin, dans l'horizon de la rive depuis laquelle nous venions et réduites à leur plus simple expression. Derrière nous, la campagne s'étendait pour disparaître dans la nuit pourtant encore jeune. La rive où nous nous trouvions était bordée de roseaux ainsi que de hautes herbes et la brume légère qui s'était levée plongeait l'endroit dans un décor de série B où tout semblait pouvoir - et devoir - arriver. Je tendais presque l'oreille pour capter des gémissements de zombie, même si dans le même temps je m'étais préparé à voir passer une procession de personnages encapuchonnés qui auraient psalmodié des mots incompréhensible avant de se volatiliser dans la brume. Je frissonnais d'excitation et un peu de peur. "Le jeune couple perdu dans les ténèbres de la nuit va devoir affronter les démons tapis dans la brume !" La pensée m'amusa, et je me retournais vers Kina.

- Je ferais en sorte de te réchauffer, ce sera un parfait prétexte pour laisser mes mains se balader sur toi l'air de rien, frangine, soufflais-je tout sourire, en lui proposant ma main.

Au loin, à une vingtaine de mètres face à nous le long de bras du fleuve, la forme modeste et fantomatique d'une baraque de pêcheurs se découpait. Passer la soirée à faire le mur, oui. Mourir de froid, non. Ouvrant la voie, je m'y dirigeais.

- Tu ne m'a pas répondu pour ton job, frangine. Ce n'est pas important, mais c'est histoire de faire la conversation.

Du pied, j'écartais les roseaux qui nous barraient la route. Du coin de l'oeil, je matais Kina mais j'en profitais aussi pour scruter le fleuve. Je n'avais pas oublié Nessie, apparition à laquelle je croyais de moins en moins, qui avait fait dériver ma soirée. Bah, à voir ma partenaire du moment, j'estimais que ce n'était pas une mauvaise chose pourtant. J'esquissais un sourire amusé alors que nous arrivions à proximité de la cabane. Placée au bord du fleuve, elle était de taille plutôt modeste et ne payait pas de mine. Ici, on était loin de tout et de tout le monde...
Le cadenas sauta assez facilement. Il ne pouvait de toutes façons pas me résister, mais pour donner le change, je mimais de la difficulté quand je le fis sauter à l'aide d'une barre de fer trouvée dans un coin du ponton qui jouxtait la petite baraque.

- Voilà notre suite nuptiale, frangine. Loin de papa et maman, pour qu'on puisse se lâcher un peu plus qu'à la maison. Je vais passer devant quand même, sait-on jamais.

Zippo allumé à la main, je me faufilais dans la cabane. Une pièce centrale où gisait un canapé défoncé mais confortable qui faisait face à une table basse (en fait des cagettes grossièrement clouées entre elles) jonchée de cadavres de bouteilles de bière. Contre les murs, des cannes à pêche étaient empilées. Des revues pornos sur une étagère et une petite armoire dans un coin, qui abritait des couvertures propres et une réserves de boissons. Un peu de jus d'orange, beaucoup de bière, un paquet de Curly. Royal, pas vrai ? Deux lampes à pétrole nous serviraient d'éclairage, que je m'empressais d'allumer. Drôle de cadre pour une soirée.

- J'espère que tu ne m'en voudra pas de t'avoir fait troqué un concert contre un squat, frangine. On passe à la partie où je t'allume l'air de rien tout de suite, où on se pose devant un verre avant ? Y'a de la bière et des Curly, on est donc sauvés quoi qu'il arrive.

... Une cabane de pêcheur. On ne pouvait pas faire plus rupestre. Après la barque, la cabane, soupira sa conscience, habituée aux hôtels cosys et luxueux, où l'immense lit aux tentures de soie côtoie la piscine, et ... Faisant fi de ces pensées un brin méprisantes, Kina accepta sa main, et le suivit sans mot dire. C'était l'imprévu qui devait primer sur le prévu, point. Et puis, elle trouverait le moyen de squatter Miami pour retourner à un des concerts de son idole du moment. Jetant finalement sa foutue cigarette dans l'eau, la jeune femme répliqua d'un sourire à sa première remarque.

- Qui sait, peut-être que je ne demande que ça ... frangin.glissa t'elle, le dernier mot étant teinté d'une ironie certaine.

Elle manqua de tomber trois fois, mais se raccrocha toujours à Kyle pour ne pas se ramasser comme une loque. Le whisky ne lui faisait même pas tourner la tête. Quelle misère.

- Je suis ... secrétaire, dans un truc de finances. Je ne m'y intéresse pas plus que ça. Ces gens là jouent avec de l'argent qui n'est pas à eux. J'aimerais beaucoup tout brûler là-bas, j'attends le bon moment.

Kina avait prononcé ces mots tandis qu'il ouvrait la porte de la masure, la présentant comme leur "suite". Chose qu'elle accueillit avec un petit sourire moqueur. Oui, voyez-vous, même si la jeune femme n'aimait guère le systéme capitaliste, la Bourse, elle devait bien avouer qu'elle tenait à son petit confort. Dilemme affreux. Toujours est-il que le sourire qu'elle afficha en voyant le canapé défoncé fut ... un peu crispé.

- Charmant.

Elle attrapa une canette de bière, qu'elle ouvrit aisément.

- Commençons sagement, veux-tu ? La suite n'en sera que meilleure.

- Tu veux brûler tout ce qui te semble injuste ? Il te faudra bien plus qu'un jerrican d'essence et une boîte d'allumettes, soeurette. Certains volent dans des costumes moulants pour sauver le monde mais ne font que déplacer de l'air. Justicier, c'est une vocation de Don Quichotte. Tu peux me croire.

J'haussais les épaules en attrapant le jus d'orange et un verre qui traînait dans un coin. Personne n'aurait put lui parler de tout cela mieux que moi, après tout. Désabusé ? Peut-être un peu. Sentinel Prime était mort, après tout. Son idéal avait parfois du mal à lui survivre, même si je détestais me l'avouer. Voir le monde avec les yeux d'un homme normal revenait à accepter l'inutilité des justiciers. Pour une vie de sauvées, combien n'avais-je pas secourues ?

- Charmant.
- Je ne fais pas dans le luxueux, mais dans l'original. Mais on peut se barrer et trouver un petit hôtel sur la route, si tu veux.

Sec ? Un peu. L'amertume de mes pensées y était pour beaucoup. Aussi, pour que Kina ne prenne pas ombrage de mon ton changeant, je lui offris un sourire qui se voulu amusé. Attrapant une couverture propre dans la petite armoire, je la jetais sur le canapé et m'y asseyais, tapotant la place à côté de moi... Puis mes cuisses. L'assise était peut-être, pour la jolie secrétaire, plus envisageable.

- Je suis toujours sage. Mais que dire de toi, frangine ? Tu suis le premier mec venu dans une cabane loin de tout. Qui te dit que je ne suis pas un dangereux pervers ?

Tendant mon verre, je l'invitais à trinquer.

- A Nessie et cette soirée de merde ?

- Tu suis le premier mec venu dans une cabane loin de tout. Qui te dit que je ne suis pas un dangereux pervers ?

La jeune femme répondit par un sourire amusé et un haussement de sourcil plutôt évocateur à cette petite remarque. Elle suivait tout le monde. Sa confiance envers les gens canons et avec qui elle était susceptible de bien s'amuser la faisait suivre tout ceux qui correspondaient à ces critères. Oui, on peut trouver un peu malheureux, mais bon, elle s'en calait. Qu'elle passe pour une fille facile n'écorchait pas plus que ça sa confiance. Sa place au Paradis éternel lui était déjà refusé depuis un bon moment. Kina passa sa main dans ses cheveux, bien décidée à jouer un peu. Il lui avait fait signe de s'asseoir ? Parfait ! La jeune brune s'approcha lentement du canapé, déhanché léger mais efficace et oblige, et s'installa dessus. Enfin, je veux dire par là qu'elle s'installa sur Kyle, non pas sur ses genoux, mais ses jambes l'encerclant un moment - si ce n'est le chevauchant -, lui faisant face, sa charmante poitrine se retrouvant presque au niveau du visage du jeune homme.

- A Nessie et à cette soirée de merde, répéta t'elle en faisant claquer sa canette contre le verre de Kyle, avant d'en boire une gorgée.

Ceci fait, elle glissa sur le côté, s'installant prés de lui. La bière lui piquait un peu la gorge, si bien qu'elle la déposa sur la table basse de fortune. Décidément, elle était bien plus habituée aux alcools forts. Le whisky, elle le buvait comme du petit lait, alors qu'elle rechignait à finir une bière. Tu es bien difficile, ma petite.

- Je ne serais jamais justicière. Je suis bien trop égoïste.

Elle secoua la tête.

- Néanmoins, j'admire les gens qui ont vocation à l'être, et qui font preuve de générosité. Jamais je ne pourrais gâcher ma vie pour celle d'autres.

Ceci étant dit, elle retira prestement son manteau, dévoilant sa chemise blanche ouverte, et son ... haut. Si certains daignent l'appeler ainsi. On aurait davantage dit un soutien-gorge noir qu'un haut, à ce niveau.

- Quant au reste ... Ne sois pas trop sage non plus, frangin. Ce serait bien dommage.

Pour cette petite réplique, elle s'était tournée vers lui, sa main glissant prestement sur sa joue. Mmh. Il avait bien trop de charme pour qu'elle reste patiente, à attendre, sur ce canapé, finalement.